Fessenheim, stop ou encore ?

Fessenheim : 2 réacteurs à l'arrêt et 2 députés en Marche forcée...

Quand est-ce qu'on pourra vraiment oublier le nucléaire au Rhin Supérieur ? Foto: André Hatz / Franck Dautel / CC-BY-SA 4.0int

(Par Franck Dautel) – Deux députés haut-rhinois LR, qui étaient convaincus, il y a encore peu de temps, qu’une centrale nucléaire comme celle de Fessenheim, n’a pas de durée d’exploitation limitée dans le temps. Contrairement à n’importe quelles installations industrielles, les deux pensaient sincèrement que ce n’était pas le cas pour leurs deux réacteurs adorés. Seulement, la centrale est à l’arrêt et c’est définitif. Alors ils foncent vent debout vers un nouveau projet…

Fessenheim, c’est fini ? – Pas pour les députés Raphaël Schellenberger et Yves Hemedinger, qui, alors que la bête n’est pas encore complètement refroidie, se lancent dans le projet incroyable de faire perdurer l’industrie nucléaire à Fessenheim ! Oui, à Fessenheim, comme si la page du nucléaire n’avait jamais été tournée à cet endroit, en Alsace et dans toute la région du Rhin supérieur.

Une nouvelle centrale nucléaire ? Un EPR ? – Non, mais nos deux députés en seraient bien capables. Ils soutiennent un autre projet pour Fessenheim : un « technocentre » ou, ni plus ni moins, une fonderie de déchets radioactifs provenant du démantèlement des centrales nucléaires de toute l’Europe. Une installation de « recyclage pour la valorisation des parties métalliques »… Des déchets que l’on réduirait, traiterait chimiquement et mécaniquement… Et, avec un peu de poudre de perlimpinpin, on arriverait à se débarrasser de la plus grande partie des radioéléments emprisonnés dans le métal. Magique !

Tout ça évidemment toujours à quelques mètres au-dessus de la plus grande nappe phréatique d’Europe. Toujours à plus de 8m en contre-bas de la digue du Grand Canal d’Alsace, à deux coups d’ailes d’un aérodrome et bien entendu, toujours sur une zone sismique…

Fessenheim, pré-poubelle nucléaire ! – Un programme qui a pour finalité de recycler annuellement des milliers de tonnes de métaux contaminés et pendant des décennies, le tout à transporter sur les routes et les rails d’Europe. Ce métal traité à Fessenheim produirait des déchets ultimes, la radioactivité n’étant au mieux que déplacée, concentrant des radioéléments très dangereux qui seront eux-mêmes transportés à nouveau, on ne sait plus trop où, d’ailleurs. Ou bien, à Bure, tiens, en voilà une idée qui tombe à pic ! Bure dans la Meuse, où la filière nucléaire s’est lancée dans un autre projet dément : creuser un réseau de galeries souterraines plus vaste que le métro parisien, pour en faire la plus grande poubelle nucléaire de tous les temps et jusqu’à la fin des temps !

Un recyclage radioactif… - D’un côté, ce qui est vraiment passablement contaminé et de l’autre, des milliers de tonnes qui vont se retrouver disponibles sur le marché mondial du métal ! Un marché qui ne bénéficie d’aucune traçabilité… On retrouverait donc le résultat de cette fonte d’acier « décontaminée » mais encore un petit peu, dans toutes formes d’équipements métalliques possibles et imaginables : sommiers de lit, structures de canapés, poussettes pour enfants, montures de lunettes, armures de béton, ustensiles de cuisine….

Du métal qui ne sera jamais débarrassé de la totalité de ses radioéléments. Mais on n’est plus à un rayonnement près, avec les milliers d’essais et de largages de bombes atomiques sur Terre durant 75 ans, sans compter les catastrophes et accidents nucléaires connus ou non depuis autant de temps…

Rayonnement, la grande qualité de nos deux députés ! – Pour réussir et faire rayonner leur projet de « technocentre », l’Etat, EDF (c’est un peu les mêmes, l’Etat est actionnaire majoritaire de l’électricien) et nos deux pourfendeurs d’écologie (là, ce sont les trois qui sont les mêmes…), pensaient intéresser les Allemands à l’affaire…

Le projet va coûter cher et la trésorerie d’EDF est pour le moins exsangue. Financer de nouveaux projets et se désendetter n’est pas à la portée actuelle de l’énergéticien français. EDF traîne des casseroles comme l’EPR de Flamanville avec ses 15 milliards d’euros de dépassement budgétaire déjà engouffrés et une dette estimée de plus de 60 milliards d’euros, cela n’arrange évidemment pas les choses.

Mais voilà, les allemands ne veulent pas entendre parler d’une nouvelle installation nucléaire dans la région du Rhin supérieur. - Les responsables politiques du Bade-Wurtemberg et les ministères d’Etat concernés sont clairs sur la question ! Sortir du nucléaire dans le Bade-Wurtemberg semble décidément plus simple à mettre en œuvre qu’en Alsace.

Les centrales allemandes de Philipsburg et de Neckarswestheim sont déjà en cours de démantèlement, et ce chantier sera terminé depuis longtemps quand le technocentre « pourrait » être opérationnel, soit vers 2029. « Pourrait », parce qu’en matière de nucléaire, EDF a un gros problème avec l’estimation des délais de réalisation. Voir à nouveau Flamanville sur le sujet, avec déjà 8 ans de retard et ce n’est pas fini.

Nos députés avancent, bien entendu des enjeux sur le développement économique et donc l’emploi local. Il était temps, pour une centrale nucléaire condamnée à fermer depuis 2008, l’âge de ses 30 ans, ou allez, depuis 2012 avec la promesse bidon de François Hollande. Non, dans le Haut-Rhin, on attend que le décret d’arrêt de l’usine atomique soit signé pour penser enfin à l’emploi local ! Anticiper, ce n’est pas toujours le boulot des politiques d’aujourd’hui, pas plus que ceux d’hier, il faut bien l’admettre.

La sagesse d’outre Rhin… - Les allemands avancent d’autres solutions, d’autres façons de répondre à la question du développement économique et de l’emploi à et autour de Fessenheim. Une alternative au technocentre à travers un projet tourné vers le futur, avec une coopération franco-allemande, idéalement dans les domaines de l’innovation et des énergies renouvelables. Un projet bénéficiant du soutien de la population et du monde économique pour maintenir ou créer des emplois. Une installation nucléaire ne correspond en rien à l’objectif recherché d’une région modèle en matière d’énergies renouvelables et d’industries innovantes…

En matière des relations franco-allemandes, les deux pays ont signé le 22 janvier 2019 un traité de coopération et d’intégration nommé « Traité d’Aix-la-Chapelle ». Un chapitre en particulier est consacré à la coopération transfrontalière, au renforcement des territoires frontaliers franco-allemands. Dans son article 19, il est fait mention d’une coopération renforcée dans les domaines des énergies renouvelables. Pas d’une fonderie de métaux radioactifs…

Le nucléaire, n’est ni une énergie renouvelable, ni sans émission de gaz à effets de serre et bien entendu, ni sûre… - Cette source d’énergie est polluante et dépend à 100% d’une ressource fossile rare, l’uranium. Un métal importé de l’étranger : Kazakhstan, Canada, Australie, Namibie, Niger, Russie, Ouzbékistan… dans des conditions parfois plus que contestables où corruption, violence et autres magouilles sont courantes.

Où est donc l’indépendance énergétique si longtemps vantée par EDF et le président Macron, qui répète ce mardi 8 décembre 2020 à l’usine Framatome du Creusot, que « le nucléaire restera la pierre angulaire de notre autonomie stratégique ». À la fin 2018, outre la cuve de l’EPR de Flamanville, pas moins de 3861 « écarts », dont 2982 constats d’anomalie, avaient été recensés sur des pièces équipant le parc nucléaire français et provenant de l’usine du Creusot.

Le nucléaire est sûr, nous dit le Président de la République…

Où est aussi le discours transparent des scientifiques honnêtes au sujet de l’aspect « décarboné » du nucléaire que vante là encore Emmanuel Macron au Creusot ? Le nucléaire, zéro carbone ? Il a beau dos le CO² quand d’autres gaz à effets de serre sont rejetés par les centrales nucléaires, comme l’hexafluorure de soufre, qui est l’un des six types de gaz à effet de serre visés par le protocole de Kyoto. Son potentiel de réchauffement global (PRG) est 22 800 fois supérieur à celui du CO². Nos usines atomiques « zéro carbone » l’évacuent dans l’atmosphère « sous contrôle », ce qui équivaut déjà à 41 millions de tonnes de CO² par an, pour le parc atomique français, sans compter les fuites déclarées ou non et les fuites d’autres gaz puissants à effets de serre, comme les fluides réfrigérants dont le pouvoir réchauffant dépasse largement celui du CO².

Non, le nucléaire ne sauvera pas le climat !

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