Festival de Cannes 2021 – Impressions (1)

Esther Heboyan revient sur le Festival de Cannes et raconte ses impression de ce festival pas comme les autres. Début d’une mini-série personnelle de notre correspondante à Cannes.

Notre correspondante Esther Heboyan devant l'écran "Plage" du festival. Foto: privée

(Esther Heboyan) – J’étais tellement pressée d’arriver à la première séance du Festival de Cannes 2021 (The Story of Film : A New Generation, un documentaire de Mark Cousins qui se révélera fort intéressant) que je suis arrivée avec une heure d’avance, ce qui a déclenché le rire d’un vigil. Il m’a fait remarquer qu’il n’était que 13h50 et non pas 14h50. Effectivement, où avais-je la tête ? Dans les étoiles, sans doute. Dans la grande roue qui ne transporte personne, semble tourner au gré du vent dans le lointain. Dans les parasols blancs géants de la terrasse réservée à la presse.

Sur la terrasse du troisième étage, il n’y a presque personne à cette heure-ci. Il fait une belle chaleur. Une journaliste interviewe une personnalité que je ne reconnais pas, à l’abri des regards, dans le coin le plus éventé de la terrasse, et heureusement à l’ombre – belle trouvaille. Une hôtesse remarque une dalle mal posée. De suite arrivent des techniciens qui éliminent toute trace de dangerosité. On entend parler italien, allemand, anglais. On entend des scies électriques aussi. Les toutes dernières installations. Cannes avant le glamour de la soirée d’ouverture avec la projection de la comédie musicale Annette de Leos Carax (en fait, une tragédie musicale un peu tirée par les cheveux et des pantins qui vivent et meurent d’amour et de poses amoureuses, de chants et de solitude).

Devant le Palais du Festival les gens s’attroupent. Pour apercevoir on ne sait qui, imaginer on ne sait quoi, se photographier entre soi, pour soi, ah, le fameux selfie au pied des marches, le corps contre les barrières métalliques de la Croisette. Le père photographie sa fillette d’une douzaine d’années, l’homme sa compagne qui prend une pose à la Monica Vitti. Monica Vitti – qui s’en souvient aujourd’hui ? Le photographe professionnel, lui, fait des photos d’ambiance, n’a pas de temps à perdre, me dit de passer d’un ton désagréable. Il faut comprendre : passer vite, car lui aussi doit passer. On n’est pas là pour l’éternité.

Le matin, j’ai croisé une jeune journaliste espagnole. Elle s’appelle Aïda. C’est sa troisième expérience sur la Croisette. Elle s’inquiète un peu du déroulement des événements. Le Covid-19 y est sans doute pour quelque chose. Coïncidence : sa mère s’appelle comme moi. Le monde est non seulement petit, mais il est aussi origami. On plie, on replie, on multiplie des pliages en triangles, des pliures au centre, les signes et symboles. L’espace d’un regard ou d’un souvenir, le monde se raconte en mêmeté.

Mais le monde à Cannes n’est plus le même. Même s’il y a toujours les marches rouges du Palais et les marches blanches du Grand Théâtre Lumière. Même si l’on attend Jodie Foster (l’enfant-star de Taxi Driver devenue grande, actrice, réalisatrice, productrice et toujours amoureuse de sa compagne), Spike Lee (déjà président du jury de l’inexistant festival 2020, fier en 2021 d’être le premier président afro-américain de l’histoire du festival), Isabelle Huppert (venue pour une Master Class, tandis que son petit-fils Gabriel Merz Chammah est venu pour Les Intranquilles de Joachim Lafosse), Marco Bellocchio (l’anticonformiste a bien mérité sa Palme d’Honneur), Charlotte Gainsbourg (dont on va projeter Jane par Charlotte et qui en traversant le hall se retourne et demande à Jane Birkin si ça va).

Non, le monde à Cannes n’est plus le même. Covid-19 & Plan Vigipirate obligent, l’entrée du Palais est soumis à un protocole tant sanitaire que sécuritaire qui requièrent une patience d’aéroport. On fait la queue trop souvent et trop longtemps au soleil, une ou deux marquises ici et là pour créer de l’ombre ? On présente son badge d’accréditation, normal, rien à dire. Quelques mètres plus loin, on montre son certificat de vaccination ou son test PCR, ce qui est devenu la norme et qui vaut quelques déboires à des touristes étrangers mal informés. Arrive l’étape de la fouille et là il y a beaucoup à dire. Avant le portique de sécurité, les sacs sont fouillés, le contenu des sacs trifouillé, la faille hygiénique dans toute sa beauté. Car d’une fouille à l’autre, les mains ne sont pas désinfectées. On voudrait prier le ciel, la mer, la terre et la Bonne Mère d’Hafsia Herzi…

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