Festival de Cannes, 76e édition (9)

Esther Heboyan a vu pour vous 'Vers un avenir radieux' de Nanni Moretti, l’artiste dans un monde en crise

Trinquons à un avenir radieux... Foto: Festival de Cannes 2023

(Cannes, Esther Heboyan) – L’Italien Nanni Moretti, qui était dans la sélection officielle en 2021 avec Tre Piani, présente Vers un avenir radieux, un film étonnant de fraîcheur et de drôleries qui se veut en même temps un manifeste du cinéma selon le vieillissant mais résistant Giovanni joué par qui d’autre que Nanni Moretti !

Le projet de Moretti, un film sur le tournage d’un film, s’apparente à Asteroid City de Wes Anderson. Les cinéastes, après tout, aiment montrer les coulisses de leur profession, ce qui implique la (dé)monstration par des mises en abyme. On pense, par exemple, à La Nuit américaine de François Truffaut, à Lightning Over Fire (1980) de Wim Wenders, à Once Upon a Time in Hollywood (2019) de Quentin Tarantino.

Ici, l’occasion nous est donné de nous promener dans Rome (en trottinette, puisque c’est dans l’air du temps), de découvrir les déboires de Giovanni avec sa femme Paola (Margherita Buy) qui veut le quitter, et surtout d’écouter les envies et frustrations d’un réalisateur à propos de son art dans un monde qui évolue/régresse pour lui devenir insupportable.

Tourner un film sur le parti communiste italien en 1956, pendant que l’Union Soviétique envahit la Hongrie, signifie que Giovanni doit expliquer l’histoire de l’Italie à un jeune de son équipe, que l’argent vient à manquer pour achever le projet, que Netflix mesure l’intérêt des spectateurs pour les œuvres par l’exclamation « WTF ! ».

Giovanni semble déphasé par rapport à son époque mais il ne cesse de rebondir. Il contrecarre les initiatives de son actrice Vera (Barbora Bobulova) qui change l’intention politique du réalisateur en une histoire d’amour. Ironiquement, ce dernier insiste pour changer la dernière scène d’un film, fait par un jeune réalisateur et produit par sa femme, qu’il juge d’une violence gratuite. Les classiques du cinéma, Lola de Jacques Demy et La Dolce Vita de Fellini, continuent de l’enchanter, tout comme un répertoire de chansons, dont Think d’Aretha Franklin, que Giovanni chante et fait chanter. Le cinéaste déborde d’idées, quitte à épuiser son corps : il s’entraîne dans une piscine pour adapter la nouvelle « The Swimmer » de John Cheever, comme oublieux de la version déjà tournée par Frank Perry avec l’athlétique Burt Lancaster.

Vers un avenir radieux a fait rire la salle. C’est une comédie qui fait du bien. On reprochera peut-être à Moretti de trop tirer sur les ficelles de la métafiction ou de l’autofiction. Mais que cela ne décourage pas les spectateurs. Le réalisateur reste un maître de la comédie qui divertit et instruit à la fois. Et l’acteur Moretti mérite bien une récompense.

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