Fifi Brindacier et les champignons
Va le demander à Alice !
(Marc Chaudeur) – Cette année, Fifi Brindacier (alias Pippi Långstrump, Pippi aux Longs Bas) a 75 ans, l’air de rien. Gamine insupportable du genre Greta Thunberg, elle est la création, la fille de l’écrivain Astrid Lindgren, héroïne nationale en Suède où elle est morte en 2002. Une mémé tranquille, Astrid Lindgren ? Pas tant que cela…
En Suède et ailleurs, Astrid Lindgren a la réputation d’une paisible grand-mère, du genre à tricoter des chaussettes – ou de beau bas rayés comme ceux de Pippi – et à distribuer de judicieux et malicieux conseils aux enfants du voisinage. Ce qui n’ est pas faux. Mais Astrid Lindgren, née en 1907 et qui a commencé à publier ses Pippi Långstrump en 1945, avait ses petits secrets et ses petites recettes.
Par exemple, pour pouvoir écrire des contes pour enfants, Astrid Lindgren prenait – et elle l’a fait très longtemps – des champignons hallucinogènes. Ces champignons, elles les récoltait elle-même dans la forêt de sa belle région du Småland, dans le sud est de la Suède. Où on la vénère particulièrement, et où a lieu chaque année une fête en sa mémoire où toutes les gamines de 5 à 55 ans se transforment pour un jour en Fifi Brindaciers, avec grandes nattes rousses et longs bas rouges et blancs. Très sexy.
Astrid Lindgren donc, mélangeait sa récolte de champignons à sa Julmarmelad, cette délicieuse mixture confectionnée pour Noël en Suède, généralement à base d’oranges, de citrons, de figues et de cannelle. Et elle trippait un max’.
Selon un excellent article d’Ella Carina Werner dans la TAZ du 1er juin 2018, Astrid Lindgren en parle à plusieurs occasions. Dans une lettre à son amie et lectrice de sa maison d’édition, Selma Olofsson : « La seule recette pour écrire des livres pour enfants, c’est de prendre des super hallucinogènes ». Dans son Journal, elle décrit les effets de ces petits champignons : « Mes pupilles se dilatent, les poils de mon corps se dressent, et une disposition d’esprit colossalement euphorique m’envahit. Les paysages monotones de ces bois de bouleaux, de ces marécages spongieux, bref, tout ce hinterland suédois et ces horrible troncs, je les trouve soudain beaux ! »
C’est ainsi que sa fameuse trilogie Nous tous, enfants de Bullerbyn, elle l’a écrite en 73 heures, dans l’un de ses rapti champignonii. Une trilogie qui raconte l’existence merveilleuse d’enfants dans un tout petit village où aucun adulte ne vient les déranger : vision idéale et euphorique, un peu hallucinée en effet, d’une enfance parfaite… L’extrême-droite suédoise, et surtout le chef de la formation Alternative pour la Suède, Gustav Kasselstrand, en a fait le prototype parfait d’une Suède fermée sur elle-même et raciste. Mais pourtant, Astrid Lindgren ne l’était nullement. Ce que proclame haut et fort Olle Nyman, le petit-fils et l’héritier, dirigeant de l’Astrid Lindgren Company, avec des arguments très pertinents.
D’ailleurs, dans le dossier : écrivains scandinaves et visions tripesques, on a mieux encore : Hans Christian Andersen, lui, absorbait un mélange de champignons, de datura et… de rémoulade danoise en voie de moisissure avancée… Et il écrivait dans la phase (dépressive) de descente. Et voilà comment nous avons infusé des visions aussi mélancoliques que celle de la Petite Fille aux Allumettes ou de la Petite Sirène dans l’esprit rose de nos chers petits enfants !
A lire : https://taz.de/
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