Français et Allemands face au choc des opinions !

Alain Howiller analyse ce qui ne va pas actuellement entre la France et l'Allemagne. Où il est question du sentiment d'être heureux...

Les Allemands semblent voir la vie en rose ces temps-ci... Foto: Sander van der Wel from Netherlands / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Par Alain Howiller) – Si on voulait résumer, en un titre à peine réducteur, le thème de cet article, on l’intitulerait : « Michel l’Allemand, qui rit, et Marianne la Française, qui pleure ! » Et on sous-titrerait en utilisant le « tube » du chanteur-auteur-compositeur Christophe Maè : « Il est où le bonheur ?… Il est là, il est là !… » Il serait en Allemagne pour les habitants de la République Fédérale. « Il n’est pas chez nous », diraient les Français. Une approche que les instituts de sondage semblent devoir confirmer : pour l’Institut IPSOS, selon un sondage publié à la fin de cet été, 78% des Allemands se disaient heureux contre 68% un an plus tôt ! 17% des Allemands se déclarent même « très heureux » et… 4% seulement déclarent « qu’ils ne sont absolument pas heureux » !

Selon un sondage IFOP qui vient d’être publié, 84% des Français trouvent que l’ avenir a quelque chose d’inquiétant, et 52% des sondés pensent que l’avenir du monde sera plutôt marqué par une période de régression ! Deux approches opposées alors même que l’Allemagne, est menacée par une récession qu’elle a tout juste pu éviter d’après les dernières données publiées et que la France, comparée à ses voisins, continue de bénéficier d’une conjoncture restée relativement favorable(1).

Allemagne : un filet de lumière au bout du tunnel ! – Avec une prudence qui l’honore, Timo Wollwershäuser, responsable des études de conjoncture de « l’Institut für Wirtschaftsforschung – IFO » de Munich commente sobrement le fait que l’Allemagne ait réussi à éviter la récession : « C’est un filet de lumière au bout du tunnel ! » L’Office Fédéral de la Statistique (StBA ou Destatis) de Wiesbaden vient, lui aussi, de rendre public son verdict : en ayant connu une croissance de +0,1% entre juillet et septembre, l’économie allemande échappe – comme en 2018 – à la récession qu’on redoutait.

Bon, la « performance » n’est pas digne du Guinness des records, mais elle lève une pesante hypothèque qui grevait l’avenir de la première économie de l’Union Européenne. « L’industrie devrait cesser de régresser », affirme le responsable de l’IFO et son propos devrait rassurer un peu les partenaires commerciaux de l’Allemagne et l’opinion qui tient l’économie à bout de bras, grâce à une consommation qui se maintient.

Le peuple allemand : heureux ? – En fait, si le marché de l’emploi, hormis une augmentation du travail à temps partiel, tient globalement la route, si les exportations ont augmenté de 4,6% en septembre et si le moral des investisseurs s’est redressé au mois de novembre et que la conjoncture arrive à tenir relativement grâce à la consommation des ménages, la partie n’est pas gagnée pour autant. C’est ainsi que l’activité industrielle, qui représente un quart de la « performance économique » (Wirtschaftsleistung) contre un sixième dans les autres Etats de l’Union Européenne, a régressé de 4,6% en un an (- 0,6% en septembre).

Si bien que la croissance du PIB en 2019 pourrait frôler les 0,5% prévus par le gouvernement (+1,3 à +1,4% escomptés en France). Les milieux économiques, dont le « Conseil des Sages » qui siège auprès du gouvernement, continuent de réclamer une relance par une augmentation des investissements publics, ce que demande aussi, outre le Fonds Monétaire International et la Commission de Bruxelles, « l’Institut für Management-Kompetenz (IMK) », également installé à Munich. Ce dernier, redoutant toujours une récession, souhaite en plus que l’Etat assouplisse les règles régissant le travail à temps partiel.

France : le progrès est-il possible ? – Les restes de nuages qui encombrent encore l’espace d’Outre-Rhin n’affectera sans doute pas davantage une opinion qui, toujours selon le sondage d’IPSOS, se plaçait à la 7ème place (devant la France et la… Grande Bretagne) de 28 pays : « Les Allemands sont un peuple heureux », commentent les auteurs du sondage qui rejoint, ou peu s’en faut, le constat dressé par le « World Happiness Report 2019 » de l’ONU. Ce dernier est certes un peu moins favorable, mais sur une liste de 24 pays, il place l’Allemagne en 17ème et la France en… 24ème position !

Du coup, l’économiste et essayiste Nicolas Bouzou, Président des « 2èmes Rencontres de l’Avenir de Saint Raphaël », commente le sondage de l’IFOP en soulignant : « Le sondage montre que la peur de l’avenir est le sentiment dominant en France, ce qui a forcément des répercussions économiques et politiques négatives. Rien n’est plus urgent que de montrer que le progrès est possible et dans quelles conditions ». Que le progrès soit possible, qui peut en douter ? Mais comment expliquer, à l’heure où la France s’apprête à affronter – le 5 Décembre – une sorte de grève générale de la fonction publique, que l’opinion semble ne pas intégrer les signes encourageants qui existent ?

Macron trop optimiste ? – La mise en œuvre (17 milliards d’euros !) des mesures prises dans le cadre de la « crise des gilets jaunes » se traduira par une augmentation du pouvoir d’achat de +2,3% en 2019 (+1,4% en 2020), le chômage continue de s’éroder, l’inflation est en dessous de 1%. De son côté, « Business France », l’organisme chargé de suivre et de promouvoir les implantations étrangères, vient d’annoncer que selon un sondage Ipsos, 81% des chefs d’entreprise étrangères (+9% par rapport à 2018) installées en France envisagent de procéder à de nouveaux investissements, que 98% (contre 95% en 2018) pensent que les « réformes engagées vont dans le bon sens », et 86% pensent que, malgré les crises sociales, l’image de la France s’est améliorée.

Alors, Emmanuel Macron avait-il raison de déclarer à Amiens : « Notre pays est trop négatif… On a l’impression si on écoute collectivement, si on branche la radio ou qu’on allume la télé que tout est terrible… En ce moment, notre pays est, je trouve, trop négatif sur lui-même. Est-ce que les choses vont moins bien qu’il y a vingt ans ? Non. » Le sondage de « Business France » a aussi souligné qu’en 2018, 39% des entreprises étrangères installées en France avaient renoncé à leurs projets de développement à la suite de la « crise des gilets jaunes ». Qu’en sera-il après la grève du 5 Décembre ? Macron gagnera-t-il la bataille de l’opinion comme il avait gagné la bataille vers l’Elysée ?

Et la question reste : « Il est où le bonheur ? »…

(1) Voir eurojournalist.eu du 1.11.2019.

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