Grèce : le Premier ministre à Berlin

Les nuages de Kyriakis

Delphes : en Grèce, on raconte que Mitsotakis consulte parfois l'oracle, discrètement... Foto: Skhaen/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Le Premier ministre grec, Kyriákos Mitsotákis, rencontre Angela Merkel aujourd’hui à Berlin. Une visite inhabituelle, puisque le dirigeant d’Athènes n demandera pas à l’Allemagne – ni aux institutions européennes – d’alléger les conditions de l’épargne dans son pays. Faut-il s’en réjouir ? Les postulats libéraux de Mitsotákis risquent de se heurter bientôt à la dure réalité. Qui n’est pas autre que ce qu’elle est pour la gauche…

La Grèce a-t-elle changé, depuis la fin 2018 ? Le pays-catastrophe des années 2000 semble, en effet, remonter légèrement la pente et, phénomène classique, elle se meut actuellement dans un cercle vertueux. Et les dirigeants Nea Demokratia (droite libérale plus nationalistes) se félicitent d’être rentrés dans une phase de « normalité » un mot qu’on aime bien à la Villa Máximos. Normalité, mais normalité grecque… Hum… Voilà qui devrait faire réfléchir la droite enthousiaste et qui marche à pas de hussard.

Quoiqu’il en soit, il est vrai que les conditions du crédit sont devenus plus favorables, et même très nettement. Le marché boursier connaît le développement le plus important parmi tous les pays européens. Et lundi, le gouvernement a levé toutes les mesures de contrôle des capitaux qui subsistaient.

L’ Allemagne et l’Union Européenne s’en félicitent. A bon droit, certes. Mais qu’en est-il de l’amortissement des effets de la crise sur la population, que Tsipras avait mis en œuvre de façon plutôt satisfaisante  – à cette immense réserve près que ces mesures utilisent les prêts concédés (très laborieusement, comme on sait !) par l’Allemagne et le très rigide Schäuble. Et que théoriquement, cela peut un jour coûter cher au pays d’Aristote. D’où la surenchère démagogique déployée au début de l’été par certains milieux politiques de la gauche grecque.

Le gouvernement Nea Demokratia joue au funambule, pris entre le désir de rassurer les autres membres de l’UE et la nécessité de ne pas heurter de front la population grecque qui sort à peine d’une dizaine d’années de souffrances. C’est vrai aujourd’hui pour une mesure promise lors de la campagne électorale : la renégociation d’une concession qu’a faite Tsipras en 2015, à savoir d’essayer d’atteindre d’ici 2022 un excédent de 3,5 %, et de maintenir un excédent durant les décennies suivantes. Eh bien, Mitsotakis a épargné le oreilles sensibles (et, semble-t-il, épuisées…) de Muttie Merkel. Il n’a pas même évoqué cette clause pourtant importante, et qui risque d’impacter le niveau de vie des gens ! C’est qu’en bon libéral, Mitsotakis espère beaucoup dans les investissements (notamment dans le secteur de l’énergie) une fois la confiance internationale revenue : il espère faire ainsi plier le chômage, et peut-être, diminuer certains impôts.

Malheureusement, la situation n’est pas encore mûre – le sera-t-elle un jour ? Et le temps presse ; le gong du round d’observation va bientôt résonner. Il faut donc gagner le plus vite possible l’entière confiance des partenaires européens, mais justement, comment ne pas aller trop vite et risquer de se mettre à dos la population à cause de mesures trop radicales et hâtives ? La critique des dirigeants par la gauche fait rage, déjà, comme il se doit.

S’ajoutent à cela les incertitudes de l’économie mondiale : risques de récession, surtout, qui nuiraient grandement à l’exportation et au tourisme grecs. Et inversement, le PM grec est très attentif aux risques de récession qu’encourt l’Allemagne elle-même, et… aux possibles défaites, cet automne, face à l’AfD archéo-néo-facho, du parti de Merkel aux élections régionales dans l’Est.

Une complication supplémentaire : celle liée à la question migratoire. La Turquie a quelque peu ramolli ses frontières pour laisser passer les migrants syriens et autres. Sans doute parce que la Turquie veut exercer un doux chantage sur l’UE et donc sur l’Allemagne, parce qu’elle veut toucher les dividendes du gaz prélevé dans les eaux chypriotes, ces derniers mois… Cela aura nécessairement des conséquences sur les discussions germano-héllènes.

Pas facile… Mitsotákis devra impérativement allier la célérité à la prudence, pour éviter un schéma thatchérien. Faute de quoi la Grèce connaîtra une nouvelle implosion sociale.

Merci pour le titre, Vassili Tsitsani. Synnefiasmeni Kyriaki.

 

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