Hongrie : l’affiche bleue de Viktor Orbán

Même le Chancelier autrichien populiste se désolidarise, c’est vous dire !

Orban et Poutine, les deux mamelles du populisme M. L. GRÄFF, Der europäische Altar (détail) Foto: Mathias Laurenz Gräff / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Cette semaine commence la campagne électorale du Fidesz, le parti populiste au pouvoir en Hongrie. Des affiches ont fleuri à Budapest : elles montrent en très, très gros plan les visages ricanants de Juncker et de Soros, comme des méchants de bande dessinée pour ados pour lesquels c‘est pas si facile dans ce monde ingrat, avec la légende : « Vous avez aussi le droit de savoir ce qui se prépare à Bruxelles ». Détail intéressant à rappeler : le Fidesz, comme Juncker, est membre du groupe PPE au Parlement européen…

Du pur jus d’Orbán. On reconnaît là sa brutalité, sa vulgarité, et le mépris qu’il porte à son propre peuple. Pour sa promotion, le Fidesz, son parti, mettra sans doute sur tous les murs des images de Miss Monde-maillot de bain ( on n’ose dire la légende qu’on imagine…).

L’affiche du Fidesz porte comme texte : « Ils veulent imposer le quota des migrants. Ils veulent affaiblir le droit des Etats membres à défendre leurs frontières. Ils veulent faciliter l’immigration avec des visas pour les migrants.» Orbán sait qu’il surfe uniquement sur la question des migrants, puisque d’assez sérieux problèmes économiques et sociaux et d’impressionnantes manifestations ont touché la Hongrie l’an dernier, et qu’on ne croit plus guère dans son pays à sa compétence en matière de lutte contre le chômage et de défense du pouvoir d’achat.

Si les meilleurs amis politiques d’Orbán, les députés du PiS polonais, ne sont pas sortis de leur bienheureuse ataraxie, il n’en est pas de même des principaux partis composant le PPE, même si certaines déplorations sont infiniment plus modérées que leur objet, les affiches du Fidesz. Ainsi, la dirigeante toute fraîche  de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer a dit « regretter les reproches sans fondements » qu’exprimait cette affiche… Mais la Reine-mère, Angela Merkel, a été plus explicite et plus virulente à la fois : « Je soutiens pleinement le Président de la Commission, M. Juncker, a déclaré la chancelière ; nous sommes solidaires et nous le proclamerons haut et fort lors de nos entretiens avec la Hongrie », a-t-elle scandé. Le Spitzenkandidat du PPE pour les élections de mai prochain, Manfred Weber, s’est contenté de bisser un tweet de l’Alsacien Joseph Daul, président du PPE, qui dénonce « avec force les attaques non fondées et conspirationnistes contre M. Juncker, qui est un vrai chrétien-démocrate et un leader européen. » Un « vrai chrétien-démocrate », oui, parfaitement ; et l’expression est ambivalente…

Plusieurs députés ont réitéré leur questionnement au sujet de l’appartenance du Fidesz au PPE : Gunnar Hökmark, notamment, un député suédois, a estimé que l’attitude d’Orbán allait à l’encontre des valeurs de la famille politique du groupe européen ; Frank Engel, député luxembourgeois, comme il l’avait déjà fait en 2017, a appelé le Fidesz à quitter immédiatement le PPE.

Quitter le groupe ? Cela est-il possible ? Et souhaitable ? L’exclusion du Fidesz avait déjà été évoquée au printemps 2017, quand Orbán avait édicté une loi spécifiquement dirigée contre, justement, l’Université d’ Europe centrale fondée par Georges Soros : un ferment de dissolution et de contestation ! Les députés européens hongrois, cette année là, ont fait campagne en diffusant des courriels qui essayaient d’imposer la pensée du grand philosophe Viktor Orbán ; et cela dans cette perspective paranoïaque qui veut que tous ceux qui ne partagent pas nos vues sont dans les miasmes des fake news… Mais il y a eu bien pire encore : c’était la qualification des ONG établies en Hongrie comme espionnes de puissances étrangères ; le modèle en était d’ailleurs clairement Vlad, le Tsar de toute la Russie.

Mais pourquoi le Fidesz se nourrit-il aux mamelles du PPE ? Derrière cette acquiescement tacite, pendant assez longtemps du moins, à la présence de ce parti national-populiste dur d’extrême-droite dans le groupe qu’on peut qualifier de démocrate-« chrétien », une attitude bienveillante et discutable : celle qui pousse à considérer Orbán comme pas bien méchant, et comme l’ « enfant terrible » du groupe : celui qui fait des bêtises,qui parle trop fort, joue avec les allumettes et tire la nappe, comme le Suppenkaspar, pour faire tomber la soupière, mais qu’il faut pardonner, hein, parce qu’il sert d’aiguillon aux consciences endormies (pas faux, d’ailleurs, du côté des démocrates-chrétiens …). On a entendu plusieurs fois ces paroles sortir de la bouche, non du Seigneur, mais de Joseph Daul en sa majesté.

Pour certains, il y a un intérêt tactique évident à se démarquer d’Orbán. C’est ainsi que le plus ferme à condamner l’affiche bleue du Fidesz ces derniers jours, ç’a été le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, naguère très proche d’Orbán et dont les positions de son parti, l’ÖVP (Parti Populaire Autrichien) recoupe largement celles du populisme hongrois. Pourquoi alors cette vertueuse condamnation ? C’est que l’ÖVP a tout avantage à resserrer l’axe Berlin – Münich (CSU, la petite sœur bavaroise conservatrice de la CDU) – Vienne. Et cela fait maintenant un an environ que cette ligne a été clairement adoptée par Kurz. C’est ainsi que la droite conservatrice autrichienne considère que le Fidesz n’a plus sa place dans la droite respectable des manches retroussées et de la force du poignet, mais parmi l’extrême-droite qui sent des pieds ; c’est moins gênant et réflexion faite, cela peut rapporter gros, plus gros qu’un tirage de cheminée de l ÖVP (et éventuellement, du PPE) vers la droite extrême.

Mais qu’en est-il d’Orbán ? Depuis son accession au pouvoir (en 1998, puis en 2010), il essaie de maintenir adroitement la balance, comme un funambule, entre des éléments en apparence contradictoires. La Hongrie tient grâce aux subventions européennes, ce n’est un secret pour personne ; in concreto, 4 milliards d’euros par an. La Hongrie a besoin de cet argent, et le cercle du pouvoir autour d’Orbán encore davantage (pour maintenir son train de vie). Mais le Fidesz n’a guère d’existence visible hors de sa propagande haineuse : vis à vis de ses électeurs, il doit donc maintenir les avantages reçus grâce à l’UE, et sa démagogie populiste et raciste. C’est ce qu’il fait , et il est bien persuadé que jamais on n’osera l’expulser hors du PPE ou de l’Union.

Pourquoi d’ailleurs l’a-t-on majoritairement accepté au sein des institutions européennes, et pourquoi, en 2017, a-t-on majoritairement voté le maintien du parti ? Deux attitudes sont partagées parmi les députés européens et les autorités. Certains estiment qu’il vaut mieux préserver le Fidesz en l’écartant des partis extrêmes : au moins, croient-ils, il fera moins de dégâts ! Mais à cela, aucune certitude… La seconde est que conserver un tel parti à l’intérieur du PPE, c’est contaminer lentement le groupe, l’infecter comme un germe qui agit lentement, comme le germe de la syphilis dans le cerveau d ‘Adrian Leverkühn. Et l’organisme s’affaiblit, s’aplatit : c’est la constatation que font nombre de députés.

La meilleure solution objective serait une défaite électorale dans le pays même, en Hongrie. Gardons espoir ! Et espérons par conséquent que la gauche hongroise fera moins de bêtises, désormais…

Cet article s’appuie en grande partie sur des informations produites ou compilées par le Courrier d’Europe Centrale. Pour en savoir plus : https://courrierdeuropecentrale.fr

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