Il fallait s’y attendre…

Pendant que l'Occident refuse toujours de prendre les états BRICS au sérieux, ceux-ci discutent de la fin du dollar comme monnaie de référence dans le commerce international.

Si les états BRICS en décident ainsi, le dollar ne sera plus la monnaie de référence dans le commerce international. Foto: Andrew Magill from Boulder, USA / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – Le sommet des états BRICS à Johannesburg se déroule exactement comme des observateurs l’avaient prévu. Outre la question de l’extension vers une structure « BRICS plus », incluant des pays comme l’Arabie Saoudite, le Koweït, l’Algérie, le Venezuela et d’autres pays producteurs d’énergies, les discussions portent également sur la fin du dollar comme monnaie de référence dans le commerce international. Les conséquences pour les monnaies occidentales ne peuvent pas encore être évaluées. Toujours est-il que « BRICS plus » est en train de doubler les « G7 » sur la voie de gauche et l’Occident n’a, comme toujours, aucune stratégie pour gérer ces changements qui modifieront les structures du pouvoir pour les années à venir.

Est-ce de l’arrogance occidentale ? Est-ce de la stupidité ? Comment est-il possible que l’Occident ne prend pas au sérieux une structure qui représente, déjà avant l’extension vers les « BRICS plus », 42% de la population mondiale ? Pour mémoire – lors de la création de la structure BRICS, cette dernière avait opté en premier pour la création d’une banque, la New Development Bank à Shanghai, et l’Union européenne avait alors refusé de prendre une participation substantielle dans cette banque, considérant qu’il n’était pas nécessaire de s’engager dans une telle structure. Si l’Union européenne n’avait pas refusé de prendre cette participation, des entreprises européennes auraient pu participer aux projets économiques énormes qui sont financés par cette banque, comme par exemple la Route de la Soie 2.0. Et personne ne discuterait aujourd’hui du remplacement du dollar comme monnaie de référence.

Pour l’instant, les états BRICS discutent deux approches. Tandis que le président sud-africain Cyril Ramaphosa prône l’utilisation des monnaies locales des partenaires, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva propose la création d’une monnaie commune des états BRICS pour faciliter les échanges économiques. Dans les deux cas, le dollar sera out, tout comme l’Euro ou encore le Yen. Difficile de prévoir comment cela se traduira au niveau du cours des monnaies occidentales et par la suite, dans le commerce international. Un pays comme l’Allemagne qui doit son succès économique aux exportations, doit transpirer en suivant les débats à Johannesburg.

Pendant des décennies, l’Occident s’est bercé dans la certitude de diriger le monde. Mais du coup, il faut constater que l’influence occidentale en Afrique est terminée, que la guerre en Ukraine a cassé ce qui restait des équilibres internationaux et là, ce n’est pas une « Guerre froide 2.0 » qui commence, mais le rôle du « dirigeant du monde » change de mains. Washington, Bruxelles, Berlin, Paris, Madrid ou Rome devront désormais s’organiser entre elles, tout en se passant de donner des leçons au reste du monde qui lui, ne veut plus les entendre.

Cette évolution pose quand même la question de l’efficacité des institutions européennes, non seulement secouées par des scandales de corruption, mais surtout par son action inefficace. L’UE n’a pas pu éviter le Brexit, elle n’a pas élaboré un nouveau projet européen (pourtant promis dès 2016), elle n’a pas su créer des structures de santé communes pour être mieux préparé pour les pandémies à venir, elle n’a pas mis en œuvre l’Europe de la Défense ou l’Europe de l’Energie, elle n’arrive pas à gérer la question des réfugiés et de leur accueil, elle n’a pas élaboré une stratégie européenne concernant la guerre en Ukraine et on commence à se poser la question à quoi servent les dizaines de milliers de fonctionnaires grassement payés qui passent leur temps à Bruxelles, au Luxembourg ou encore à Strasbourg. Si les institutions européennes passent à côté d’une évolution comme l’émergence de « BRICS plus », c’est qu’elles ne servent vraiment plus à grande chose.

La facilité avec laquelle les états BRICS prennent les commandes du monde, est déconcertante. Pendant que l’Union européenne discute si oui ou non, il faut recommencer à effectuer des contrôles aux frontières de l’espace Schengen, les états BRICS organisent l’ordre mondial de demain, au niveau politique, économique et militaire.

Il ne faut pas se tromper – « BRICS plus » sera l’organisation internationale la plus puissante que le monde ait connu. Eux, ils ont une stratégie et les « BRICS » comme les « BRICS plus » ne commettront pas les erreurs de l’Union européenne qui elle, s’est donné un règlement interne qui paralyse toute action politique avec sa fichue règle de l’unanimité et surtout, les BRICS éviteront de s’auto-administrer à mort, comme le fait l’UE. Le fait que les états BRICS aient créée en premier lieu non pas un secrétariat et des postes pour plus de 30.000 fonctionnaires, mais une banque, en dit long. BRICS, et après BRICS plus, ce sera l’efficacité, pendant que l’Union européenne sombrera dans une insignifiance politique inhabituelle.

Il serait temps que l’Occident se mette à évaluer sa position de manière plus réaliste. L’arrogance occidentale n’a plus lieu d’être. Mais ça, c’est difficile à admettre dans les capitales européennes où on a l’habitude de diriger ses anciennes colonies, d’exécuter les ordres de Washington et de dormir sur ses deux oreilles, considérant que les problèmes, si problème il devrait y avoir, seraient résolus par le « grand frère », le « policier du monde », les Etats-Unis.

Le monde est en train de vivre des changements majeurs, mais l’Occident continue à fermer les yeux, considérant encore et toujours que les décisions seraient prises « chez nous ». Mais le monde est saturé par les attitudes occidentales (seuls les Etats-Unis ont mené depuis 1945, plus de 50 guerres et interventions militaires) – un nouveau chapitre commence et puisqu’il s’agit d’un chapitre que d’autres écriront, ce ne serait pas un luxe si l’Union européenne réfléchissait quant à ses propres stratégies et objectifs. Mais ça, ça relève davantage du vœu pieu que d’une option réaliste dans des institutions dirigées par des gens comme Ursula von der Leyen ou Charles Michel. Tout cela promet…

2 Kommentare zu Il fallait s’y attendre…

  1. Que les équilibres mondiaux changent pour des raisons économiques, politiques et démographiques est indéniable, voire inéluctable. Tirer à boulet rouge sur les manquements de l’Occident et son arrogance ne doit pas faire oublier que le nouveau monde « multipolaire » vanté par la Chine et la Russie masque ne masque en réalité que les ambitions impérialiste et néocolonialiste d’une dictature communiste et d’une cleptocratie mafieuse au pouvoir en Russie. En dehors d’une volonté de « dédollariser » le monde il n’y a pas grand-chose en réalité qui rapproche les membres des BRICS où ceux qui souhaiteraient le devenir, tellement ces pays sont différents les uns des autres, sans parler de leurs rivalités (Inde/Chine). Le monde d’après ne sera pas plus stable que celui d’avant. Hélas.

    • Analyse pertinente et en effet, le monde “d’après” ne sera certainement pas meilleur. Toutefois, ça ne sert à rien de fermer les yeux devant nos manquements occidentaux. Nous avons notre part dans cette évolution et je suis assez surpris que même dans cette situation, l’Occident refuse de faire l’analyse des raisons qui ont engendré cette évolution. Le refus de voir les réalités en face, occasionnera les prochaines erreurs et il faut qu’on s’habitue à la pensée que ces erreurs-là, on les paiera très cher.

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