Incompréhension mutuelle entre la France et l’Allemagne

Les incidents à répétition, y compris un incident grave en Avril 2014, minimisé par les autorités françaises, mais potentiellement gravissime, jette un froid dans les relations franco-allemandes.

Le 9 avril 2014, la centrale de Fessenheim a frôlé un accident nucléaire majeur. Un tel accident rendrait la vallée du Rhin Supérieur inhabitable pour des centaines, des milliers d'années. Mais tant qu'EdF peut se remplir les poches... Foto: Florival fr / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – C’était le 9 avril 2014 – le réacteur nucléaire de Fessenheim a dû être arrêté suite à la découverte de flaques d’eau dans une salle technique de la centrale nucléaire. «Rien de grave, l’équipe sur place avait le contrôle de la situation», déclarait le directeur de la centrale de l’époque, Thierry Rosso. Un incident comme tant d’autres, rien de grave. Seulement, il s’avère que cet incident était bien plus grave – pendant plusieurs minutes, les systèmes de refroidissement du réacteur ne fonctionnaient plus et l’équipe a du introduire du bore dans le bassin de refroidissement des éléments de combustion, un procédé rarissime d’extrême urgence, une mesure que l’on emploie uniquement pour éviter un grand accident nucléaire. Depuis que cet incident est connu, les responsables politiques allemands multiplient leurs démarches vis-à-vis de la ministre de l’environnement française, Ségolène Royal, en demandant la fermeture immédiate des deux centrales de Fessenheim et de Cattenom qui se trouvent toutes les deux à proximité immédiate de l’Allemagne. Les réponses françaises sont désolantes.

Un accident nucléaire de la gravité de Tchernobyl ou de Fukushima aurait des conséquences dramatiques pour toute la vallée du Rhin Supérieur qui deviendrait inhabitable pour une durée indéterminée et en particulier pour la ville de Freiburg qui se trouve à proximité immédiate de la centrale de Fessenheim. En vue de cette proximité, une évacuation de Freiburg serait impossible et la ville deviendrait ce que la ville de Tchernobyl est aujourd’hui – une zone morte, interdite d’accès, irradiée pour de centaines, de milliers d’années.

La ministre-présidente de la Rhénanie-Palatinat, Malu Dreyer (SPD), a écrit à Ségolène Royal, tout comme les députés Elvira Drobinski-Weiss, Gernot Erler, Johannes Fechner et Rita Schwarzelühr-Sutter – et tous demandent l’arrêt de Fessenheim (et de Cattenom), mais la France campe sur sa position – ceci ne vous regarde pas et merci de ne pas vous ingérer dans un dossier qui ne vous concerne pas. L’administration de la sureté nucléaire en France, l’ASN, estime toujours que cet incident n’était pas grave et que rien ne s’oppose à l’exploitation de ces centrales, malgré la promesse électorale de François Hollande de fermer Fessenheim pendant son mandat. Au lieu de fermer cette centrale vétuste, surnommée «Pannenreaktor» («réacteur à pannes») en Allemand, l’autorisation d’exploitation a été prolongée de 10 ans, sous la pression des lobbys d’EdF.

Sur les réseaux sociaux, les réactions à la demande allemande sont virulentes. «Les Allemands se comportent, comme toujours, comme des envahisseurs», peut-on lire, «qu’ils nous foutent la paix». D’autres commentaires sont encore plus insultants, et force est de constater que le souhait allemand, à savoir vouloir protéger des villes comme Freiburg ou toute la Sarre, d’un accident nucléaire, n’est même pas pris au sérieux. Et les mensonges des autorités concernant les innombrables incidents de cette centrale de Fessenheim qui se trouve non seulement dans une zone à risque séismique, mais aussi dans une zone à risque d’inondation (ces deux paramètres géologiques avaient été invalidés par le Tribunal de Nancy qui avait déclaré dans son verdict que le Rhin Supérieur n’était pas une zone à activité séismique et qu’il n’y avait aucun risque de débordement du Rhin…), continuent. On minimise les incidents, on les classe comme «mineur», même lorsque l’on frôle des accidents majeurs de la dimension Fukushima et on continue à faire croire à la population qu’on pouvait maîtriser même un accident. Ce qui est faux, comme le démontrent les rares simulations et les plans d’intervention en cas d’accident, ont toujours été rejetés car tout le monde, sauf EdF et la population du village de Fessenheim, a compris qu’en cas d’accident à Fessenheim, plus personne ne pouvait sauver la vallée du Rhin Supérieur.

Ainsi, la population en Pays de Bade doit continuer à vivre sur un baril de poudre, baril qui a failli sauter le 9 avril 2014, et accepter de vivre avec les mensonges d’EdF, de l’ASN et du ministère de l’environnement français. Il est surprenant que la proposition intelligente formulée par la ville de Strasbourg, à savoir de transformer Fessenheim en un centre d’entraînement pour le démantèlement de centrales nucléaires, ce qui aurait placé la France en tête d’une nouvelle discipline d’ingénierie au niveau mondial, ce qui aurait assuré à long terme les emplois à Fessenheim, ne soit même pas discutée. Et une nouvelle fois, on constate qui détient le réel pouvoir – certainement pas la politique, mais les grands groupes économiques. Ségolène Royal se comporte comme une marionnette dans les mains d’EdF – et la France maintient donc son crédo du nucléaire. Jusqu’au jour où les Français seront confrontés à la facture pour le stockage des déchets nucléaires pour une durée de 25000 ans. EdF a déjà fait savoir qu’elle n’assumerait pas les coûts pour ce stockage – il est plus facile d’encaisser les bénéfices découlant de l’exploitation de centrales vétustes et hautement dangereux et de laisser ensuite le peuple français se débrouiller avec le coût pharaonique lié au stockage des déchets produits par EdF. COP21 ? Transition énergétique ? En Allemagne, on en rit jaune…

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