La cause à l’épreuve des faits…

La santé mentale « grande cause nationale » en 2025 - esbroufe ou espoir ? Michel Barnier va-t-il nous berner ?

La santé mentale est l’affaire de tous, mais surtout de moyens devant être alloués par la puissance publique. Foto: Wokandapix at Pixabay / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – Le nouveau et impermanent premier ministre Michel Barnier, à ne pas confondre avec la comédienne Michèle Bernier qui se distingue dans la série intitulée « La stagiaire », désignait dimanche soir la santé mentale comme « grande cause nationale » pour l’année 2025. Survivra-t-il dans son actuelle fonction, jusqu’à cette échéance, éloignée d’au moins 98 jours de sa pieuse déclaration, et cette annonce ira-t-elle au-delà des effets de comm’ qu’elle suscite ? Souhaitons-le pour la thématique évoquée, quoi que les précédents gouvernements, notamment de droite, donc de sa famille politique, ont jusqu’ici abordé le sujet principalement sous des angles répressifs et régressifs.

Mais concédons au moins à ce vieux routier de la politique le mérite d’y connaître tout de même quelque chose en matière de santé mentale, car avoir été ministre de Nicolas Sarkozy et maintenant premier ministre d’Emmanuel Macron, mais aussi négociateur en chef du « Brexit » plus spécialement face à Boris Johnson, c’est pour le moins formateur ! Il serait agréable d’en rire, si la psychiatrie publique n’était pas à ce point malmenée. Pour le secteur privé, il n’y a, par contre, aucun souci à se faire. Les cliniques chouchoutant des patients n’ayant pas de problématiques gravissimes, ont toujours et plus que jamais le vent en poupe. Par contre, à l’hôpital public accueillant sans filtre, et vers lequel sont orientés les patients en situation critique ainsi que ceux dont personne ne veut s’occuper, là par contre, nous entrons dans une autre dimension !

Selon une enquête réalisée par la Fédération Hospitalière de France (FHF), de 2020 à 2022, ce sont 24% des établissements publics de soins en psychiatrie qui ont été contraints de réduire leurs capacités d’accueil de 10 à 30%. Il y a un an, en psychiatrie adulte, le délai moyen d’attente pour l’accès aux soins ambulatoires, était de 1 à 4 mois, alors qu’en pédopsychiatrie, il fallait patienter entre 5 et 12 mois. « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? », chanterait Léo Ferré ; « Est-ce que ce monde est sérieux ? », lui répondrait Francis Cabrel… C’est pourtant, ainsi beaucoup trop de nos concitoyens (sur)vivent, alors qu’au sein de l’arène de l’austérité hospitalière, la corrida saignant à mort la psychiatrie publique se poursuit, dans un tonitruant silence médiatique et par une pitoyable tartuferie politique.

La mère de notre nouveau premier ministre a présidé durant trente-cinq années la branche savoyarde de l’Union Nationale de Familles et Amis de personnes Malades et/ou handicapées psychiques (UNAFAM), nous a-t-il appris. C’est tout à l’honneur de madame Denise Durand épouse Barnier, et pour ceux qui ne connaissent pas l’UNAFAM, nous en avons parlé pour son implication dans « Courir en Tête à l’EPSAN – 2024 ». Mais tout de même, les besoins sont actuellement tellement importants, qu’il ne faudrait pas à nouveau que l’État se défausse de ses responsabilités, pour se reposer sur le tissu associatif !

A nouveau, car parallèlement, la sponsorisation de la création et des Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM), initiative du gouvernement Raffarin sous le second mandat de Jacques Chirac demeurant particulièrement louable à plus d’un titre, il n’y a pas eu de renforcement des moyens alloués à la psychiatrie publique. Déshabiller Pierre pour habiller Paul, la pratique n’est pas nouvelle et quand s’y ajoutent des effets d’annonce associés à des éléments de langage soigneusement ciselés par des communicants grassement rémunérés par de l’argent public, plus c’est gros et mieux ça passe !

Faire de la santé mentale une « grande cause nationale », signifie prioritairement ne plus contraindre des établissements à supprimer des lits, notamment parce que des postes de médecins et de soignants restent désespérément vacants. Pourquoi cette vacance de poste ? Parce que la discipline ne présente (plus) aucun intérêt ? Loin de là, car la psychiatrie publique concentrant tous les maux de la société, s’en distancier au profit de spécialités plus pointues, revient à se cacher derrière le petit doigt. Mettre en valeur des interventions chirurgicales de haute voltige, réalisées par des mandarins de renommée internationale, et parallèlement refuser d’allouer les moyens juste nécessaires à ceux accomplissant un travail de fourmi dans l’intérêt général, n’est pas seulement de la maltraitance, mais procède de choix proches de ceux d’une époque pas si lointaine, où l’eugénisme faisait partie intégrante de doctrines politiques mortifères.

Quelle sera la traduction concrète de l’annonce du Premier Ministre ? Si ces belles paroles ne sont, comme le disait Jacques Chirac, que des promesses n’engageant que ceux qui les écoutent, Michel Barnier terminera sa (longue) carrière par un affront fait à sa mère. Le comble, pour cette grande figure d’un courant politique, exaltant en permanence les valeurs de la famille (traditionnelle) !

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