La Macédoine du Nord et l’Albanie out of Europe ?

Double contrainte dans les Balkans

Zoran Zaev et Edi Rama à Durrës l'an dernier Foto : Vlada na Republika Makedoniya/CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – Les discussions sur l’adhésion de la Macédoine du Nord fraîchement rebaptisée et l’Albanie ont tourné court : certains dans la vieille Europe – et non pas seulement le président Macron – n’en veulent plus. Resserrement des critères d’appartenance à l’Union Européenne, lutte effective contre le crime organisé et la corruption ou fuite vers des horizons sino-turco-russes, déjà tout tracés : il faudra choisir. Mais pourra-t-on choisir ?

En Albanie, le gouvernement d’Edi Rama rejette toute la faute sur le méchant Macron : c’est de sa faute si Tirana n’est pas élue ; c’est par opportunisme politique et pour des raisons de politique interne qu’il aurait décidé (puisqu’il suffit d‘une seule voix au Conseil pour que l’adhésion soit repoussée) que l’Albanie, un pays de Martiens avec d’étranges bonnets blancs, n’a pas sa place en Europe. Macron salaud, le peuple albanais aura ta peau ! Pourtant, contrairement à ce qu’on affirme dans les rangs du Parti Socialiste albanais, Macron n’était pas seul : la moitié ou presque des Etats de l’UE ont refusé d’entamer des négociations avec l’Albanie pour son adhésion.

Politique intérieure française ? Il est vrai que les Albanais n’ont pas très bonne presse, et on les assimile trop souvent, à tort !, à certaines bandes organisées qui écument le pavé parisien. Il n’est donc pas tout à fait exclu que les soucis intérieurs que crée le RN poussent les partis de droite à lorgner et à rogner. Mais ce n’est pas du tout sûr non plus.

A vrai dire, Edi Rama a peu fait, hélas ! pour lutter contre cet écheveau inextricable de politique, de crime, d’activités mafieuses et de corruption générale qu’on connaît bien maintenant. Contre lui et sa politique, de larges manifestations, des protestations virulentes, un « dégagisme » face à l’accaparement des richesses économiques du pays par une post-nomenklatura dont certains membres, assez discrets mais bien présents, sont issus quasiment tout droit de la dictature stalinienne d’Enver Hoxha et de son bref successeur (1945-1991).

Le cas de la Macédoine du Nord est sans doute plus grave encore, et plus douloureux. Dans ce contentieux très long qui l’a « opposé » à la Grèce, le gouvernement macédonien de Zoran Zaev, avec une  grande sagesse qui a fait alors (en l’ année 2019) notre admiration, a décidé de changer le nom de son pays pour troquer définitivement (du moins, nous l’espérons) celui de Macédoine (sujet à polémique) contre celui de Macédoine du Nord, qui gomme d’un trait magique toute ambigüité, toute confusion et toute démagogie nationaliste. L’un des buts de ce changement, c’était l’entrée dans le concert des Etats membres de l’Union Européenne.

Zaev, dont la carrière politique est très liée à l’europhilie et à l’entrée dans l‘Union, avait prévenu le Conseil : l’échec des négociations signifierait pour lui une démission pure et simple et des élections anticipées et un changement de gouvernement. Et c’est ce qui va se passer : le Premier ministre quittera ses fonctions le 3 janvier, et les Macédoniens voteront le 12 avril.

Mais pour la Macédoine comme pour l’Albanie, il faut rappeler que le gouvernement de Zaev et du Président Pendarovski était très déconsidéré, à cause de faits de corruption avérés. Alors, que faut-il regretter, au juste ?

Le problème est complexe, et sa résolution sera dramatique ; elle relève de ce double bind qu’évoque le psychologue Bateson. Le niveau de corruption des pays des Balkans demeure élevé, et en certains cas, a même augmenté. Mais est-ce une raison suffisante pour refuser l’accès de l’UE à ces pays qui ont grand besoin de modernisation, d’investissements utiles (et vertueux), d’échanges soutenus avec l’Europe, de désenclavement ? Oui dans la mesure où les fonds de l’UE alloués à ces pays n’ont souvent fait que nourrir, voire susciter, les pratiques que nous évoquons plus haut : l’argent européen tombe toujours dans les mêmes poches, et il est très peu investi utilement et bien peu distribué équitablement en faveur des producteurs effectifs. Non dans la mesure où le refus européen ne fera très certainement que rapprocher les Balkans de la Chine, de la Turquie et de la Russie.

La réponse réelle ne peut être que le résultat d’un choix, d’une décision politiques : faut-il réduire l’Union à un nucleus concentrique autour de l’Allemagne et de la France ? Ou bien voir plus large et favoriser une intégration ambitieuse et qui prendrait en considération la spécificité relative de cette région, comme hélas l’UE a échoué à le faire dans le cas de l’Europe Centrale ?

Les risques de vassalisation ces Balkans aux grands (aux gros) voisins de l’Est et du Sud Est sont bien réels, et visibles chaque jour – par exemple dans ces stupides saluts militaires turcs que l’équipe de football de Prizren a repris de l’équipe turque ! Et tant d’autres choses, chaque jour : ce monument qu’Erdogan plante en plein Tirana, etc etc.

C’est écrit dans l’Evangile : là où il y a une volonté, il y a un chemin. Il faut commencer, par exemple, à faire bénéficier beaucoup plus abondamment les associations des sociétés civiles de ces pays, pour transformer la société. Rendre la démocratie beaucoup plus participative. Commencer par le début et par la base.

Pierre qui roule amasse mousse, contrairement à ce qu’on répète sans cesse.

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