Les Verts en Allemagne de l’Est

Ça monte comme une casserole de lait

Annalena Baerbock, co-présidente des Verts (avec Robert Habeck) Foto: Bündnis Die Grünen/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Les Grünen ont le vent en poupe dans les Länder de l’Est. Une situation tout à fait inédite, nouvelle, qu’il convient de mieux comprendre.

Dans les 3 länder orientaux de l’Allemagne que sont le Brandebourg, la Saxe et la Thuringe, les Bündnisgrünen, produit de la fusion de 2 partis à la fin de la RDA, sont devenus un partenaire incontournable dans le jeu des partis et du pouvoir. Les élections régionales sont proches : elles auront lieu le 1er septembre. On attribue aux Verts bien plus de 10%, et même, peut-être, un accès direct à l’exercice des responsabilités du pouvoir. Comment cela est-il possible ?

La formation était perçue comme un parti de Wessies, jusqu’à une date récente. Dans les années 1990-2000, les Verts peinaient à dépasser les 5%, donc à être représentés dans les parlements régionaux : en 2016 encore, ils sont même passés sous la barre fatidique dans le Land de Mecklenburg-Vorpommern. Mais la montée de l’AfD et les problèmes écologiques de plus en plus évidents ont montré la nécessité de développer une politique cohérente contre ces problèmes et hygiénique contre l’extrême-droite.

Ces derniers mois, l’élection de Franziska Schubert a été très significative : à Görlitz, au mois de mai, la candidate écologiste a battu le candidat AfD (extrême-droite), pourtant bien installé dans la ville, avec 28 % des suffrages ! Il est vrai qu’elle a largement bénéficié des reports des candidats CDU. Mais c’est en février qu’assez brusquement, le nombre d’inscriptions au parti a connu une ascension fulgurante. Le fait que les habitants des Länder de l’Est ont commencé à voir de leurs yeux et à toucher de leurs mains les phénomènes du changement climatique, du dépérissement des forêts dû à la pollution et aussi les incendies de forêts, a partiellement gommé dans l’esprit des électeurs les aspects effectivement bobos, bourgeois en dérive confortable des militants ou du moins, des dirigeants des Bündnisgrünen de l’Ouest.

Reste encore à les effacer de l’esprit des CDU en poste à l’Est. En effet, le cas de figure d’un gouvernement régional de coalition vert-noir (Grünen-CDU) n’est plus à exclure : il se présentera sans doute, au vu des sondages, dans le Brandebourg, en Saxe et en Thuringe… Impressionnant. Mais l’idée d’une telle coalition est loin de plaire à tout le monde, on s’en doute, dans les rangs de la CDU : elle nécessite une véritable gymnastique de l’esprit, une vraie conversion, que certains apparentent à une révolution culturelle dans les rangs du parti conservateur. On y perçoit encore très souvent les Verts comme des gauchistes prouteux, des extrémistes fanatiques, des khmers verts. Mais non, les Verts ont bien changé depuis les années 1980.

Mais ont-il suffisamment changé ? En tout cas, ils sont conscients de leur responsabilité. Responsabilité (Verantwortung) : voilà le leitmotiv des dernières campagnes électorales écologistes. « Il faut que nous nous montrions responsables, à la hauteur de l’enjeu ! » entend-on partout, de la Thuringe à la frontière polonaise. Méthode Coué ou bien mise en œuvre d’un réel changement de perspective, à la mesure d’un changement d’échelle ? Les Verts sont en tout cas devenus un parti de pouvoir, au moins par le fait d’alliances avec le parti dominant.

L’un des aspects majeurs de ce nouveau phénomène, c’est bien évidemment que les Grünen remplacent le vénérable SPD (fondé à la fin du 19e siècle) dans les votes de gauche ; Die Linke , elle, a des problèmes internes analogues à ceux du parti français de Mélenchon, et elle risque de compter assez peu dans les années qui suivent, à moins d’un génial stratagème apte à tout régler…

Quoi qu’il en soit, cessons de considérer les citoyens allemands des Länder de l’Est comme des nazis congénitaux : le phénomène Pegida et le vote AfD s’expliquent par tout ce qui s’est passé depuis 1945 (et bien avant, mais c’est une autre histoire). Dominés par une armée et une idéologie d’importation jusqu’à 1989, les Ossies sont ensuite devenus des citoyens de seconde zone pour enfin se voir s’imposer chez eux des problèmes qu’ils n’ont en aucune manière engendrés. Comment s’étonner, dans ce cas…

Le vote Verts montrera, en tout cas, le mois prochain, que la fibre écologiste et social-démocrate n’est nullement plus ténue à l’Est qu’à l’Ouest. On parie ?

 

 

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