La « macronie bornée »…

Troisième jour d'une mobilisation énorme contre le projet de la « réforme des retraites » du gouvernement et – contre un gouvernement qui ne comprend pas qui se trouve en face.

Tout est dit, non ? Foto: Eurojournalist(e) / CC-BY 2.0

(KL) – Il faisait beau et froid hier et une fois de plus, la France était dans la rue. Si le projet de la « réforme des retraites » constitue le leitmotiv des manifestations, les très nombreux manifestants protestent maintenant aussi contre un gouvernement qui semble ignorer les bases mêmes de la démocratie. Ce gouvernement s’est enlisé dans la volonté du président Macron d’imposer, « coûte que coûte », sa réforme des retraites que sa première ministre Elisabeth Borne a la difficile tâche de devoir défendre. Mais pendant que la France était dans la rue, sa façon de s’adresser aux députés à l’Assemblée Nationale n’était pas pédagogique, elle a encore une fois cherché le bras-de-fer avec les Français.

Selon plusieurs sondages, plus de 70% des Français sont contre cette réforme, parmi les actifs, même 93%. On peut donc dire que les Français ne veulent pas de cette réforme. Souvenons-nous un instant de la définition du terme « démocratie » : « Forme de gouvernement dans laquelle la souveraineté appartient au peuple. » Simple, non ? En principe, ce concept voudrait dire que lorsque 93% des citoyens directement concernés par un projet le rejettent, ce projet ne peut pas se faire. C’est ça, la démocratie. Et comment appelle-t-on un système où une petite caste de privilégiés (19 millionnaires dans le gouvernement actuel…) prend une décision contre la volonté du peuple et l’impose, si nécessaire en contournant le parlement ? Correct, ça s’appelle une « autocratie ». La définition : « Forme de gouvernement où le souverain exerce lui-même une autorité sans limites ». Et si les Français n’avaient plus envie de vivre dans une autocratie ?

Hier, on pouvait voir à quel point ce gouvernement se trompe sur la nature de ce mouvement social. La police était beaucoup plus présente que lors des deux premières manifestations les 19 et 31 janvier derniers, en partie en tenue de combat et visiblement, la stratégie du gouvernement est de tenter de décrédibiliser ce mouvement. Mais cette attitude est franchement mauvaise.

Là, il ne s’agit pas d’un mélange de Gilets Jaunes renforcés par des Black Blocks, mais c’est la France qui est dans la rue. Les syndicats, les organismes professionnels, les citoyens et citoyennes, des gens qui travaillent et qui perdent de l’argent à chaque journée de grève et de manifestation. Contrairement aux membres du gouvernement qui encaissent leur rémunération lorsqu’ils débattent à l’Assemblée Nationale, les manifestants sacrifient une paie journalière pour s’exprimer.

Les manifestations partout en France étaient paisibles, encadrées par un service d’ordre syndicaliste qui devrait servir comme exemple aux forces de l’ordre – ces derniers pourraient y apprendre comment faire en sorte à ce qu’une manifestation ne dérape pas. Là où la police s’est présentée de manière particulièrement martiale, les quelques accrochages étaient vite réglées par les syndicalistes.

Le gouvernement espère sans doute que l’ampleur exceptionnelle de ces protestations se calme, mais cet espoir est basé sur la fausse pensée que l’on puisse « mater » un tel mouvement social. Ce gouvernement, élu (en déduisant les non-votants et les votes blancs) par 38,52% des votes au deuxième (!) tour doit le pouvoir au simple fait que Marine le Pen ait fait davantage peur aux Français que Macron. Sa conviction qu’il a été élu « pour la qualité de son programme » relève déjà du pathologique. Et – la mobilisation ne s’effritera pas. Les Français défendent deux ans de leurs vies contre un gouvernement dont les membres ne seraient en rien affectés par les mesures qu’ils veulent imposer à leur compatriotes.

Evidemment, demain, les commentateurs des chaînes contrôlées par l’état ou des proches du gouvernement, publieront des chiffres de mobilisation en baisse et tenteront de faire croire aux Français que cette mobilisation est déjà quasiment terminée. Il n’en est rien et si le gouvernement ne réagit pas rapidement en faisant demi-tour concernant un projet rejeté par une écrasante majorité des Français, il risque de trébucher sur cette question.

L’arrogance des millionnaires au pouvoir en France est insupportable. Si le comportement de l’opposition n’est pas beaucoup mieux, on voit déjà les premiers nouveaux partis se créer, tentant de fédérer ce qui reste de l’ancienne gauche. Macron et ses amis parisiens forcent la main à la gauche française de se réinventer et visiblement, elle le fait. Ce projet de réforme des retraites pourrait déjà sonner le glas de cette « macronie bornée » qui semble sortir d’une autre époque révolue depuis longtemps.

Prochaine échéance : Samedi, 11 février, une manifestation centrale à Paris et de nombreuses manifestations dans les villes françaises. Toute tentative de minimiser ou de dénigrer cette protestation massive, risque d’accélérer la fin d’un règne qui entrera dans les livres d’histoire comme le plus grand malentendu de la Ve République.

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