La société civile à Kolbsheim

Gaz à tous les étages

Un trou dans la démocratie qui sent très mauvais Foto: Courtesy Jeanne Barseghian / CC-BY-SA 4.0int

(MC) – Le dégagement en force de la ZAD de Kolbsheim montée par les opposants au Grand Contournement Ouest, met à mal cette notion devenue glaireuse et passe-partout de « société civile ». On parle beaucoup de société civile depuis les années 1980, lorsqu’on a fini par s’apercevoir que la puissance politique servait en principe à… servir, et non pas à jouir du pouvoir – ce pouvoir délégué et conféré par les citoyens lors d ‘événements démocratiques tels que les élections.

C’est l’un des grands apports de Mai 68 que de rappeler à quoi sert le pouvoir politique : une révolte telle que celle qui a mis à mal les pavés parisiens et la mise en plis de Madame Yvonne a montré de manière presque obscène que la société, ça existait, que les citoyens et citoyennes ne servaient pas seulement à asseoir son pouvoir et à s’acheter des châteaux.

En réalité, la République Française n’a jamais réussi à concilier harmonieusement les trois (ou peut-être quatre, avec les médias) pouvoirs et la société. On l’a vu dès ses fonts baptismaux, quand les révolutionnaires de 1789-1798 ont tenté de mettre au pas, voire de détruire (Loi Le Chapelier) les corps intermédiaires. Alors que dans la démocratie étasunienne, le politique favoriserait bien plutôt les aspirations et les intérêts de ces derniers.

Après Mai 68, les citoyens et la société dans toute sa complexité ont commencé à s’exprimer bien davantage et beaucoup mieux qu’ à l’époque de ce goulot d’étranglement qu’ont représenté les années 1950 et 1960. Démographie obligeait, en partie. Au fil des décennies, cependant, s’est développé considérablement un phénomène très fâcheux, et dangereux à moyen ou long terme : l’affairisme.

Et on a commencé à confondre de plus en plus les diverses occurrences de l’expression « société civile ». Ce n’est pas une question de lexique, mais bel et bien une évolution sociétale frappante, des années 1980 à aujourd’hui. Hegel définissait la société civile comme le « système des besoins », donc des intérêts économiques et commerciaux avant tout. Par la suite, d’autres auteurs l’ont pensée davantage comme la coalition des aspirations de cette société, indépendamment des considérations strictement intéressées. Et puis, un peu plus tard encore, avec un cynisme certain, les gouvernants ont commencé à tirer de leur lit d’argent des personnages qui représentent principalement les puissances financières, serait-ce par lobbies interposés.

Et nous voilà sur un sommet où se rencontrent, se heurtent et s’ allient à la fois les deux grands maux de la France actuelle : l’autoritarisme républicain hérité de 1789 et plus encore, de 1793, dont on peut fort bien déchiffrer les prémisses dans le Contrat Social de Rousseau, et l’affairisme en pleine croissance de ces dernières années.

Un tout jeune homme en est mort déjà en 2014, sur une ZAD, sous un gouvernement « différent ». Cela indique que l’étiquette politique importe peu : cette mort est la manifestation criminelle d’un processus général, ce processus qui confond intérêts particuliers et utilité générale, business et écologie. La démission récente de Nicolas Hulot n’a d’ailleurs pas d’autre signification. Elle a même exactement celle-ci : un écologiste qui n’est pas un homme politique, qui vient de la fameuse « société civile », essaie d’oeuvrer. Impossible, il a les bras liés par les lobbies et les consignes venues d’en haut. Il reprend donc son ULM et s’envole bien loin. Nous avions d’ailleurs prévu cette démission au début juin 2018 : comment les choses eussent-elle pu se passer autrement ?

A Kolbsheim, même expression d’une contradiction permanente, où le pire rencontre le pire. 7 expertises ont conclu à la non-pertinence de ce fichu GCO. Mais le GCO sera construit. Et l’État intervient en tenues de robocops, avec des matraques, avec des gaz pour défendre et assurer le business de quelques-uns, indécemment identifiables.

Autoritarisme et affairisme, voilà les deux mamelles de la République.

Fi. Fi donc.

 

Foto: Courtesy Jeanne Barseghian / CC-BY-SA 4.0int

Foto: Courtesy Jeanne Barseghian / CC-BY-SA 4.0int

 

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