La Suède à genoux devant Erdogan

Pour pouvoir accéder à l'OTAN, la Suède se plie aux souhaits de Recep Tayyip Erdogan. La protection contre la menace russe coûte l'âme suédoise.

Après que les Kurdes avaient vaincu Daesh, l'Occident les a trahis. Maintenant, au tour des Suédois. Foto: Levi Clancy / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Recep Tayyip Erdogan est dans son élément actuellement. Il est le dernier interlocuteur occidental de Poutine, l’OTAN ne peut pas se passer du président-dictateur turc, l’Union Européenne aimerait bien que Erdogan bloque les flux de migrants arrivant depuis l’Irak, la Syrie et l’Afghanistan et du coup, Erdogan peut imposer ses souhaits où et comme il veut. Pour qu’il donne son feu vert à l’adhésion de la Suède à l’OTAN, Erdogan avait demandé à ce que le pays scandinave expulse 31 Kurdes vers la Turquie, sur lesquels pèse l’allégation de l’appartenance à une organisation terroriste, comme la Turquie qualifie le PKK.

Lorsque Erdogan avait formulé ses conditions pour donner son aval à l’adhésion de la Suède (et de la Finlande) à l’OTAN, l’Europe s’était montré indignée. Demander l’extradition de personnes vers le pays où ces personnes sont poursuivies, c’est inhumain. Livrer une personne persécutée à ses bourreaux, l’est encore davantage. Vendredi dernier, la Suède à expulsé Mahmut Tat qui a été remis par la police suédoise à la police turque à l’aéroport d’Istanbul. La Turquie avait clamé que Tat ait été condamné à six ans et dix mois de prison pour avoir appartenu au PKK, sans que des crimes ou délits concrets lui étaient reprochés.

Si la demande d’asile de Mahmut Tat avait été refusée après une procédure de six ans à partir de 2015, il était « toléré » sur le territoire suédois. Mais maintenant, il est devenu une monnaie d’échange, tout comme Julian Assange est devenu une monnaie d’échange entre la Grande Bretagne et les Etats-Unis.

La peur de l’ogre russe fait perdre la tête aux Européens. Que plus personne ne parle de « valeurs européennes », ces valeurs n’ont plus cours. La dernière fois qu’un pays européen a renvoyé des réfugiés entre les mains de leurs bourreaux, c’étaient les pays où des collaborateurs avaient renvoyait des Juifs arrêtés sur leurs territoires chez les autorités nazies. Nous y voilà à nouveau. La valeur d’une vie humaine varie selon les enjeux. Julian Assange sera probablement le prix pour un nouveau traité sur les libres échanges entre Londres et Washington ; Mahmut Tat (et les autres Kurdes sur la liste turque) est le prix de l’adhésion de la Suède à l’OTAN.

Il est amer de constater avec quelle rapidité ces « valeurs européennes » ont perdu – leur valeur. L’Europe sacrifie des vies humaines pour des raisons économiques, géostratégiques et financières. Mais il y en a qui en profitent. L’un de ceux qui bénéficient le plus de la situation actuelle, c’est Recep Tayyip Erdogan, qui, comme Vladimir Poutine, constate qu’il peut imposer tout et n’importe quoi.

On imagine la détresse de Mahmut Tat d’être remis entre les mains de ses tortionnaires. Personne ne suivra son devenir, l’Europe l’a jeté aux lions. Un tel sacrifice correspond à quelle « valeur européenne » ?

Hiver 2022/23. Les crises s’intensifient. C’est chacun pour soi, coûte que coûte. Est-ce que quelqu’un pense réellement que c’est ainsi qu’on arrivera à surmonter cette phase difficile ?

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