La Turquie instaure une dictature présidentielle

En éliminant les députés pro-kurdes du HDP du parlement d’Ankara, Recep Tayyip Erdogan quitte définitivement la voie de la démocratie et relance la guerre civile contre les Kurdes. Et l’Europe ?

Le parlement turc s'est agenouillé devant le dictateur-président Erdogan - les conséquences seront désastreuses. Foto: Pete Souza / Wikimedia Commons / PD

(KL) – L’Europe se trouve devant une décision difficile. Comment gérer les rapports avec la Turquie qui se transforme, chaque semaine un peu plus, en une dictature présidentielle qui fait fi de tout ce que l’on appelait autrefois les «valeurs européennes». Le vote de la semaine dernière qui lève l’immunité de 138 députés du parlement turc, ne vise pas seulement la criminalisation des élus du parti HDP pro-kurde, mais ressemble fort au «Ermächtigungsgesetz» que les nazis avaient fait passer au Reichstag en Mars 1933 – en Allemagne des années 30 comme en Turquie aujourd’hui, ce vote marque la fin d’un système démocratique, confère des pouvoirs surdimensionnés au «leader» et élimine les dernières voix de l’opposition.

Le vote au parlement turc était, pour le moins, bizarre. Mardi dernier, les élus socialdémocrates du CHP avaient encore refusé cette levée d’immunité et la motion manquait la majorité nécessaire de deux tiers des députés turcs. Suite à ce premier échec, les élus du CHP ont du subir des pressions extraordinaires – vendredi, la plupart des élus du CHP votaient pour la levée de l’immunité des 138 députés, abolissant dans les faits le système parlementaire en Turquie.

Les 59 députés du HDP pro-kurde doivent maintenant craindre pour leur sécurité. Le parquet turc, sous contrôle politique, a 15 jours pour préparer les inculpations des élus qui pourraient dès le début de la semaine, se retrouver en détention provisoire pour des chefs d’inculpation comme «soutien d’une organisation terroriste» (le PKK). En première ligne, les deux chefs du groupe HDP au parlement turc, Selahattin Demirtas et la porte-parole Figen Yüksekdag que le président Erdogan souhaite voir moisir en prison. Toutefois, les observateurs estiment que dans les deux semaines à venir, l’ensemble des députés qui dérangent Erdogan, se retrouveront en prison.

La réaction à ce drôle de coup d’état orchestré par celui qui détient déjà le pouvoir, ne se fera pas attendre. Les combats entre l’armée turque et les Kurdes s’intensifieront et le grand gagnant de cette situation sera «Daesh». Car les combattants kurdes sont actuellement les seuls à lutter efficacement contre les terroristes du «Daesh», cette organisation terroriste avec laquelle le clan d’Erdogan semble faire d’excellentes affaires.

Et l’Europe dans tout cela ? Est-ce que les Merkel, Juncker, Hollande & Cie. continueront à fermer les yeux devant ces violations répétées et graves des principes démocratiques ? Est-ce que l’Europe continuera son «troque» honteux de réfugiés avec la Turquie ? Est-ce que l’Europe acceptera réellement dès le mois prochain la libre circulation des ressortissants turcs dans l’espace Schengen ? Ou bien, ne serait-ce pas le moment de dire «stop !» et d’isoler cette Turquie qui se moque des Droits de l’Homme, de la liberté de la presse, des droits des minorités et dont les relations avec les terroristes islamistes sont peu claires ?

Considérant que cette instauration d’une dictature présidentielle en Turquie ravivera la guerre civile entre la Turquie et les Kurdes, peut-être l’Union Européenne devrait accorder le droit de la libre circulation en Europe aux seuls Kurdes qui sous peu, seront à nouveau des victimes d’une «sale guerre» que mène Erdogan contre une partie de son propre peuple.

La visite de la chancelière Angela Merkel en Turquie en début de semaine n’a rien changé. Si Angela Merkel a insisté à ce que la Turquie remplisse les 72 conditions formulées par l’Union Européenne pour accorder le droit de la libre circulation aux ressortissants turcs dans l’espace Schengen, elle n’arrivera pas à faire en sorte à ce que Erdogan change de politique. Le président turc est déterminé d’engager un bras de fer avec l’UE, annonçant lors de la visite de la chancelière que si cette libre circulation n’est pas immédiatement mise en œuvre, il ferait en sorte à ce que le parlement turc revienne sur l’accord avec l’UE concernant les réfugiés. Après ce qui s’est passé au parlement turc la semaine dernière, nul doute qu’Erdogan puisse faire voter ce qu’il veut au parlement.

Il est temps de stopper le «commerce de la mort» avec cette Turquie qui se met hors de la communauté des peuples européens. Il est temps de stopper les négociations quant à une éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union Européenne. Il est temps de stopper le renvoi de réfugiés dans cette Turquie qui est tout sauf un «état sûr». Il est temps que l’Europe se mette à résoudre ses dossiers sans avoir recours à ce dictateur d’Ankara et qu’elle fasse valoir ses principes sacrés. Au Conseil de l’Europe, au Parlement Européen et au Conseil Européen d’agir – mais il est exclu de continuer à faire des câlins politiques avec un dictateur-président qui se comporte comme d’autres dictateurs du siècle dernier en Europe.

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