L’apprentissage deviendra-t-il un outil efficace contre le chômage ?

Etudes, apprentissage d’un métier, chances professionnelles, chômage - il y a des choses à revoir si nous voulons que la société fonctionne encore demain…

Plus de diplômés ? Plus d'apprentis ? Plus d'avenir ? Foto: Grey Geezer / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(Par Alain Howiller) – Le lecteur me pardonnera de lui proposer d’entrée, une devinette. Qui a dit : «Nous n’avons pas besoin de Bachelier en coiffure. Pour beaucoup de jeunes la formation professionnelle est une vraie alternative aux études. Voulons nous former des diplômés d’études supérieurs que nous allons pousser vers le chômage ou vers des métiers où ils seront sur-diplômés ou allons nous leur donner une formation professionnelle duale (note de la rédaction : duale – c’est à dire combinant entreprise et école)… Notre ‘système de de formation à l’emploi‘ et notre ‘système d’éducation‘ ne sont plus en adéquation !» Qui a encore dit : «Il faut contrer la hiérarchie délétère entre métiers manuels et métiers dits intellectuels… Il faut passer de la culture du diplôme («je suis en bac pro, en BTS…») à celle de l’apprentissage du métier («je me forme au métier de menuisier, de boucher…»). Il faut adapter notre système de formation professionnelle… aux besoins véritables de l’apprentissage d’un métier !…»

Deux déclarations convergentes qui illustrent un même problème : l’insuffisance de candidats à l’apprentissage. La première est de Hans Peter Wollseifer, Président des Artisans allemands. La seconde est de Bernard Stalter, Président de la Chambre des Métiers d’Alsace ! Le nombre de contrats d’apprentissage avait chuté l’année dernière de 1,4% en Allemagne et on comptait 37.000 places d’apprentis (+3.400 par rapport à 2013) non occupés. En France, les contrats d’apprentissage ont baissé de 9,4% entre 2012 et 2013 (-8,1% en Alsace) et 8% en 2014 et -jusqu’ici- de 3% cette année.

Chômage : on n’avait pas tout essayé ! – Evolution négative dans les deux pays pour une voie de formation qui, tout le monde en convient, ouvre la porte à l’emploi à ceux qui la suivent. Si en Allemagne, la démographie déclinante participe à l’érosion de l’apprentissage on y note comme en France les conséquences d’un désintérêt croissant des jeunes pour les métiers dits manuels, de l’augmentation du nombre d’étudiants, des réticences croissantes des chefs d’entreprise à s’engager dans un processus qui a un coût. En France, le comportement erratique du gouvernement a certainement contribué au fléchissement d’une formule qui ne séduisait pas suffisamment, même en Alsace où, pourtant, le «statut local» des entreprises artisanales, héritage du système allemand appliqué entre 1871 et 1918, ne comportait pas un certain nombre des contraintes (nombre limité de salariés par exemple) encadrant l’activité artisanale sur le plan national.

Soucieux peut-être de se libérer du message envoyé, en 1993, par un François Mitterrand affirmant «dans la lutte contre le chômage on a tout essayé !», François Hollande a décidé de faire de l’apprentissage un nouvel outil de création d’emplois ! Après les «Assises de l’apprentissage» organisées à l’automne dernier, le Premier Ministre vient de réunir les partenaires sociaux -syndicats de salariés et chefs d’entreprise- et les présidents de régions pour appuyer un «plan apprentissage» qui voudrait porter le nombre d’apprentis de 400.000 à 500.000 en 2017, l’année de l’élection présidentielle ! 24% des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage, l’apprentissage deviendrait-il, de fait, un argument électoral dans la tentative du Président de la République pour conquérir un deuxième mandat présidentiel ? En visitant récemment un centre de formation d’apprentis, en Bretagne, le Président de la République a tenu à placer l’apprentissage au cœur des dispositifs de lutte contre le chômage.

C’est la faute au gouvernement !… – Cette position est d’autant plus remarquable que, comme le disait Bernard Stalter : «Si on en est là, c’est tout d’abord à cause de l’évolution du régime financier de l’apprentissage… La réduction de l’indemnité compensatrice à la formation et même sa suppression pure et simple pour les entreprises de plus de 10 salariés, s’est avérée redoutable… Le crédit d’impôt attaché à l’apprentissage est lui aussi fortement réduit… La règlementation a évolué dans le mauvais sens avec le nouveau dispositif de dérogation au travail sur machines dangereuses pour les apprentis mineurs est un élément dissuasif supplémentaire de même que l’interdiction absolue de conclure un contrat d’apprentissage pour un jeune de moins de quinze ans… Comme toujours lorsque l’idéologie s’impose à la réalité ce sont ceux et celles qu’elle est censée défendre qui en sont les premières victimes.

Dès Juillet de l’année dernière et plus récemment (en avril de cette année), un certain nombre de ces mesures ont été rapportées, des assouplissements ont été décidés pour les apprentis mineurs, des mesures d’incitations fiscales ont été adoptées. Par exemple, les entreprises de moins de 11 salariés n’auront plus en charge ni le salaire, ni les cotisations sociales liées à l’embauche d’un apprenti mineur lors de sa première embauche, pour toute embauche d’un premier apprenti ou d’apprenti(s) supplémentaire(s), les entreprises toucheront une prime de 1.000 euros (2.000 euros pour les Toutes petites entreprises, dites T.P.E.), cumulables avec d’éventuelles primes régionales etc… D’autres mesures pourraient être prises à l’automne.

500.000 apprentis, «réalité» ou argument «électoral» ? – Lors des premières mesures prises, Philippe Richert, le Président de la Région Alsace a commenté : «Une aide ‘supplémentaire‘ de 200 millions d’Euros a été annoncée par le Premier Ministre pour faire face à l’effondrement des contrats d’apprentissage. II ne s’agit pas d’une aide supplémentaire, comme le Gouvernement le laisse entendre, mais bien d’un nouveau revirement qui ne compense que partiellement la suppression des 550 millions d’Euros décidées en 2013 !…» (ndlr : par le gouvernement de Jean Marc Ayrault). Tout en saluant les nouvelles mesures, Bernard Stalter a estimé, quant à lui, qu’elles sont bonnes à prendre, mais elles ne règlent pas pour autant ce qui paraît essentiel au Président de la Chambre de Métiers d’Alsace : selon lui «rien n’est réglé quant aux difficultés d’accès efficace aux métiers, notamment artisanaux !» Alors le pari des 500.000 apprentis sera-t-il gagné d’ici à 2017 ?

En Alsace, «l’Institution régionale», responsable de l’aménagement de l’offre de formation professionnelle dont l’apprentissage, consacrera 52 millions cette année à l’apprentissage. En Alsace où Région, Chambre de Métiers, Chambre d’Agriculture, Chambres de Commerce et d’Industrie, Education Nationale ont toujours coopéré pour promouvoir l’évolution du nombre et la qualité des apprentis, on avait pris conscience depuis longtemps de l’atout que pouvait offrir l’apprentissage dans la lutte contre le chômage.

Perspectives transfrontalières. – Bien formés, les 15.000 apprentis d’Alsace voient s’ouvrir, en outre, les possibilités offerts par l’apprentissage transfrontalier. En marge du marché de l’emploi suisse, les régions allemandes proches offrent d’importantes possibilités, rappelle la Région Alsace dans une note.

En raison d’une démographie déclinante, il manquera à l’économie du Bade Wurtemberg près de 200.000 personnes qualifiées, tous niveaux confondus, entre 2015 et 2030. En Rhénanie-Palatinat, l’économie devra faire face, à l’horizon 2030, à un déficit de 100.000 salariés. Près de 1.000 alsaciens, en grande partie des demandeurs d’emploi, ont déjà pu intégrer un parcours franco-allemand adapté.

Pour paraphraser un propos célèbre : «Il s’agit là d’un petit pas pour le demandeur d’emploi alsacien, un grand pas pour le… Rhin Supérieur !»

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