Le bateau est plein…

Des camps de réfugiés comme ici au Darfur, l'Afrique connaît. Et l'Afrique n'a pas vraiment envie d'être les agents d'une politique européenne des plus meurtrières. Foto: Mark Knobil, Pittsburgh, USA / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – Quelle magnifique leçon d’humanité  le président du parlement égyptien Ali Abd al-Aal vient de donner à l’Union Européenne… Interrogé pour savoir si son pays entendait réagir à l’appel de l’UE à installer des camps de réfugiés, al-Aal a expliqué que son pays accueillait déjà des millions de réfugiés et que de toute manière, la loi égyptienne n’autorise pas la mise en œuvre de ce genre de camp. « En Egypte, tous les réfugiés ont droit aux soins médicaux et une éducation. » Oups. Le projet post-colonialiste d’installer ces camps un peu partout en Afrique, n’a pas été accueilli avec enthousiasme par les Etats africains. Pourtant, les idées européennes en matière d’accueil des réfugiés sont exemplaires, si on en croit les déclarations des chefs d’Etat et de gouvernements après le sommet bruxellois. Mais sommes-nous vraiment si exemplaires ? Le rapport de l’UNHCR dit le contraire. De nombreux autres pays dans le monde se comportent de manière largement plus humaniste et solidaire que l’Europe.

Les pays ayant accueilli le plus grand nombre de réfugiés sont la Turquie (3,5 mio.), le Pakistan (1,4 mio.), l’Ouganda (1,4 mio.), le Liban (998 000), l’Iran (979 400), l’Allemagne (970 400), le Bangladesh (932 200) et le Soudan (906 600). Dans ce classement n’apparaît aucun des autres pays européens qui eux, continuent à se lamenter que le « bateau est plein ». Le fait que des pays comme l’Ouganda, le Bangladesh ou le Soudan doivent rappeler à l’Europe les fondamentaux de l’Humanisme, des principes chrétiens et fraternels, est franchement embarrassant. Le Pakistan ne faisait-il pas partie des « villain countries » selon la définition de l’ancien président américain George W. Bush ?

Pour l’instant, un seul pays africain a signalé son ouverture aux discussions  : la Libye, qu’ il est difficile de considérer comme un « Etat » – le « gouvernement » ne contrôle que la capitale Tripoli et ses environs, le reste du pays étant sous le contrôle de « warlords ». Les autres pays nord-africains ont déjà fait savoir qu’il ne les intéressait pas de faire « le sale boulot » à la place de l’Union Européenne.

Face aux 65,8 millions de réfugiés dans le monde, l’attitude européenne est des plus lamentables. Le chancelier autrichien Sebastian Kurz l’a dit clairement : « Nous devons assurer la sécurité et la prospérité de l’Europe » – même si cela passe par la fermeture hermétique de notre continent. L’arrogance européenne face à la misère du monde (occasionnée aussi par les intérêts économiques européens…) est sans nom. L’Union coopère avec des dictateurs, potentats sanglants, warlords, bandes de criminels pour que ceux-ci mènent, à notre place, avec nos financements et en notre nom, une guerre terrible contre les réfugiés.

Si l’unité européenne, tant applaudie après ce malheureux sommet bruxellois, passe par la violation des Droits de l’Homme, il ne faut pas s’étonner que les gens se détournent de plus en plus de cette Europe. L’un des accords bruxellois prévoit l’interdiction des équipes de sauvetage en Méditerranée : elles, elles ne seront pas remplacées par des bateaux de sauvetage européens, mais  tout simplement interdits. Donc, l’Europe finance les garde-côtes libyennes qui font partie du système criminel d’esclavage en Afrique du Nord, tout en criminalisant des ONG qui tentent de sauver des vies en haute mer . C’est ça, l’Humanisme Européen millésime 2018 ?

Il est presque cynique lorsque les responsables de la politique européenne déclarent devant la presse qu’ils combattraient ainsi les passeurs d’hommes – dans la pratique, ils ne font que faire grimper le prix du passage, tout en concentrant le « business » entre les mains de bandes organisées qui, financées et équipées par l’Union Européenne, font la chasse aux bateaux de réfugiés dans les eaux internationales, pour ramener leurs proies à terre en Libye où les réfugiés ainsi capturés sont internés, violés, vendus comme esclaves. C’est ça, le « succès » de la politique européenne ?

Les néonationalistes européens ont pris les commandes sur le vieux continent. L’Humanisme européen est devenu une farce, l’Europe devient une sorte de lotissement pour riches, comme on les connaît déjà aux Etats-Unis ou en Amérique du Sud, entourée de murs et de barbelés, avec des vigiles armés jusqu’aux dents qui tirent sur tous ceux qui s’approchent.

L’Europe humaniste est en train de déposer son bilan, et cette politique de fermeture hermétique contribuera à l’escalade de la violence entre les grandes régions du monde. L’Europe ne pourra pas échapper aux crises mondiales, ces crises qui font partie de notre propre modèle d’affaires parce que les conflits du monde font vivre nos industries d’armement et que  chaque victime de ces guerres et guerres civiles contribue à assurer un emploi chez nous.

Indignons-nous !