Le Conseil des Ministres franco-allemand de Metz

«ACAL» et le transfrontalier s’invitent – la «méga-région de l'Est» est toujours contestée !

Le rêve d'une vraie amitié franco-allemande date déjà de LEUR époque... Foto: Jean-Pierre Dalbéra, Paris, France / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Par Alain Howiller) – L’annonce de cette 18éme réunion du Conseil des Ministres franco-allemand organisée à Metz avait provoqué quelque aigreur à Strasbourg où on regrettait que le gouvernement français n’ait pas plutôt avancé la candidature de la métropole alsacienne pour accueillir la rencontre. A quelques jours de la réunion qui aura lieu le 7 Avril dans la métropole mosellane -au demeurant siège du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESER) de la Région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine (ACAL)- le Président de la Région entérine en quelque sorte le choix du lieu et dans une lettre à François Hollande il demande que le Président de la République mette à l’ordre du jour de la réunion, la mise en application des résultats de la «Conférence sur la Coopération Transfrontalière» qui avait été organisée le 7 Juillet dernier à… Metz. La «Conférence» avait été co-présidée par Harlem Désir, Secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes et Michaël Roth, son homologue allemand.

Dans son courrier -co-signé par Patrtick Weiten, Premier Vice-Président d’ACAL, chargé de la coopération territoriale et transfrontalière et par ailleurs Président du Conseil Départemental de la Moselle- le Président Richert incite les gouvernements allemand et français à mettre en œuvre… les décisions de leur ministres, en particulier dans les domaines de l’enseignement de la langue du voisin, du développement de l’emploi transfrontalier, de l’accompagnement des frontaliers eux-mêmes, de l’apprentissage, de la mise en place d’un marché unique du travail, dans le champ de l’enseignement supérieur et de l’innovation, dans la reconnaissance et la valorisation de l’action des collectivités (dont la Région) en matière d’engagements transfrontaliers. En s’invitant en quelque sorte dans l’ordre du jour du Conseil des Ministres franco-allemand, ACAL veut inciter les participants à s’engager dans le concret et à ne pas se contenter de communiqués flamboyants rédigés à l’avance et vides de réalisations pratiques. Les deux auteurs du courrier seront-ils entendus ?

Le «Transfrontalier» enfin pris au sérieux ? – Rien n’est moins sûr ! D’autant que la lettre précise : «Il s’agit, d’une part, de prendre en considération… (les initiatives prises sur les territoires transfrontaliers)… dans les politiques nationales. Ces dernières doivent intégrer pleinement la dimension transfrontalière, notamment pour que les instruments de financement des états puissent être mobilisés à son profit. Il s’agit, d’autre part, de faciliter la levée de freins aux développements transfrontaliers qui subsistent. A cet égard, les collectivités territoriales souhaitent que des possibilités d’expérimentation ou d’aménagement juridiques puissent être envisagées ou, à tout le moins, que les états soient en mesure d’appréhender et de trancher efficacement les problématiques liées à la coopération transfrontalière…». En bref, il s’agit de lever tout ce qui, depuis des décennies, pèse sur la coopération transfrontalière où, pour reprendre le propos d’un ancien Préfet de Région et  Préfet du Bas-Rhin «on passe son temps à tailler des ailes à des mouches !»

Forts de leurs responsabilités à la tête de la nouvelle région du «Grand Est» créée -rappelle habilement le courrier- dans le cadre de la réforme territoriale voulue par François Hollande et regroupant plus de «5,5 millions d’habitants», Philippe Richert et Patrick Weiten profitent de la réunion de Metz pour s’affirmer dans le contexte franco-allemand et pour se projeter dans une réalité transfrontalière nourrie par un environnement comprenant l’Allemagne, le Luxembourg, la Belgique et la Suisse ! Le Bade-Wurtemberg en a déjà compris les enjeux : ne vient-il pas de charger le «DFI» de Ludwigsburg de procéder à une étude de l’impact sur le transfrontalier de la nouvelle région et des structures qu’elle induit. En attendant, Philippe Richert inscrit la nouvelle région, dont les rouages se mettent en place rapidement, dans le paysage «franco-allemand».

Rendre la «méga région de l’Est» irréversible ! – Alors que les services de l’Etat précipitent la «régionalisation» de leurs services pour la rendre irréversible, les deux signataires du courrier légitiment, en quelque sorte, la nouvelle structure voulue par le Président de la République, son gouvernement et sa majorité ! Dans le même temps, les chefs d’entreprises, les structures dites «consulaires» (Chambres de Commerce et d’Industrie, Chambres d’Agriculture, Chambres de Métiers, fédérations sportives) adaptent leurs composantes à «Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine». Les ralliements se multiplient en particulier en Alsace qui a toujours eu le «culte» de la loi et de la légitimité adoubée par le Parlement et le Conseil d’Etat. «Nous avons perdu la bataille», constate l’ancien professeur de Droit, Robert Hertzog qui, avec l’ancien Ministre Daniel Hoeffel, avait déposé un recours (rejeté) contre la réforme territoriale devant le Conseil d’Etat. Est-ce à dire que les opposants à «ACAL» ont rendu les armes ?

Pour répondre à cette question, il s’agit de prendre en compte trois attitudes. La première -la plus conciliante- (certains diront la plus «réaliste» !) constate que, finalement, l’Alsace n’a pas été rayée de la carte : elle existe toujours sur les… bords du Rhin ! Il s’agit de prendre des dispositions pour la préserver au sein de la «grande région». Il s’agit de trouver le compromis qui permettra de garantir la survie de l’Alsace au sein d’ACAL. C’est cette considération qui est à l’origine aussi bien de la création de «l’Agence de l’Attractivité de l’Alsace», chargée -comme son nom l’indique- de promouvoir l’attractivité alsacienne ou du «Conseil Culturel d’Alsace» qui s’attachera, quant à lui, de sauvegarder «l’identité régionale» du dialecte au patrimoine sous ses diverses formes.

Spéculations sur une alternance politique en 2017 ! – La deuxième attitude est celle des candidats qui spéculent sur une «alternance politique» dans le sillage des élections présidentielles de 2017 : la droite, qui rêve de succéder à la gauche, évolue -selon ses leaders- entre une remise en cause radicale ou une adaptation selon les demandes de la réforme territoriale.

La troisième attitude est celle des opposants irréductibles : fédéralistes, régionalistes ou autonomistes. Pour les «fédéralistes», Paul Mumbach, maire de la commune haut-rhinoise de Dannemarie dans le Sundgau, fondateur du mouvement des «Fédérés» veut revenir sur la réforme qui n’a pas respecté les articles 4 et 5 de la «Charte de l’autonomie locale» du Conseil de l’Europe. Des articles qui réclament qu’avant tout changement dans les limites territoriales de collectivités locales, les gouvernements consultent les populations concernées. Cette consultation n’a pas eu lieu. Paul Mumbach veut défendre les maires menacés dans leurs ressources et dans leurs pouvoirs par la réforme territoriale : il veut une autre réforme fondée sur le respect des autonomies municipales et sur une réforme régionale reposant sur des régions fédérées.

Parmi les autonomistes / régionalistes, qui s’appuient eux aussi sur le non-respect de la Charte du Conseil de l’Europe, le parti «Unser Land» avait réussi à faire une percée aux récentes élections régionales en ramassant entre 10 et 12% des voix dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin. S’il mise sur la remise en cause de la fusion au sein d’ACAL, ce parti entend surtout se positionner sur le plan politique : il veut devenir une force de contestation et de proposition régionalistes dans les futures compétitions électorales.

Dans la logique de sa contestation d’ACAL, «Unser Land» a refusé de participer à la rencontre de consultation organisée par Philippe Richert avec les partis (écologistes, Front de Gauche, Debout la République) présents -sans avoir d’élus- aux élections régionales des 6 et 13 Décembre 2015. Autre mouvance régionaliste / autonomiste, le «Mouvement des Alsaciens Réunis» avait pris une position originale en demandant à Philippe Richert de…. freiner la mise en place des rouages d’ACAL pour permettre, le moment venu, une «défusion» de la «méga-région de l’Est» et un retour à la situation d’avant la réforme !

Conseil de l’Europe : un coup d’épée dans l’eau ! – Autonomistes et régionalistes se sont retrouvés unanimement, pour saluer la position adoptée récemment, à Strasbourg, par le «Congrès des pouvoirs locaux et régionaux» du Conseil de l’Europe. Celui-ci a reproché à la France de ne pas avoir respecté la «Charte de l’Autonomie Locale» en ne procédant pas, avant la mise en œuvre de sa réforme territoriale, à la consultation des habitants concernés. Le «Congrès» rappelle que cette consultation était prévue par la «Charte de l’Autonomie Locale» signée et ratifiée par la France !

Satisfaction (morale !) est ainsi donnée à ceux qui contestaient la procédure utilisée par le gouvernement pour faire adopter une réforme territoriale validée -en outre- par le Conseil d’Etat, alors même que, constitutionnellement, la France reconnaît la prééminence des traités sur les lois intérieures ! Les autonomistes / régionalistes continuent à réclamer -en vain apparemment !- un référendum sur une réforme qui, on l’a vu notamment à travers cet essai d’irruption dans le Conseil des Ministres Franco-Allemand, s’installe sans doute pour… durer !

Pour finir, le «Congrès des Pouvoirs Locaux» souhaite que l’Etat français améliore ses approches en matière de réformes territoriales : tout en encourageant le gouvernement français à mieux respecter -dorénavant (!)- la «Charte des Autonomies Locales», il reconnait que ses remarques ne sont, en fait, qu’un… coup d’épée dans l’eau !

1 Kommentar zu Le Conseil des Ministres franco-allemand de Metz

  1. Gervaise Thirion // 31. März 2016 um 23:18 // Antworten

    très bon article !
    Toujours heureuse de lire le travail d’Alain Hohwiller…
    Efficace, instructif.

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