Le Danemark par maux et par vœux

Une lecture transversale

Une famille à Louisiana, Danemark Foto: marc chaudeur/eurojournalist.eu/

(Marc Chaudeur) – Le Danemark : Un pays que nous arpentons en tous sens depuis plus de 25 ans maintenant. Et nous savons que dans ce pays merveilleux, les idées toutes faites sont vraies, mais traversées en même temps par des rayons de folie et d’angoisse très singulières.

Une approche particulièrement recommandée : la lecture transversale du meilleur journal danois, Politiken. Ce journal a pignon sur rue depuis très longtemps à Copenhague, et à l’endroit le plus central : à droite de l’Hôtel de Ville. En somme, près des lieux du pouvoir. Tout comme les Dernières Nouvelles à Strasbourg, sises,elles, depuis belle lurette à côté d’un coq franchouillard et claironnant, de l’Hôtel de police et de la prison. Bref, Politiken a les mille yeux d’Argus et les mille silences éloquents de qui sait et de qui peut.

Dans l’édition du weekend, quelques articles retiennent l’attention.Saisissants quand on les parcourt au coeur des paysages royaux du Sjaelland, devant la mer et entre deux châteaux. Eh bien voilà : en vrac, des bandes s’affrontent dans les rues de certains quartiers de la capitale danoise. Trump est mignon !, proclame un philosophe dans une analyse brillantissime. Et l’anniversaire du porno libre dans le pays. Et puis encore : on apprend l’existence d’une sorte de Facteur Cheval danois, un pasteur fou du Jutland. Un clergyman halluciné, qui façonnait à partir de 1936 des sculptures blanchâtres, ravageuses et obsédantes.

Certes, Copenhague n’est pas Marseille ; et pourtant, le problème des bandes mafieuses a les apparences de l’endémie à Copenhague : on avait réussi à se débarrasser, voici un peu moins de 2 ans, des bandes rivales Loyal et Familia, qui s’entrétripaient pour le contrôle de substances licites et illicites ; mais aujourd’hui, 2 bandes de Somaliens en provenance de la Suède voisine a pris le relais et s’entrétripent derechef. Une fusillade a tué 2 hommes la semaine dernière au Nord de la ville, en plein jour, sous les yeux des braves citoyens stupéfaits, qui croyaient voir se dérouler devant leurs yeux le tournage d’une série policière à l’esthétique gansta rap, t’vois, j’veux dire. Certes, si cette violence se limitait à l’auto-élimination de quelques dizaines de délinquants perdus, cela dérangerait moins les Copenhaguois ; mais vous savez, le trafic, et puis on perd si facilement ses balles, on est si distrait…

Suit un superbe dossier bien fourni sur la notion de mignonnerie (nuttethed) : à travers son importance dans la culture japonaise, et dans la passionnante assertion argumentée d’un philosophe britannique selon qui Trump est mignon ! Simon May entend par là que Trump est très semblable à ces monstres de mignonnerie que sont Hello Kitty, Picachu, Miffy ou Kumamon : mignon dans le sens où Trump arbore des traits enfantins (et même infantiles), mais qui paraissent, quand on s’en approche, porteurs de contradictions enssentielles, et source de mystère repoussant et d’inquiétude. Bien vu.

Impressionnant : les Danois célèbrent un demi-siècle de porno libre. A cette occasion, Politiken publie des statistiques qui nous apprennent qu’au Nord du Jutland, on préfère le porno bestial ( avec des phoques, des loutres, des morues, des smørrebrød ?) tandis qu’à Copenhague, on aime surtout le porno anal. Intéressant, non ?

Et enfin, évocation complète du Pasteur Laier, qui a vécu et officié au centre du Jutland. Anton Christensen Laier est né en 1883 et mort en 1969. On pense irrésistiblement au Facteur Cheval en admirant ses œuvres : le ciment, l’autodidactisme intégral, la maladresse et la démesure, et son délire complet, plus complet et bien plus extrême que celui du préposé ardéchois. Il est fou, disaient ses paroissiens : ses sermons sont vulgaires et hallucinés, et… Et ses… Et ses sculptures… monstrueuses ! Il y a là, à Hallerup, un crucifix et Jésus bedonnant, avec une sorte de sauce tomate qui dégouline sur son corps de ciment blafard ; Hitler et Staline qui méditent ensemble au fond d’une cave ; et puis, et puis… On voit Judas pendu par ses tripes, comme le raconte à peu près l’Evangile ; pour le pendre, Laier a utilisé de vrais intestins de cochon, qu’il a bourrés de ciment… Et puis, mieux encore, autre évocation porcine : un pasteur chevauche un gros cochon ; derrière lui est assis un collègue pasteur très reconnaissable à l’époque (en 1937), élégamment habillé d’un bikini ; derrière eux court le chantre de l’église, qui tient entre ses mains le début d’un sermon de Laier.

Intéressant, non ? Il ne faut pas s’y tromper : les Danois sont traversés d’une douce, d’une inquiétante et profonde folie qui s’infiltre dessous leur raisonnable sérénité.

N’oublions pas l’exposition d’une qualité extraordinaire qui se tient actuellement et tout l’été à Louisiana, ce magnifique musée semi-ouvert, à quelques lieues de la capitale : Homeless Souls est consacré à de nombreux artistes qui traitent le thème éminemment actuel des migrants et des migrations. (voir https://www.louisiana.dk/)

L’été est loin d’être fini. Il reste beaucoup de choses à faire !

 

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