Le Django prend fête et Coze pour le Neuhof

Dans l'ombre de Strasbourg mon Amour, quartier du Neuhof, re-Opening lumineux, ce weekend du Centre culturel Django Reinhardt. A l'affiche, graph en live, battle de hip hop, contes, doc, et concerts ouverts à tous. Des habitants d'un quartier à la richesse sous-estimée à ceux d'un centre cocooné.

Eh oui, le Neuhof est un quartier qui vit et qui bouge... Foto: Charles Nouar

(Par Charles Nouar) – Centre culturel Django Reinhardt. Re-Opening. Quartier Neuhof. Le quartier mal aimé, ou des mal aimés. La première fois que j’y ai véritablement mis les pieds, c’était il y a sept à huit ans. Ne sais plus trop. J’avoue. A l’époque, un mec avait pilé à côté de ma vieille Mégane. En mode ‘faut pas le faire chier. «Journaliste?». «Euh… oui». «DNA?». «Non». «Alors ça va, bienvenu!». Soupir de soulagement. Dans le quartier, des guetteurs, un peu partout. Genre là, aussi, si tu n’es pas adoubé, accompagné, si ta tronche ne correspond pas au trombi du deal, forcément, c’est suspect. Qu’irait en effet faire ici un mec de la ville. Du centre cocooné.

Quelques billets à des gosses pour qu’ils te tendent un gun. – Et puis, il y a avait cette autre histoire, racontée par un habitant du quartier: d’autres journalistes, nationaux, de télé, qui, quelques mois plus tôt, étaient venus pour «enquêter» sur la cité. Les gars, carte de presse en poche, auraient proposé quelques billets à des gosses pour qu’ils se masquent le visage, tendent un gun pour alimenter l’image. Ouais, parce que comme ça, ça claque, c’est bankable, vendeur, comme on dit dans les médias. Tu m’étonnes que les habitants du coin l’aient mauvaise. Parce que si oui, Neuhof est truffé d’emmerdes, de caches de shit, de kalach, aussi, de barbus qui poussent sur le dédain des démocrates, si des asso se sentent souvent lâchées, c’est pas ça ce quartier.

Là-bas, les quelques fois que j’y suis resté, quelques jours à chaque fois, j’y ai aussi rencontré des gens formidables. Une très large majorité. Des hommes, des femmes – peut-être même plus des femmes encore -, qui aimaient leur quartier. Jusque dans ce camp gitan aux abords des blocs déstructurés où, une fois accepté, les mecs, jusqu’au pasteur, t’accueillent comme jamais. Neuhof, oui, c’est un îlot, ou plusieurs, si on le prend dans son ensemble, parce qu’au-delà, il y a le vieux, la petite cité ouvrière, la forêt. Mais il y a surtout une vie, un partage incroyable.

«Promettez-nous que vous reviendrez!» – Le Django, pour y revenir, je ne l’ai connu que plus tard, au détour d’un concert de World. Jeff Pastor en était encore à la tête. Mais surtout l’été dernier avec Dounia Depoorter et Fatou Traoré, des Patshiva. Elle, la cheffe de chœur, elle, la chorégraphe, et toutes ces femmes venues de Belgique avec une générosité monstre dans leurs valises. Les filles ont mis le feu à la cité. Mais pas de caisses de Nouvel an. Non, un p… de beau Firework.  Jusqu’à cette soirée de clôture, dans les jardins du Django avec cette after gipsy acoustique de Dino Merhstein. Rarement vu autant de rires, de sourires, de partage d’émotions. Un truc assez incroyable à décrire mais qui résumait bien ces quelques jours où les filles ont cassé les unes après les autres toutes les frontières des impossibles entre elles et les habitants du quartier. J’ai vu des larmes, aussi, de départ : «Promettez-nous que vous reviendrez!». Il n’en fallait pas plus à Fatou et Dounia, le cœur serré, elles aussi, pour accepter. Le Django, elles y seront à nouveau, ce dimanche, pour repartager ces beaux moments autour de «Patshiva Cie sur la route», un doc aux couleurs du Neuhof.  Nul doute, d’ailleurs, que Dino, qui jouera le samedi dans la grande salle, lui aussi y sera, pour ce re-Grand opening.

Transformer l’essai. – Le Re-opening: ce moment ouvert, festif où se produiront aussi Mess Bass, Dirty Deep ou les Weepers Circus, c’est à des ovnis presque, qu’on le doit. Des mecs presque sortis de nulle part. L’association Becoze, qui en un dossier de candidature à la reprise du Django, a raflé la mise à des gens bien installés. C’est vrai qu’au départ, imaginer des mecs qui n’avaient pour seule véritable vitrine qu’un mag éponyme, ça n’envoyait pas forcément du lourd face à quelques autres grosses machines. Mais à jeter un œil au dossier, une fois le verdict tombé, difficile de ne pas s’enthousiasmer. Un modèle du genre, sur le papier. Reste désormais à transformer l’essai. Et là, il va falloir se faire accepter des asso, des gens du quartier. Parce que l’air de rien, l’image bobo leur colle encore un peu à la peau, aux Coze. Pas l’équipe d’avant, pas le charisme de grand frère d’un Gilg. Ouais, franchement, il va y avoir du boulot pour continuer à fondre, à mêler les strates de sociétés, de casser à leur tour les impossibles, de continuer à se faire rencontrer les gens de ce centre et de cette périphérie urbaine, tellement riche d’humanité, mais méfiante jusqu’à l’acceptation. Mais à voir l’énergie qui y est mise par les Coze, quelque chose, ce weekend, pourrait bien se produire, pendant qu’en ville respire le Pont des soupirs. Un nouvel élan, un autre cœur qui pourrait prendre vie à quelques kilomètres du cocooné et, qui sait, finir de croiser les routes au-delà des préjugés.

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