Le gouvernement allemand abolit les petits syndicats

Sous l‘appellation «Tarifeinheitgesetz» (loi sur l’uniformité des conventions sociales), la Grande Coalition a voté l’abolition des petits syndicats. Du grabuge en perspective.

La ministre du travail Andrea Nahles (SPD) a fait voter cette loi qui abolit les petits syndicats. Les électeurs s'en souviendront. Foto: Krd / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0

(KL) – Après la grève, c’est avant la grève. Si les usagers des trains en Allemagne ont pu circuler sans entrave pendant la Pentecôte, après que le syndicat des conducteurs de trains GDL avait terminé sa grève, il y a de fortes chances à ce que la paix sociale en Allemagne ne soit pas de longue durée. Car vendredi dernier, la «Grande Coalition» CDU/SPD à Berlin, a voté une loi qui dans les faits, rend tous les petits syndicats obsolète. Ainsi, sur initiative d’une ministre du travail social-démocrate, le gouvernement porte un coup mortel aux syndicats spécialisés. Mais le dernier mot aura la Cour Constitutionnelle à Karlsruhe – une vague de plaintes a été annoncée.

Cette loi est la réaction du gouvernement à la série de grèves du GDL depuis le mois de novembre. Pas moins de neuf grèves ont paralysé le pays, occasionnant d’énormes pertes financières à la Deutsche Bahn et constituant un vrai problème pour tous ceux qui doivent prendre le train pour aller travailler. Et pour ceux qui voulaient voyager en train. Les raisons pour ces grèves étaient une augmentation des salaires et une réduction du temps de travail, mais au centre de ce conflit social se trouvait la question de la représentation d’autres corps de métiers par le GDL que seulement les conducteurs de trains. Comme les contrôleurs des trains, le personnel dans les centres techniques etc.

Selon la loi, le GDL peut représenter tous les corps de métiers dans l’entreprise, ce qui dérange fortement la Deutsche Bahn qui préfère négocier les conventions sociales avec le concurrent du GDL, le syndicat EVG qui lui, compte plus d’adhérents que le GDL. «Nous ne voulons pas avoir deux conventions sociales au sein de la même entreprise», disait la Deutsche Bahn et refusait de négocier avec le GDL, les condition de travail pour les autres métiers. Seulement, ce refus constituait une infraction à la loi sur les syndicats – qui stipule que ce n’est pas à l’entreprise de choisir le syndicat avec lequel elle a envie de négocier. Ce serait un peu trop facile.

Face au refus de la Deutsche Bahn de négocier avec le GDL pour d’autres métiers que les conducteurs de trains, le syndicat a organisé la grève. En parfaite légalité, comme l’ont confirmé les tribunaux. Mais pendant que les tribunaux confirmaient le droit des syndicats de représenter tous les salariés, le gouvernement CDU/SPD cherchait un moyen pour empêcher de futures grèves dans des entreprises comme la Deutsche Bahn. Et Andrea Nahles, ministre du travail SPD, sortait cette proposition de loi.

Selon le «Tarifseinheitsgesetz», il ne pourra y avoir qu’une convention sociale par corps de métier au sein d’une entreprise. Pour arriver à cet état de choses, l’entreprise ne devra négocier désormais qu’avec le syndicat comptant le plus grand nombre d’adhérents, tous métiers confondus. Dans le cas concret de la Deutsche Bahn, cela voudra dire qu’à l’avenir, la Bahn ne négocierait qu’avec l’EVG et non plus avec le GDL. Les conducteurs de trains, même ceux qui adhèrent au GDL, devront donc accepter les conventions sociales négociés par l’EVG – ce qui rend le GDL obsolète. Une belle manière de se défaire des petits syndicats virulents.

Le mouvement syndical, vieux de 150 ans, va réagir. Plusieurs petits syndicats vont porter plainte devant la Cour Constitutionnelle et ils ont de fortes chances d’obtenir gain de cause. Car en 2013, la Cour Fédérale du Travail avait déjà confirmé le droit à la pluralité syndicale, ancrée dans la constitution allemande. Le fait que le gouvernement n’interdise pas les petits syndicats en leur enlevant la raison d’être (qui adhèrerait à un syndicat privé du droit de négocier avec l’entreprise ?), risque d’être évalué différemment par la Cour Constitutionnelle que par le gouvernement.

La procédure devant la Cour Constitutionnelle durera un bon moment et l’un des résultats est déjà connu – l’approfondissement du clivage entre les gouvernants et les gouvernés. L’électorat allemand se souviendra lors des prochaines élections de cette tentative du SPD de noyer le mouvement syndical. D’ici là, préparons-nous à d’autres grèves…

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