Le plan climat allemand…

… sauvera-t-il l'environnement ou les partis au pouvoir ? Alain Howiller se pose la question.

Ce ne sont pas les belles déclarations qui manquent... Foto: Charles Curling / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – 19 heures de négociations ardues, un document de 22 pages et, dans une première approche, 100 milliards d’euros investis d’ici à 2030 (dont 54 milliards d’ici à 2023) dans la « protection du climat et la transition énergétique »; les trois composantes (CDU-CSU-SPD) de la « Grande Coalition – GROKO » se sont entendues, à Berlin, pour publier les grandes lignes d’un nouveau « Plan climat 2030 ». Après « Climat 2020 », puis « Climat 2050 », dont les objectifs essentiels (notamment diminuer de 40% les émissions de CO2 d’ici à 2020) ne seront pas atteints, voilà donc un nouveau « plan » qui se veut, selon ses auteurs, « ambitieux mais réaliste, prenant en compte », d’après Angela Merkel, « le fait que la politique, c’est faire ce qu’il est possible de faire ! »

Pour certains, le plan manque d’ambitions et il est bien tardif !… Angela Merkel, qu’on appelait la « Chancelière du Climat » (Klima-Kanzlerin), depuis sa décision de fermer progressivement les centrales nucléaires, qui fut « Ministre Fédéral de l’Environnement, de la Protection de la Nature et de la Sécurité Nucléaire » (1994/1998) voulait-elle, avec ce plan, terminer avec éclat sa gouvernance ? Voulait-elle corriger les insuffisances de la politique environnementale de la « GROKO » ? Les centrales à charbon ne fermeront que d’ici à… 2038, et la moitié de la production d’électricité vient toujours du charbon et du nucléaire ! Souhaitait-elle, tout simplement, retrouver ses « racines vertes » ? Entendait-elle, alors que la politique environnementale ne figurait qu’en dixième position des objectifs du contrat de gouvernement CDU/CSU/SPD, corriger le tir et répondre à l’appel de la rue ?

Résister à la montée des « Verts » ! – Difficile de ne pas constater, au vu des dernières élections (« européennes » ou « régionales ») et des sondages, que le vert devient une couleur « tendance » dans l’opinion et l’électorat. Le parti écologiste a grignoté aussi bien l’électorat de la CDU/CSU que celui du SPD qui traverse une crise existentielle. S’il y avait prochainement des élections au Bundestag, la CDU réunirait 29% des intentions de vote, devant les… « Verts », deuxième parti avec 27% des intentions de vote, le SPD (15% de suffrages) et le parti d’extrême-droite AfD (14%). Aux élections fédérales de 2017, la CDU/CSU avait engrangé 32,9% des suffrages, devant le SPD (20,5% des voix) : les « Verts » recueillant… 8,9% des voix !

A la veille d’élections régionales en Thuringe (le 27 Octobre), à quelques semaines du bilan que la « GROKO » doit dresser sur son action pour décider si elle poursuit -ou non- l’expérience de la coalition au pouvoir, les chiffres expriment cette dure réalité : les « Verts » risquent fort d’être incontournables demain. La coalition sortante n’ayant plus la majorité, le parti écologiste devient, aussi bien à droite qu’à gauche, le partenaire d’une future coalition : le chancelier (ou la chancelière) de demain seront-ils (ou elles) du parti des « Verts » ?!

Des mesures ambitieuses ou insuffisantes ? – C’est dire l’importance que les partis au pouvoir, espérant enrayer l’hémorragie « verte », désireux de récupérer une partie de leurs électeurs déçus, attachent à leur « Plan climat ». Celui-ci, qui sera complété par des textes pratiques précisant les dispositions cas par cas, veut diminuer (d’ici à 2030) de 55% (par rapport à 1990) les émissions de CO2 : le respect de cette disposition donnera lieu à un bilan annuel établi par un groupe d’experts. Dans le même temps (2030), la part des énergies propres (éolien, solaire, biomasse) doit assurer 65% de la consommation totale. Si on a renoncé à une « taxe carbone », c’est au profit d’un système de tarification des émissions de CO2 qui augmentera le prix du gazole et de l’essence. Des incitations fiscales seront installées pour aider à la rénovation énergétique des bâtiments. Des primes seront versées (jusqu’à 40% du coût) à ceux qui abandonneront le mazout pour un système moins polluant. Des restrictions seront imposées à la mise en place de systèmes de chauffage au mazout.

Des subventions seront versées à ceux qui achèteront une voiture électrique : préférence sera donnée aux véhicules coûtant jusqu’à 4.000 euros, l’objectif étant de mettre entre 7 et 10 millions de voitures électriques sur les routes (toujours d’ici à 2030). Les taxes sur les vols intérieurs seront augmentées, celles sur les billets de train à longue distance seront abaissées. La Deutsche Bahn bénéficiera d ‘un milliard d’euros de subventions par an pour acheter des « locomotives propres » et pour aménager le réseau ferroviaire, 86 milliards supportés par l’Etat et les Länder seront versés en faveur de l’aménagement de voies ferrées permettant d’offrir une alternative à l’utilisation de la voiture.

Les paris sont ouverts ! – En agriculture, l’utilisation d’engrais va être réduite. Si les promoteurs du nouveau plan climat s’estiment satisfaits de leurs propositions, celles-ci ne font évidemment pas l’unanimité, en particulier chez les écologistes qui voudraient « plus et mieux ». Les « Verts » estiment notamment contradictoire que la contribution (« Pendlerpauschale ») au transport augmente à partir de 21 kilomètres alors qu’on veut favoriser les transports collectifs et propres. Réponse : la disposition doit bénéficier aux « ruraux » obligés de prendre leur voiture et qui risquent d’être défavorisés par rapport aux « urbains » qui profitent, par ailleurs, de l’ensemble des mesures proposées. Comme quoi la politique électorale n’est jamais bien loin !

« La politique, c’est faire ce qu’il est possible de faire », a donc conclu Angela Merkel en présentant le Plan climat. Dépassant sa modestie légendaire, elle a cru devoir ajouter : « Et nous avons étudié tout ce qu’il est possible de faire ». En prétendant sauver le climat, avait-elle pour objectif premier de sauver sa part dans la « protection du climat et la transition énergétique », ou lui importait-il de sauver les meubles de la « GROKO » ?… Les paris sont ouverts !

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