L’économie allemande va-t-elle vaciller en 2016 ?

Alain Howiller analyse plusieurs sondages portant sur le climat de l’économie allemande. Le patronat allemand semble être gagné par le doute, la peur et une ambiance angoissée à cause de l’afflux de réfugiés.

Est-ce que le capitalisme sauvage de la mondialisation touchera déjà à sa fin ? Foto: r2hox from Madrid, Spain / Wikimedia Commons / CC-SA 2.0

(Par Alain Howiller) – Alors que sur le plan politique la «crise des réfugiés» s’intensifie sur fond de conflits au sein du mouvement chrétien-démocrate et sous la pression de la rue (Ami Hebdo, du 24 Janvier), le doute saisit les milieux économiques en ce début d’année 2016. Au «Das schaffen wir, Deutschland ist ein grosses Land» de la chancelière renvoyant d’un revers de main ceux qui doutent de la crédibilité de sa politique d’accueil des «réfugiés», les économistes commencent à opposer leurs doutes sur la réussite des opérations engagées. L’économie allemande tiendra-t-elle ?

Dans les prémices de ce qu’il faut bien appeler une inquiétude montante, il y a bien sûr les prévisions mondiales qui font état d’un ralentissement de l’économie : l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait déjà tiré la sonnette d’alarme en soulignant que 2016 connaitrait un ralentissement de croissance. La Banque Mondiale vient de confirmer ainsi que le Fonds Monétaire Internationale (FMI). Christine Lagarde, Directrice générale du FMI a souligné la situation de ce…  sobre commentaire : «la croissance sera décevante et inégale cette année dans le monde».

Quand le climat des affaires se détériore. – Du coup, le climat des affaires s’est détérioré en Allemagne et le moral des patrons a baissé selon l’institut «IFO für Wirtschaftsforschung» (Institut pour la recherche économique) de Munich : alors que la Banque Centrale d’Allemagne estime que l’économie ne se dégradera pas cette année et compte sur un taux de croissance de 1,8%, les patrons, au contraire, estiment que le ralentissement dans les pays à revenus élevés et en Chine pèsera sur leurs exportations et tassera la conjoncture, au moment où il faut faire face à l’afflux des réfugiés. Les secteurs de la construction de machine et l’automobile se sentent particulièrement menacés.

Le gouvernement fédéral vient, de son côté, d’abaisser ses prévisions de croissance, les ramenant de 1,8% à…. 1,7% (le niveau de 2015), les estimations sur l’évolution du chômage restant stables par rapport à 2015 et s’établissant autour de 6% taux bruts (entre 4,5 et 5% en taux corrigés des variations saisonnières), tandis que les exportations continueraient à progresser de 3,2%, contre +4,8% pour les importations. Rien de tragique, apparemment, qui expliqueraient les réserves patronales. D’autant que la plupart des «conjoncturistes» s’accordent pour estimer que les prévisions fédérales paraissent réalistes. Comment expliquer, dès lors, le relatif pessimisme des patrons allemands ?

Economie et consensus à l’allemande ! – Au-delà des prévisions sur l’évolution de la croissance mondiale, il y a incontestablement l’évolution du climat politique. Les divisions au sein du gouvernement et de l’opinion entre partisans et adversaires de la politique d’immigration prônée par Angela Merkel, la montée dans les sondages du mouvement d’extrême droite «Alternative für Deutschland – AfD», les mouvements de rue déclenchées par le mouvement anti-islam «PEGIDA» («Patriotes Européens contre l’islamisation de l’Occident») ou les «néo-nazis» créent un climat politique qui menace le traditionnel consensus sur lequel s’est bâtie l’économie d’Outre-Rhin.

Les conflits dans différentes parties du monde, la menace terroriste, l’instabilité du cours des monnaies, les problèmes intérieurs conduisent les chefs d’entreprise à être plus pessimistes que les «oracles officiels» : le nombre des pessimistes a doublé en un an et si, il y a un an, 28% des chefs d’entreprise avaient craint l’instabilité, leur nombre a passé à 57% cette année ! 60% d’entre eux considèrent qu’il y a davantage de risques pour la croissance dans les trois prochaines années !

Par ailleurs, la montée des «nationalismes» fait redouter une progression du protectionnisme économique qui pèsera sur le commerce extérieur : au point que certains n’hésitent plus, Outre-Rhin, à évoquer la perspective de la fin du phénomène de la… mondialisation !

Moins d’espoirs en 2016…. – Alors que d’après un sondage «Gallup», les deux tiers des salariés allemands ne redoutaient pas de perdre leur emploi, un tiers des entreprises estimaient devoir diminuer leurs effectifs en 2016 : un chiffre, il est vrai, à relativiser puisque 60% des entreprises continuaient à se plaindre d’un manque de personnel qualifié ! Parallèlement si, comme relevé plus haut, 60% des patrons considèrent qu’il y a plus de risques pour la croissance lors des trois années à venir, ce chiffre s’établit, en fait, à10 points en dessous des précédentes analyses !

Angela Merkel, constatant que les rentrées fiscales ont été, en 2015, supérieures de près de 16 milliards d’Euros aux prévisions, espère gagner son pari sur l’immigration, dont elle attend un «plus» au niveau de la consommation intérieure : c’est cette dernière, boostée par les moyens consacrés à l’accueil des réfugiés, qui, déjà, avait soutenu la croissance en 2015.

Beaucoup d’éléments contribuent à relativiser les craintes sur l’avenir de l’économie allemande : il reste cette crainte, obscure et sourde, de vivre avec l’afflux des réfugiés, une mutation de la société. Celle-ci fait peur, ici comme ailleurs. Dans un sondage réalisé pour le quotidien «Frankfurter Allgemeine» par l’Institut für Demoskopie Allensbach (installé près de Constance), seuls 41% des sondés ont répondu «oui» à la question «Abordez-vous 2016 avec davantage d’espoirs que de craintes» ?

Ils étaient encore 56% à répondre «oui» lors du sondage précédent… 82% des sondés redoutent une augmentation de la criminalité et de la violence, 74% craignent le terrorisme et 73% redoutent l’arrivée de davantage de réfugiés ! Le «climat psychologique» aura-t-il un effet sur la conjoncture économique et sur la croissance ? Personne encore n’a essayé de soupeser la réalité de cette menace-là !

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