Les 70 ans de la CDU : une «success story» appelée à durer ?

La CDU souffle ses 70 bougies - après avoir accompagné l’Allemagne après-guerre pendant sept décennies.

Pendant les 70 ans de l'existence de la CDU, il y a des choses qui se sont passées... Foto: Konrad Adenauer Stiftung / KAS-09 Plakat Bild-14844-1 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Le choix du site était déjà, en lui-même, un message : la «CDU» en retenant, pour fêter ses 70 ans, le «Centre événementiel – Ewerk» à Berlin, un ancien centre de production et de transformation de courant électrique datant de la fin du XIXème siècle, transformé en un moderne «centre de culture et de loisirs», rappelait qu’on pouvait transformer une ancienne structure de plus d’un siècle, en un endroit de facture contemporaine accueillant et ouvert sur l’avenir ! «La CDU veut être la maison de tous», avait déclaré un jour Angela Merkel lors d’un congrès du parti, «et», a-t-elle ajouté dans la brochure publiée à l’occasion des 70 ans du parti chrétien-démocrate, «nous sommes un parti qui sait construire des ponts entre les gens, nous aborderons avec confiance les défis auxquels nous aurons à faire face demain : la globalisation, la révolution numérique, le choc démographique !»

Au terme d’une «success story» de 70 ans, la CDU, dont l’idée fut lancée dès le… 26 Juin 1945 par un petit groupe d’amis (Konrad Adenauer en fera partie), qui fera d’elle le grand parti de l’après-guerre : elle ne perdra la chancellerie qu’à deux reprises, occupera le siège de chancelier(e) 46 années durant, malgré d’incessants changements de cap, malgré ses courants, malgré ses déchirures et ses compétitions entre candidats au(x) pouvoir(s) !

Angela Merkel dépassée par… Schäuble ! – Aujourd’hui, Angela Merkel passe pour être la femme la plus puissante du monde, d’après les sondages, la CDU réunit entre 40 et 42% des intentions de vote (contre 23 à 25% pour le SPD, 9 à 10% pour Die Linke, 10% pour les Verts et 6% pour le FDP), Wofgang Schäuble a (très provisoirement : grâce à… son attitude vis à vis de la Grèce !) ravi la première place d’homme politique le plus apprécié à sa chancelière qui se retrouve en troisième position derrière son Ministre des Affaires Etrangères, le SPD Frank-Walter Steinmeier, et la CDU, à 5 sièges près, a frôlé (une fois de plus) la majorité absolue aux dernières élections législatives faisant entrer 255 députés + 56 députés du «parti frère» la CSU) au Bundestag, contre 193 élus SPD, 64 députés pour «Die Linke» et 63 représentants des «Verts».

Et si Gerhard Schröder (SPD) est entré dans l’Histoire pour avoir restauré la «compétitivité de l’économie allemande» à travers notamment son «agenda 2010», les lois Hartz, c’est aux chrétiens-démocrates qu’on doit la reconstruction de l’Allemagne d’après-guerre, la création de la «République de Bonn» et le lancement de l’Europe unie (Konrad Adenauer, la fameuse «soziale Marktwirtschaft», née de l’ordo-libéralisme de l’école économique de Fribourg (Ludwig Erhard, Walter Eucken), l’Union Européenne, l’euro et la réunification (Helmut Kohl), la sortie du nucléaire ou l’abandon du service militaire obligatoire (Angela Merkel). Parti «chewing-gum», la CDU a su fédérer, réunir son camp, sentir le vent et s’y adapter, à l’image de la chancelière qui, malgré son surnom de «chancelière téflon», ne passe pas pour être d’une fermeté absolue, sauf lorsque les… sondages d’opinions l’y invitent ! Son «idéologie» souple et évolutive, se cristallise toutefois autour de quatre piliers : l’Europe unie, l’économie sociale de marché, la liberté, la paix.

Un «C» de trop pour la CDU ? – S’y ajoute un quatrième pilier, à la fois ancien et nouveau, redécouvert fortement dans le propos d’anniversaire d’Angela Merkel : le «christianisme» que symbolise le «C» du sigle «CDU». Il a fait l’objet de débats : certains militants avaient même souhaité sa disparition pour s’adapter à la société moderne et ne pas renoncer à l’adhésion des musulmans. Le parti frère, la «CSU», fortement ancrée dans son terreau chrétien-bavarois, a souvent reproché aux dirigeants de la CDU d’oublier leurs racines chrétiennes et de d’humanité. Devant les 600 invités à «l’Ewerk», Angela Merkel devait souligner l’importance qu’elle attachait au «C» : «Même du temps de la DDR, ce «C» représentait quelque chose à quoi on se rattachait !» Exit donc le débat sur le «C», qui du reste, garde une valeur symbolique forte et qui a réussi à fédérer «protestants» et «catholiques» ce que, par exemple, les partis français dits «chrétiens-centristes» n’ont jamais réussi à faire !?

Il n’empêche que les sondages révèlent que 53% des Allemands considèrent que la CDU défend moins bien que jadis, les valeurs chrétiennes et conservatrices, ce qui n’empêche d’ailleurs pas que 64% d’entre eux estiment que le parti a évolué à son avantage ! Alors exit aussi le débat, régulièrement relancé par la CSU, sur le point de savoir si la CDU restait un «grand parti populaire de masse», au centre du paysage politique ?

Une érosion régulière chez les membres ! – Là, rien n’est moins sûr ! Tout d’abord, élection après élections (hormis les élections fédérales), la CDU perd du terrain : elle n’est plus dans la gouvernance que de 6 Länder sur 16, elle vient de perdre (Dresde) la 15ème grande ville (de plus de 450.000 habitants) qu’elle dirigeait et non seulement elle perd des électeurs dans les scrutins régionaux et locaux, mais elle perd aussi des membres (voir eurojournalist.eu du 22 Juin et l’article sur les «Grandes manœuvres en Allemagne pour reconstruire le paysage politique»). Après la réunification, la CDU comptait, en gros, 790.000 membres : le SPD en comptait 940.000 ! En 2012, la CDU avait environ 480.000 membres (-40% par rapport à 1990). Dans le même laps de temps, le SPD avait perdu la moitié de ses membres, à près de 480.000 cotisants ! La CSU comptait, en 2013, 148.000 cotisants environ, «Die Linke» avait 64.000 membres, les «Verts» 60.000, la CDU 476.000 et le SPD 478.000.

L’érosion à la CDU est très légèrement plus forte qu’à la CSU ou au SPD ! Certains experts estiment que depuis la «Grande Coalition» les pertes sont plus fortes au SPD, reproduisant ainsi, un phénomène qui avait été déjà été observé après la précédente grande coalition (2005-2009) !

Un portrait peu flatteur ! – Dans ce contexte, alors que la CDU manque de candidats crédibles et qu’elle peine à se réformer, l’horizon 2017 ne peut qu’ouvrir la voie à une nouvelle candidature d’Angela Merkel. Ce sera sans doute la situation à court terme que le parti, 70 ans après sa fondation, sera contraint de retenir. Même si d’ici là l’image d’Angela Merkel, que Gertrud Höhler, une ancienne du parti appelle «Die Patin» (la «marraine»), pourrait se ternir. Sera-t-elle, une fois encore, seule contre tous ou un phénomène d’usure interviendra-t-il pour répondre au système mis en place par la chancelière ?

Un système nourri par la manie du secret, la méfiance, un certain goût pour la dissimulation héritée pour certains, de son expérience de la «DDR», un appel excessif à suivre les orientations de sondages d’opinion, pour lesquels, ici comme ailleurs, on dépense beaucoup d’argent. Les «hommes providentiels» (comme les femmes d’ailleurs) ne durent qu’un temps : mais cela peut durer longtemps !

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