Les alsaciens entrent toujours à reculons dans la «méga-région» de l’est !

Pour notre éditorialiste Alain Howiller, la campagne électorale pour les élections régionales a commencé avant de commencer...

Le regard fixé sur ses objectifs, l'Alsace avance en direction de la nouvelle "méga-région"... Foto: (c) Nevit Dilmen / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Les semaines passent et les échéances se précisent : les listes des candidats pour les élections régionales des 6 et 13 Décembre seront déposées à partir du 2 Novembre jusqu’au 9 Novembre midi. La campagne électorale en vue de ces élections qui désigneront les élus des 13 nouvelles régions qui succèderont à partir du 1er Janvier 2016 aux 22 régions actuelles, débutera le 23 Novembre jusqu’au 5 Décembre (minuit), pour le premier tour et elle se déroulera entre le 7 et le 12 Décembre (minuit) pour le deuxième tour.

Rares sont ceux qui pensent que l’élection pourrait être reportée à la suite de recours que plusieurs organisations, mais aussi le juriste Robert Hertzog et Daniel Hoeffel, ancien ministre de l’aménagement du territoire et des collectivités territoriales ont déposé au Conseil d’Etat pour non-respect de l’article 5 de la charte de L’autonomie locale établie par le Conseil de l’Europe, signée et ratifiée par la France. L’article stipule «pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet». En procédant à la fusion des régions (notamment le regroupement Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne), ni le gouvernement français, ni le Parlement n’ont respecté cette disposition. Dans un premier arrêté, le Conseil d’Etat ne s’est pas prononcé en référé (en urgence), comme le réclamaient les plaignants, renvoyant la décision (imminente compte tenu de la proche date de dépôt des candidatures) sur le fond de la plainte, à savoir l’obligation de respecter la charte du Conseil de l’Europe sur le devoir de consultation. * Mise à jour en bas de l’article !

Quand l’Etat ne joue pas réellement le jeu de l’Europe ! – Lors du premier examen des recours, les services du Premier Ministre ont fait valoir que, d’après eux, l’article 5 ne s’appliquait pas en l’état, que les collectivités avaient été informées, que la réforme territoriale ne portait pas atteinte aux droits et ne créait pas de droits spécifiques pour les particuliers. Daniel Hoeffel avait insisté lors des débats sur le respect de la Charte par l’Allemagne lors de la fusion du Brandebourg et de Berlin (la population du Brandebourg a refusé la fusion par référendum, ce qui a torpillé le projet) ou encore par la Suisse lors du projet (également abandonné) de fusion des cantons de Bâle-Ville et Bâle-Campagne ! En attendant la décision du Conseil d’Etat -qui a de très fortes chances de rejoindre les services du gouvernement, posant ainsi la question de savoir si, comme cela était le cas jusqu’ici, la valeur des Traités notamment européens étaient supérieure à la loi interne, les listes des candidats se font connaître, les campagnes se mettent en place, les argumentaires se peaufinent et les institutions en place (le CESER -voir eurojournalist.eu du 21 Octobre- ou encore le Conseil Régional d’Alsace), comme si la fusion du 1er Janvier était effectivement inéluctable (rares sont ceux qui en doutent !), prennent leurs dernières décisions et préparent leurs dernières assemblées plénières.

Dans le ciel de ce chamboulement territorial et institutionnel en perspective, le sondage auquel vient de procéder l’institut d’études de marché et d’opinion «Michel Brulé – Jean Pierre Ville et Associés (B.V.A.)» a jeté un énorme pavé qui n’en finit pas de faire des vagues. Le plus gros de ces pavés, le plus indigeste aussi pour la plupart des observateurs, a été incontestablement la révélation que, à quelques semaines du scrutin régional, le Front National de Marine Le Pen pourrait gagner les élections dans deux régions -Provence-Alpes Côte d’Azur et l’emblématique Nord-Pas de Calais-Picardie périmètre de de l’ancienne ministre socialiste Martine Aubry, fille de Jacques Delors et maire de Lille- tandis que la Droite, qui n’avait réussi qu’à conserver l’Alsace, en 2010, pourrait l’emporter dans huit régions, la gauche réussissant contrairement à toute attente, à garder la direction dans trois régions.

Le sondage des fausses victoires ! – Avant de commenter, peut-être un peu rapidement, les «victoires du FN», le «grand retour de la droite» ou la «stabilisation de la gauche», n’oublions pas qu’un sondage n’est que la photo d’une situation, un moment donné, que ce n’est pas l’élection, que celle-ci n’aura lieu que dans plusieurs semaines, que la campagne électorale n’a pas commencé et que les sondages ont montré que, pour 53% des électeurs, elle se jouera essentiellement sur des thèmes régionaux ce qui ne favorisera les représentants des partis (notamment extrême-gauche et, dans de nombreux cas, Front National) qui surfent sur des thèmes nationaux. N’oublions pas non plus que l’élection se fera en deux tours, les négociations entre les deux tours pouvant réserver bien des surprises comme les récentes élections départementales l’ont montré : alors qu’on prédisait une victoire du FN dans plusieurs départements, le parti de Marine Le Pen n’a finalement gagné aucune présidence ! Les batailles perdues sont, à coup sûr, celles… qu’on n’a jamais menées ! N’oublions pas non plus que seuls 27% des sondés de «BVA» iront voter pour sanctionner la politique incarnée par François Hollande que seuls… 8% affirment vouloir soutenir avec leur bulletin de vote !

Cela étant, la réforme territoriale engagée par le Président de la République, non sans arrière-pensées électoralistes (affaiblir le FN et la droite, limiter les dégâts à gauche) est loin de rallier tous les suffrages : 43% des Français ne se disent pas satisfaits de la réforme, contre 41% qui se disent satisfaits. Les sondés de l’Est du pays sont, selon le sondage «BVA» les plus mécontents : seuls 14% des Alsaciens se déclarent satisfaits de la réforme, alors qu’en Champagne-Ardenne seuls 29% sont satisfaits et qu’ils sont 30% à l’être en Lorraine ! La «méga-région de l’Est» polarise donc les mécontentements : l’Alsace tenant la palme du refus. Ce qui ne surprendra aucun de ceux -ou celles- qui ont pu suivre les manifestations hostiles à la réforme qui se sont développées ces derniers mois sur les rives du Rhin ! Les Alsaciens continuent d’entrer à reculons dans la région à venir !

Républicains, socialistes, FN : qui va gagner ? – Cette hostilité nourrira-t-elle le vote Front National de protestation, incitera-t-elle à l’abstention, sanctionnera-t-elle la gauche voire la droite dont la tête de liste -Philippe Richert, Président sortant du Conseil Régional d’Alsace (du parti «Les Républicains»), lequel, après avoir été hostile à la réforme, se présente pour devenir… le premier Président de la future «méga-région» ! Ses hésitations, ses louvoiements vont susciter la présence de listes dites «autonomistes» lors du scrutin des 6 et 13 Décembre. Ces listes risquent fort de peser sur le résultat du premier tour et de fragiliser (au profit du FN ?) le score du Président Richert. En attendant, le sondage «BVA» donne 31% des intentions de vote du premier tour à la liste de droite conduite par Philippe Richert, 30% (!) à la liste du FN conduite par Florian Philippot et 19% à la liste socialiste conduite par Jean-Pierre Masseret (Président sortant de la Région Lorraine). Au deuxième tour, la liste Richert recueillerait (en l’état actuel de l’opinion) 37% des suffrages, la liste socialiste (grâce notamment au report des voix écologistes et d’extrême gauche) obtiendrait 30% des votes et la liste du FN recueillerait 33% des votes !

Des perspectives à pondérer avec ce que j’écrivais plus haut et surtout à rapporter aux 32% d’indécis qui affirment n’avoir pas encore choisi leurs candidats du premier tour et aux 33% qui disent la même chose pour le deuxième tour ! Le développement économique et l’aide aux entreprises, la protection de l’environnement et l’amélioration du cadre de vie, le financement et la mise en œuvre de l’apprentissage et de la formation professionnelle, le développement des infrastructures de transport ferroviaire, la construction et la rénovation des lycées figurent, dans l’ordre, en tête des éléments que les électeurs disent prendre en considération pour opérer leurs choix ! C’est dire combien sera décisive la campagne électorale qui sensibilisera aux positions défendues par les uns et les autres. Elle commencera officiellement le 23 Novembre : mais on a le sentiment que cette campagne a, dans les faits, commencé déjà bien avant… l’été !

MAJ : * Comme prévu, le Conseil d’Etat  a rejeté, mardi, les recours présentés contre la réforme territoriale. Le Conseil a entièrement rejoint l’avis des services du Premier Ministre poursuivis pour non-respect de l’article 5 de la  Charte du Conseil de l’Europe  sur les collectivités locales. Le Conseil a estimé que l’information donnée aux collectivités par le gouvernement sur sa réforme était suffisante et que, en plus (une singulière approche !), le gouvernement n’avait pas obligation de… respecter la  Charte !

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