Relations transfrontalières – quand les Suisses prennent les commandes !

Alain Howiller revient sur la dernière réunion du Conseil Rhénan, ce conseil d'élus des trois pays de la région du Rhin Supérieur. Qui ne brille guère par son efficacité...

Le Rhin produit cet automne des images bien plus belles que celle que donnent les nombreuses instances transfrontalières... Foto: Friedrich Böhringer / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.5

(Par Alain Howiller) – Décidément, les séances plénières du Conseil Rhénan, instance transfrontalière créée officiellement en 1997 par les élus d’Alsace, du Bade-Wurtemberg et des cantons de la Suisse du Nord-Ouest (Argovie, Bâle, Jura, Soleure), se suivent et se… ressemblent : beaucoup d’absents, du retard pour le début de la séance, unanimité pour les rapports présentés, peu d’interventions ou de questions venues de l’assemblée et… fixation du calendrier des deux rencontres statutaires prévues dans l’année qui vient !

Pourtant, la réunion qui vient d’avoir lieu au siège de la Région Alsace à Strasbourg aurait pu inciter à plus assiduité : n’était-ce pas la dernière réunion avec une Alsace institutionnelle qui disparaîtra le premier Janvier dans le cadre de sa fusion avec la Lorraine et Champagne-Ardenne ? N’était-ce pas la dernière réunion des élus du groupe du Bade-Wurtemberg dont une partie ne viendra plus siéger après les élections pour le renouvellement de la diète du Land en Mars prochain ? N’était-ce pas la dernière rencontre présidée par le Président de la Région Alsace Philippe Richert dont la présidence s’achève avec la fin de l’année, en application du principe d’alternance annuelle fixée par le Conseil Rhénan ? La désignation d’un nouveau président aurait également pu (du ?) contribuer à susciter davantage d’intérêt auprès des des 71 membres de l’instance transfrontalière.

Conseil Rhénan et Conférence du Rhin Supérieur ! – C’est Helmut Hersberger, membre du Parlement de Bâle-Ville, qui succédera l’année prochaine à Philippe Richert. Cette élection engagera une convergence intéressante avec la «Conférence du Rhin Supérieur», l’instance parallèle qui regroupe, elle, les représentants des trois états impliqués dans le Rhin Supérieur : en effet, c’est aussi un Suisse qui devrait prendre la présidence de la «Conférence» lors de la prochaine rencontre de cette instance, le 27 Novembre. Cette convergence apportera-t-elle une contribution décisive à la difficulté inhérente à l’existence de deux structures, incarnant toutes les deux l’activité transfrontalière ? Autrement dit, trouvera-t-on enfin le compromis qui permettra une coopération -en lieu et place d’une certaine concurrence- entre la «Conférence», instance intergouvernementale et le «Conseil», instance politique composée d’élus ?

Présidente actuelle de la «Conférence du Rhin Supérieur», Madame N. Kressl, Regierungspräsidentin (-préfet-) à Karlsruhe, devait présenter un rapport sur la «Coopération», maintes fois réclamée, entre les deux instances transfrontalières : en son absence, c’est Philippe Richert qui présentera les grandes lignes du rapport.

Encore laisser du temps ! – Rappelant que devant la multiplicité (voir eurojournalist.eu du 17 Juin) des structures, il serait souhaitable de procéder à des rapprochements qui rendrait la coopération transfrontalière plus compréhensible, plus lisible pour le citoyen, le président de la Région Alsace annonce quelques (timides) «avancées» sur le plan de la convergence. Les deux instances ont désigné des «rapporteurs techniques» chargés de faire des propositions pour bâtir une stratégie commune de communication. Sur internet, un «portail commun» renverra, dans un premier temps (!), sur les sites des deux instances, dont la présentation sera homogénéisé. Un listing commun des médias sera établi. Début 2016, une réunion entre les présidents des commissions de la «Conférence» et du «Conseil» devrait aboutir à fixer un calendrier commun de réunions voire (nuance!) des… réunions communes !

On espère que tout cela débouchera sur un secrétariat commun ! En soulignant lors de la réunion précédente du «Conseil» qu’il «fallait laisser du temps au temps», Philippe Richert ne croyait sans doute pas si bien dire.

Trois axes de travail, mais pas de nucléaire ! – Le fait que et la «Conférence du Rhin Supérieur» et le «Conseil Rhénan» auront un président suisse facilitera-t-il les rapprochements ? Même si Helmut Hersberger a affirmé vouloir poursuivre sur le chemin des rapprochements, rien n’est moins sûr. Le nouveau président du «Conseil Rhénan» a fixé, pour son action 2016, trois axes majeurs fortement marqués -cela ne peut échapper aux observateurs- par les préoccupations… de la Confédération Helvétique. Premier axe : le présent et l’avenir de l’aéroport de Bâle-Mulhouse. Deuxième axe : les problèmes liés à la liberté de circulation (notamment celle des frontaliers) et enfin, troisième axe, la coopération dans le Rhin Supérieur en cas de catastrophes. Rebondissant sur ce thème, l’élue écologiste Andrée Buchmann aurait aimé qu’un quatrième axe porte sur l’approche des problèmes énergétiques avec notamment le sort réservé à Fessenheim et aux centrales nucléaires suisses. Refus du président car «avec trois axes, nous avons déjà assez de travail !»

La prise de fonction du président sera l’une des deux seules allusions à la réforme territoriale française : remerciant Philippe Richert, petits cadeaux à l’appui, pour son action à la tête du «Conseil Rhénan», Helmut Hersberger s’est déclaré persuadé que la nouvelle offrirait des opportunités à l’Alsace en qui il a confiance. En accueillant ses hôtes, Philippe Richert de son côté, avait simplement souligné que la salle qu’ils connaissaient avait été aménagée pour recevoir les 169 nouveaux élus (au lieu des 47 élus alsaciens du conseil actuel) de la région «Est». Strasbourg, en effet, accueillera le 4 Janvier, la nouvelle assemblée sortie des urnes, les 6 et 13 Décembre, dates des élections régionales.

Alsace – Bade-Wurtemberg : Faciliter les examens en «IRM». – Avant de se séparer, les membres du Conseil Rhénan ont adopté (à l’unanimité) des vœux qui seront transmis aux autorités compétentes et aux membres de la «Conférence du Rhin Supérieur». Un premier vœu porte sur le souhait du Conseil Rhénan d’être mieux informé des priorités que la Conférence du Rhin Supérieur donne aux projets d’infrastructure de transport susceptibles de bénéficier des concours financiers européens (programme «Interreg V», dont les dotations bénéficient d’une «augmentation substantielle».

Deuxième résolution adoptée : celle concernant le «souhait de voir réduits les obstacles administratifs qui compliquent les parcours de soins transfrontaliers», la réduction substantielle des temps d’attente pour un examen «IRM» en Alsace. Une réduction qui pourrait être obtenue grâce au recours à des examens exécutés en Bade-Wurtemberg (mieux équipé que l’Alsace). Le Conseil demande la suppression de l’autorisation préalable des soins. Le régime d’autorisation «ne peut être justifiée que s’il est nécessaire et proportionné selon le droit européen». Le Conseil, enfin, estime que les «délais de remboursement des soins sont trop longs…».

Conduite accompagnée à partir de 17 ans ! - Pour le plus grand bénéfice des patients alsaciens, le Conseil souhaite que les délais d’accès aux examens par IRM soient réduits :

- en conventionnant avec les cabinets de radiologie allemands disposant de tels équipements et d’une équipe médicale bilingue dès qu’ils appliquent les tarifs français du secteur 1 sans dépassement et qu’ils rédigent les comptes rendus en langue française ;

- en supprimant le régime d’autorisation préalable exigé par les autorités françaises dans le cas d’examens d’imagerie médicale dispensés en Allemagne”(1) ;

Espérons que ces vœux soient autre chose que des vœux pieux et qu’ils soient pris en compte très rapidement tout comme le dernier souhait exprimé par le Conseil : celui ci concerne la conduite accompagnée à partir de 17 ans. Elle est autorisée aussi bien en Allemagne qu’en France (mais interdite en Suisse) : mais ceux qui la pratiquent ne peuvent… franchir la frontière ! Le Conseil demande que cette restriction soit supprimée.

Il serait surprenant que le Conseil Rhénan, qui continuera imperturbablement à brasser… des résolutions, voit ses souhaits satisfaits : en tous les cas il est peu probable qu’ils le soient d’ici à la prochaine rencontre fixée au 6 Juin 2016 !

(1) Au cours de sa réunion plénière, le Conseil a écouté un exposé de Martine Mérigeau, directrice du Centre Européen de la Consommation (Bahnhofsplatz 3 – D-77694 Kehl) qui a produit plusieurs études sur ces problèmes de santé transfrontaliers et qui est disposé à faire profiter les «patients» de ses conseils ou de son intervention en cas de difficultés. (info@cec-zev.eu ou pour consulter le site www.cec-zev.eu).

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