La région du « Grand Est » – avec ou contre l’Eurométropole de Strasbourg ?

Alain Howiller se penche sur la relation entre la nouvelle grande région et l’Eurométropole Strasbourg – et les perspectives de développement.

En rouge, le "Grand Est" - une entité toujours remise en question, mais qui prend quand même son envol. Foto: Bayo, Herr Satz / Wikimedia Commons / PD

(Par Alain Howiller) – Un peu moins de huit mois après leur mise en place, au 1er janvier de cette année, les nouvelles régions s’affirment et, symbole fort, elles ont toutes trouvées le nom sous lequel elles veulent être reconnues désormais : certes pour cinq d’entre elles qui n’avaient pas été touchées par une fusion, les noms étaient tout trouvés. Mais pour les 7autres, nées d’une fusion qui a ramené de 22 à 13 le nombre des régions, il a fallu trouver une appellation nouvelle. La tâche était loin d’être aisée car -c’est une lapalissade- il fallait, dans la plupart des cas, renoncer à un nom facteur et révélateur d’identité pour s’effacer derrière une dénomination qui peinait à provoquer une adhésion enthousiaste.

L’exemple de l’Alsace et de sa voisine -la Lorraine- est révélateur à cet égard : il n’a pas été facile aux Alsaciens et aux Lorrains de renoncer à une dénomination historiquement connotée pour se ranger sous la bannière du nouveau nom : Grand Est ! D’autres reflètent, elles aussi, des débats souvent passionnés : il y a des « classiques » comme Centre-Val de Loire, Provence-Côte d’Azur ou Bretagne, mais il y a aussi des tentations innovatrices avec des noms comme « Hauts de France » (capitale : Lille), « Nouvelle Aquitaine » (capitale : Bordeaux) ou encore « Occitanie » (capitale : Toulouse).

Rendez-nous l’Alsace : le Grand Est toujours contesté ! – Ce n’est pas un hasard si les régionalistes alsaciens ont tenté un recours devant le Conseil d’Etat contre l’appellation de « Grand Est » désignant désormais la nouvelle région Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine. Il est vrai qu’en l’occurrence c’était moins le nom que la création de la région qui était en cause : les « plaideurs », après avoir échoué à remettre en cause la fusion devant ce même Conseil d’Etat, ont essayé par le biais de la contestation du nom au prétexte que les Conseils Généraux n’avaient pas été consultés de mettre en cause un rapprochement qui continue à être contesté par beaucoup d’Alsaciens.

Laurent Furst, député « Les Républicains » de l’arrondissement de Molsheim, Président de la fédération du Bas Rhin de son parti, a lancé le mouvement « Rendez-nous l’Alsace » dans l’espoir de faire naître un « Conseil d’Alsace » regroupant les deux départements alsaciens, en alternative à la région « Grand Est ». Une action qui pourrait bien marquer une opposition a Philippe Richert, l’actuel président du Grand Est, à qui on reproche d’avoir trop vite intégré la nouvelle structure pour en devenir le président. Tout porte à croire qu’en Alsace, le « Grand Est » sera au cœur de la campagne présidentielle de l’année prochaine !…

Cela n’empêche pas que les rouages de l’Etat s’adaptent rapidement aux nouvelles structures et que le Président de l’ancienne région Alsace se soit retrouvé à la tête du « Grand Est », puis d’être élu président de « l’Association des Régions de France (ARF) » !

Et pourtant la grande région s’installe ! – Cela n’empêche pas non plus la mise en place par les élus du Grand Est d’une réorganisation de l’administration régionale très décentralisée adaptée à la région, de doter le Grand Est d’un budget, de commencer à élaborer le « Schéma Régional de Développement Economique, d’Innovation et d’Internationalisation » qui tracera les axes du futur de la région. Cela n’empêchera pas le Président de l’ARF de signer avec l’Etat (avec la création d’une nouvelle taxe contestée au point de provoquer une crise à l’intérieur de l’ARF !) un accord sur les nouvelles missions des régions et sur la mise en place d’un nouveau « pacte » de lutte contre le chômage par la formation professionnelle (voir eurojournalist.eu des 8 Juin et 13 Juillet). Tout cela sent la « pérennisation » de structures que d’aucuns espèrent toujours (sans doute en vain !) voir contestées après une éventuelle alternance politique après les élections présidentielles et législatives de l’année prochaine.

Mais la réforme régionale n’est qu’un volet de réformes plus larges qui touche, à travers la loi NOTRE promulguée il y a un an, les compétences (notamment économiques) des régions, le rôle et la mission des départements, le développement de l’intercommunalité qui vise à rapprocher les communes sans les fusionner, le rôle des métropoles. Ces dernières au nombre de 15 actuellement (dont l’Eurométropole Strasbourg et le « Grand Nancy » pour le Grand Est). La tâche ne sera pas facile pour définir la cohabitation, la répartition exacte des rôles entre les régions, les intercommunalités et les « métropoles ». D’autant que ces dernières se sont vues attribuées des missions définies, au début de l’été, dans un accord intitulé « Pacte Etat-Métropoles-L’innovation urbaine au cœur du développement territorial » et signé par les représentants des métropoles et le Premier Ministre Manuel Valls.

Strasbourg ou le poids d’une métropole. – Président de l’Eurométropole Strasbourg, Robert Herrmann, par ailleurs adjoint au Maire de Strasbourg, commente ainsi cet accord : « Les métropoles françaises sont des locomotives des économies régionales. Elles portent une part essentielle du dynamisme de la France. Les quinze métropoles et leurs agglomérations réalisent la moitié du PIB français, rassemblent 43% de l’emploi et déposent 70% des demandes de brevets alors qu’elles ne comprennent que 39% de la population ». Et Robert Herrmann de souligner encore : « Je me réjouis que l’Etat mette en place une stratégie nationale de développement des métropoles par leur mise en réseau plutôt que par une mise en concurrence entre elles. C’est par le partenariat que nous parviendrons à gagner une envergure égale à celle de Francfort, Genève, Milan ou Barcelone ».

Manuel Valls, de son côté, précise : « Les métropoles ne sont pas un club, elles sont une équipe qui fait gager la France… Avec leur nouveau statut, l’Etat a voulu leur permettre d’aller plus loin et d’être à l’avant-garde de l’innovation économique, écologique et sociale…. L’Etat et les métropoles s’allient. Et le « pacte » de définir (avec le concours de 150 millions d’euros venant des fonds publics) un certain nombre de projets « metropolitains » pour l’Eurometropole, il s’agit expressément de la création d’un « éco-parc de ré-industrialisation » sur les 600 hectares du site de l’ancienne raffinerie Reichstett, au nord de l’agglomération strasbourgeoise.

Aider les « forts » plutôt que les « faibles » ? – Mais bien que le « pacte » ait pris soin de préciser que la « démarche a vocation à s’étendre à d’autres grandes agglomérations », la signature du texte a lancé une polémique qui s’est renforcée avec la publication par « France Stratégie » d’un rapport 2017/2027 qui suggère à l’Etat d’investir…. dans les métropoles plutôt que dans les zones à déclin ! L’émotion suscitée par ce texte s’explique d’autant mieux que « France Stratégie » est, en fait, un « think tank », un organisme de réflexion, d’expertise et de conseils placé auprès du…. Premier Ministre. Sa mission est : « évaluer, anticiper, débattre, proposer » !

Pour lutter contre les inégalités territoriales qui se sont amplifiées entre 2000 et 2013, l’organisme propose, plutôt que de saupoudrer les aides, de concentrer dans l’agglomération parisienne, dans les métropoles et leur pourtour, les activités à haute valeur ajoutée et les personnels qui en relèvent ! Le « think tank » et son président estiment que : « La politique traditionnelle d’aménagement du territoire a longtemps visé à redynamiser par l’investissement les territoires en déclin… Or les évolutions économiques récentes amènent à repenser cette orientation… Il faut miser sur la dynamique de métropolisation, on n’a pas le choix, même si elle est douloureuse pour les territoires… ».

Valls bientôt à Strasbourg. – L’Etat devra s’appuyer sur les régions, les métropoles, les collectivités territoriales pour corriger les inégalités. Le tournant que ces projections représentent et qui constituent une sorte de révolution par rapport aux idées défendues, dès 1947(!) par J.F. Gravier le père de l’aménagement du territoire auteur de « Paris et le Désert Français » ne pouvait laisser indifférents ceux que la « fracture territoriale » et la désertification des services publics dans les territoires (notamment ruraux) ne laissent d’inquiéter.

Gageons que le débat, le rôle qu’auront à jouer les métropoles avec (ou face) aux régions, aux départements et aux inter-communautés rebondira, dans quelques jours lorsque -le 2 Septembre- Manuel Valls viendra inaugurer la Foire Européenne de Strasbourg !

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