Les champions de la liberté de la presse

Le monde occidental réclame (à juste titre) la libération du journaliste américain Evan Gershkovich, arrêté en Russie. Mais pourquoi le monde ne réclame pas la libération de Julian Assange ?

A l'Est comme à l'Ouest, ils se valent presque quand il s'agit de la liberté de la presse... Foto: Alisdare Hickson / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Le monde occidental s’offusque à juste titre de l’arrestation du journaliste américain Evan Gershkovich, qui travaille entre autres, pour le « Wall Street Journal ». Les autorités russes lui reprochent d’être un espion, le même reproche que l’on fait à de nombreux journalistes dès lors que leurs investigations commencent à gêner. Ainsi, Evan Gershkovich est devenu une monnaie d’échange, comme avant lui la basketteuse américaine Brittney Griner ou, dans l’autre sens, le trafiquant d’armes russe Viktor Bout. Probablement, d’ici quelques mois, Evan Gershkovich sera échangé contre des détenus russes dans des prisons occidentales. Mais Evan Gershkovich aurait pu tomber pire – s’il avait été arrêté en Grande Bretagne. Comme un certain Julian Assange qui lui, est poursuivi et privé de liberté depuis 11 ans par les mêmes qui aujourd’hui, versent des larmes de crocodiles en ronronnant qu’il faille protéger la liberté de la presse et les journalistes.

Le président américain Joe Biden s’est montré outré par l’arrestation du journaliste Gershkovich, le ministre des affaires étrangères Antony Blinken a appelé son homologue russe Sergeij Lavrov, mais ce dernier n’a rien voulu entendre, tout en indiquant que la justice russe allait trancher dans le cadre d’une procédure et en soulignant qu’il s’agissait d’une affaire russe qui ne souffrirait aucune ingérence depuis l’étranger. Fin de non recevoir.

En espérant qu’Evan Gershkovich retrouve rapidement la liberté, il faut admettre qu’on ne sait pas grande chose sur ce cas. Par contre, on sait tout sur le cas Julian Assange. On sait qu’il a dévoilé au monde entier des crimes de guerre commises par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan. On sait qu’il a été victime d’un coup montré en Suède où on lui reprochait à tort d’avoir violé deux femmes (la procédure, au bout de 8 ans, s’était soldée par un non-lieu, car toute l’histoire était montée de A à Z pour que les Américains puisse lui mettre la main dessus). On sait que Julian Assange a du se réfugier pendant 8 ans à l’ambassade de l’Equateur à Londres, jusqu’à ce que la police britannique ne le sorte manu militari pour l’enfermer dans la prison de haute sécurité de Belmarsh. On sait depuis les nombreuses procédures concernant l’expulsion de Julian Assange vers les USA que le CIA avait déjà préparé des plans d’enlèvement, le cas échéant l’assassinat du lanceur d’alerte. On sait qu’aux Etats-Unis, 175 ans de prison attendent Julian Assange. On sait que la Grande Bretagne torture Julian Assange par des méthodes de détention décriées par le chargé anti-torture de l’ONU. On sait que l’état de santé de Julian Assange s’est dangereusement dégradé. Alors, quand est-ce que Antony Blinken appellera son homologue britannique pour demander la libération immédiate et sans condition de Julian Assange ?

Tant que Julian Assange est incarcéré en Grande Bretagne, tant qu’un lanceur d’alerte comme Edward Snowden est recherché par les autorités britanniques, il est inutile d’organiser des conférences et de discuter des lois visant la protection des lanceurs d’alerte.

Le cas d’Evan Gershkovich nous rappelle que les Russes ne soient pas les seuls à violer les Droits de l’Homme, à piétiner la liberté de la presse, à mettre en danger des journalistes. Mais ce « deux poids, deux mesures » laisse même paraître les interventions en faveur d’Evan Gershkovich comme une grande hypocrisie. Car la liberté et l’indépendance de la presse sont des concepts qui donnent des sueurs froides à ceux qui pourrissent aujourd’hui le monde, qu’ils se trouvent à l’Est, qu’ils se trouvent à l’Ouest. 11 ans privé de liberté pour avoir dévoilé la vérité – il est grand temps de libérer et de dédommager Julian Assange !

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