Les Ecornifleurs au Parlement européen

Bombance au Parlement Européen ! Foto: Denis Bergeret-Pascal-Radigue / Wikimédia Commons / CC-BY-SA / 4.0int

(MC) – On a appris voici quelques jours que la fraction des populistes démagos, l’ENL (Europe des Nations et de la Liberté) avait dépensé en 2016 une somme sidérale pour verser le champagne à flots, engloutir des menus fins à foison et éclabousser de cadeaux de Noël collaborateurs et surtout, collaboratrices.

La présidence du Parlement européen a demandé à la fraction ENL de lui expliquer un peu ces dépenses mirifiques et somptueuses. Des niagaras de champagne à Strasbourg ? Un père Noël bling bling descendu du Ciel ? Antonio Tajani, le président du Parlement et ses 14 représentants ont sommé la fraction de répondre aux accusations de la Commission de contrôle budgétaire. Les démagos populistes, en effet, ont dépensé plus de 427 000 euros pour ces petits plaisirs de satrapes, en dehors de toute règle et souvent, sans factures manifestes…

La fraction ENL se compose du Front National français, du FPÖ au pouvoir en Autriche actuellement (un parti naguère catholique et conservateur qui a considérablement glissé à droite ces dix dernières années, démagogie électorale aidant), du PVV néerlandais de Geert Wilders, des beaufs riches de la Ligue du Nord, du Vlaams Belang, de l’ex-UKIP Janice Atkinson qui fut condamnée pour malversation, et puis de l’Allemand Marcus Pretzell de l’AfD. Cette énumération hideuse évoque irrésistiblement la pêche aux écrevisses de notre enfance, quand les charmants animaux gigotaient au fond d’un petit panier et se pinçaient entre eux.

L’une des motivations de la création de ce groupe, le 16 juin 2015 (36 membres, 4,8% de l’ensemble des députés européens), c’est le souci de l’apparence : le groupe, typique d’une certaine droite populiste bourgeoise, veut n’être pas assimilé aux partis d’extrême droite ; il ne veut pas qu’on le confonde avec les voyous voyants hélléniques d’Aube Dorée, ou avec ceux de Jobbik, ces mal élevés qui circulent en uniformes de couleur stercoraire dans les rues de Bucarest, ni avec ceux du NPD ou du KNP polonais dont les dirigeants se distinguent par leur misogynie grossière et leur xénophobie arrosée. – Ah non ! Nous mêmes, dans l’ENL, nous savons nous tenir ! Et nous nous sommes réunis quand le vilain Jean-Marie Le Pen et ce boit-sans-soif de Janusz Korwin-Mikke ont culbuté par la porte arrière. Ils n’étaient pas présentables, avec leurs insultes et leur antisémitisme. Vraiment trop vilains.

Le Parlement accorde à chaque fraction une somme annuelle dont le montant dépend du nombre de ses membres. Cette somme est destinée à couvrir les frais du personnel, des traducteurs, des bureaux, parfois ceux de petits cursus de formation continue, et les dépenses pour les invités aux réunions politiques, en général plutôt nombreux. Dans le cas de l’ENL, on est dans un dépassement très manifeste !

L’idéologie de ce groupe parlementaire et du parti politique  référent, le MENL (Mouvement Européen des Nations et de la Liberté) est faite de souverainisme (à des degrés divers), d’islamophobie, de xénophobie anti-migrants ; les représentations (sinon les conceptions) économiques sont très incertaines, allant d’un interventionnisme dur à un libéralisme débridé. Un fait frappant – mais nullement surprenant chez ces fans du machisme politique et de la dictature populiste : leur soutien constant  à Vladimir Poutine. De juillet 2014 à juillet 2015, 93% de leurs votes s’opposent aux résolutions défavorables au nouveau Tsar. En France, on connaît la vénération rétribuée du FN à l’égard du chef du Kremlin, et ce n’est pas Nicolas Bay, le président FN du groupe ENL, qui nous démentira.

En tout cas, on admirera la constance de la vie politique (et des types psychologiques) : on a vu sans cesse, depuis le début du 20e siècle, des matamores jouer du biceps et beugler : Tous pourris ! Et appeler à une simplicité et à une exemplarité catoniennes, et puis… faire tout le contraire, et donner le pire spectacle qu’il soit donné de voir dans l’espace public politique. Nul besoin de citer des noms. Ils sont célébrissimes, ceux qui nettoient le nid pour mieux le salir de leurs fientes.