Les entreprises allemandes aiment toujours s’installer en France !
Alain Howiller analyse la présence d’entreprises allemandes sur le sol français. Est-ce que la crise de la Covid-19 pourra inverser la tendance ?
(Alain Howiller) – Depuis dix ans, la « Chambre franco-allemande de Commerce et d’Industrie », fondée en 1955 et qui compte aujourd’hui 850 adhérents-entreprises et institutions, et le cabinet « EY », un des leaders mondiaux de l’audit et du consulting, procèdent à une enquête auprès des entreprises allemandes installées en France. Les deux partenaires publient tous les deux ans le résultat de leurs investigations : le rapport 2020 vient de sortir sous le titre « Les entreprises allemandes en France : situation économique et perspectives 2020-2024 ». L’analyse prend évidemment un relief particulier dans le contexte d’une période bouleversée par l’irruption de la Covid-19.
D’emblée, tombe ce satisfecit du à Patrick Brandmaier, Directeur Général de la Chambre qui souligne : « La crise sanitaire a durement frappé l’économie française. Mais les programmes d’aide publique et le plan de relance visent à moderniser le pays. Grâce à la volonté de l’Etat d’investir, en temps de crise, dans des technologies prometteuses, le marché français reste attractif pour les entreprises allemandes. » Peter Bichara, dirigeant de Siemens, ajoute de son côté : «… les grands projets… et le lancement du plan ‘France Relance’ début Septembre, devraient contribuer à la reprise. La France demeure clairement un pays attractif et important pour le groupe Siemens. » Et Heiko Carrie (Bosch) de renchérir : « Pour avancer, la coopération franco-allemande ou européenne, sous l’impulsion du moteur franco-allemand, est indispensable. Cela doit rester une priorité pour l’avenir. »
Le « Grand Est » en pôle-position ?… – Pour situer l’importance de l’approche des entreprises venues d’Outre Rhin, rappelons que 2.500 entreprises en France sont contrôlées par des investissements allemands : elles emploient 320.000 salariés (3.640 emplois supplémentaires ont été créés en 2019). Parallèlement, les entreprises françaises installées en Allemagne employant, quant à elles, près de 400.000 salariés. L’Allemagne, derrière les USA, est le deuxième investisseur étranger en France.
« Les entreprises allemandes sont nombreuses dans le Grand Est (l’Alsace en compte plus de 400 de ces entreprises)(1) et la Région Grand Est », souligne Brigitte Barouky (EY), « qui est toujours une place attractive pour les groupes allemands et elle est une zone de forts d’investissements, ses entreprises démontrant leur capacité d’amélioration continue et leur créativité par rapport à la concurrence de pays dits ‘low costs’. La crise sanitaire -et son rebond actuel- va-t-elle bouleverser cette approche, alors qu’en 2019, le degré de satisfaction des entreprises allemandes installés en France avait progressé de… 5 points par rapport à l’année précédente ?
2022 : retour à la… « normalité » ? – L’analyse faite par les auteurs du rapport de la chambre de commerce franco-allemande souligne qu’un tiers des entreprises (33%) interrogées vont maintenir voire augmenter leurs embauches malgré la crise : seuls 10% vont reporter à 2022 leurs projets de création de postes. 45% sont optimistes pour l’avenir de leurs établissements à l’horizon 2022/2024.
Selon les sondages menés auprès des industriels, 22% des entreprises ne veulent pas changer leurs projets d’investissement en France, 11% vont les reporter à 2022 que l’intégralité du monde économique s’accorde à considérer comme devant être l’année du retour à la normalité. Cependant, 7% des entreprises vont renoncer à leurs projets d’investissements. Mais si, malgré la crise qui a seulement épargné le chiffre d’affaires de 10% des entreprises(!), la France reste, en Europe, la destination préférée des investisseurs allemands, il y a bien des raisons à cela.
Forces et faiblesses d’une installation en France. – Pour le rapport, « la France conserve ses points forts : taille du marché, infrastructures, formation des ingénieurs, Crédit Impôt Recherche (CIR) et tout particulièrement l’innovation et la créativité. » La démographie favorable, ses jeunes, constituent d’autres atouts face à une Allemagne qui vieillit et où la démographie peine à se redresser.
Mais si, compte tenu des efforts déployés ces dernières années par les pouvoirs publics, le poids des charges sociales et de la fiscalité pèse moins dans les décisions d’investir, les obstacles restent nombreux : « Les principaux freins à l’attractivité de la France restent la complexité administrative, l’absence de prévisibilité des décisions d’ordre légal ou règlementaire et l’application parfois excessive du principe de précaution », estime Benoît Rabilloud (groupe Bayer). La gestion de la pandémie vient, hélas !, confirmer ce diagnostic peu réjouissant. Bref, la France fait bien, mais elle peut mieux faire, estiment les chefs d’entreprises allemandes installés de ce côté-ci du Rhin !
(1) Voir eurojournalist.eu du 21.12.2016.
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