Lettre ouverte aux amateurs de Foie Gras

Marie-Françoise Hamard, militante pour la protection des animaux depuis 40 ans, rappelle que certains délices de la table festive coûtent chers – aux animaux qui souffrent.

Le gavage, torture des animaux pour quelques secondes de plaisir gustatif... Foto: L214 Ethique & animaux / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Marie-Françoise Hamard) – Noël et le Nouvel An approchent et vous salivez d’avance à l’idée des mets savoureux dont vous allez vous régaler. Ce plaisir, dont vous vous réjouissez sans plus réfléchir, il vous est offert grâce au sacrifice de milliers d’animaux qui, comme vous, auraient pourtant aimé vivre : chevreuils, cerfs, biches, sangliers, veaux, cochons, lapins, cailles, oies et canards, pigeons, poissons, homards ou langoustes : aucun n’en réchappe. Pourtant, comme chaque année depuis l’enfance, vous continuerez à les manger sans état d’âme, sans vous poser de question ni envisager de remettre en cause vos habitudes alimentaires.

Pourtant, avant de vous mettre à table, le moment n’est-il pas enfin venu, à l’aube de cette troisième décennie du siècle, de songer à l’immense souffrance que nous prenons le droit de faire endurer aux animaux pour notre seul plaisir ?

Il est vrai que sont de plus en plus nombreux ceux qui sont choqués par tant d’indifférence à l’égard du monde animal. Un monde que nous nous sommes approprié, que nous avons réduit en esclavage et faisons souffrir sans vergogne ni remords. Cette minorité pionnière a pris conscience de la nécessité de faire changer les choses en décidant de remettre en cause son regard sur les animaux. Et vous ?

J’adresse aujourd’hui cet appel à votre intelligence et à votre cœur, certaine que vous êtes curieux, de bonne volonté et persuadés que seuls les imbéciles ne changent ni d’avis ni d’habitudes. Ainsi, pour la première fois de votre vie peut-être, après avoir lu ces lignes, déciderez-vous, dans quelques jours, de bannir de vos assiettes le traditionnel foie gras ? Car c’est de lui dont il est question…

Vous le connaissez bien, ce si célèbre mets de fête. Vous l’avez toujours vu sur la table familiale le jour de Noël, sur celles des amis ou du restaurant le Jour de l’An. Vous le dégustez et vous l’offrez sans vous poser de questions. Vous n’en connaissez que le délicieux côté jardin. Laissez-moi vous parler du sordide côté cour.

Savez-vous comment est produit le foie gras ? Oui bien sûr : par le gavage des canards et des oies. Naturellement, enfoncer de force un embuc de 20 centimètres dans la gorge de ces oiseaux, vous pensez sans doute que c’est juste un mauvais moment à passer… Et d’ailleurs, je gage que vous n’y pensez même pas !

Chaque année, rien qu’en France, plus de 20 millions de canards et 1 million d’oies sont destinés à la production de foie gras. Uniquement les mâles toutefois, car leur foie serait, paraît-il, meilleur. On ne s’embarrasse donc pas des femelles : on s’en débarrasse sans état d’âme, en les broyant vivantes ou en les étouffant dans des sacs poubelles.

Les mâles, dès qu’ils ont atteint l’âge de 3 mois, sont gavés 2 fois par jour pendant 2 à 3 semaines, par pompe hydraulique ou pneumatique, à l’aide d’un embuc métallique d’une vingtaine de centimètres enfoncé dans leur œsophage.

Avez-vous eu le courage d’assister à cette pratique, de voir de vos propres yeux la souffrance des animaux torturés ? Car ne mâchons pas nos mots, ne nous voilons pas la face : c’est bien de torture qu’ il s’agit, car le gavage est une pratique complètement artificielle, stressante et douloureuse, qui occasionne des blessures graves et modifie tout le métabolisme.

Cette torture débute, outre le stress de la promiscuité et de l’enfermement, par des brûlures occasionnées par les pâtées de maïs trop chaudes déversées de force dans le jabot à raison de 8 à 900 grammes. A quoi s’ajoutent souvent de fréquentes perforations…

Suite au choc du gavage, les oiseaux sont pris de diarrhées et de halètements. Le fonctionnement de leur foie est évidemment complètement perturbé et ils peinent à réguler la température de leur corps, développant une maladie appelée stéatose hépatique. Les dimensions de leur foie hypertrophié, qui finit par atteindre 10 fois son volume normal, rendent leur respiration difficile et leurs déplacements pénibles. Les sacs pulmonaires sont compressés, le centre de gravité de l’animal est déplacé.

Comme si toute cette cruauté ne suffisait pas, les oiseaux sont confinés pendant toute la période de gavage dans de petits espaces où ils ne peuvent ni déployer leurs ailes, ni lever la tête, ni poser leurs pattes sans se blesser sur des sols durs, en grillage ou caillebotis, développant ainsi de douloureuses infections aux pattes appelées dermatites.

Les statistiques de mortalité trahissent l’état de santé des animaux suralimentés. Le rapport de 1998 du Comité Scientifique vétérinaire mandaté par la Commission Européenne mentionne même des taux de 10 à 20 fois plus élevés en gavage qu’en élevage !

Acheter, consommer ou offrir du foie gras, c’est cautionner de telles pratiques, c’est trouver normal d’infliger ces traitements abominables à des oiseaux sensibles, qui, comme vous, ressentent le plaisir ou l’ennui mais aussi la douleur et la peur, et ne naissent que pour connaître quelques mois d’une vie misérable. Rappelons pour mémoire que l’espérance de vie naturelle d’un canard est de 15 à 20 ans et jusqu’à 25 ans pour une oie !

Savez-vous que la quantité de maïs qu’ils ingurgitent de force quotidiennement correspond à 15 kilos de spaghettis pour un animal humain adulte ? Auriez-vous envie qu’on vous force à absorber 15 kilos quotidiens de pâtes ? Rien que d’y penser, vous avez la nausée n’est ce pas ?

15 pays membres de l’Union Européenne ont d’ores et déjà mis fin à la barbarie du gavage, car ils ont pris conscience de la douleur et de l’extrême maltraitance qui lui sont liées. C’est le cas de l’Allemagne, de l’Italie, du Portugal, du Royaume Uni, de l’Irlande, des Pays Bas, de l’Autriche, du Danemark, de la Finlande, et de quelques autres. Ceux qui, comme la France, persistent et signent, contreviennent purement et simplement à la législation européenne, qui stipule dans son article 14 qu’ «aucun animal ne peut être alimenté ou abreuvé de telle sorte qu’il en résulte des souffrances ou des dommages inutiles ». Fermer les yeux sur cette pratique illégale ne fait pas honneur à la Commission Européenne… Mais la France peut tout autant baisser la tête, elle qui se veut en tous points un pays-phare de l’Union : elle en est plutôt la honte pour son obstination à vouloir maintenir la tradition gastronomique du foie gras qui illustre surtout la souveraineté du profit.

Les animaux ne sont ni des objets ni nos esclaves, et certainement pas notre propriété. Ils ont droit à notre respect et à notre affection, car nous cohabitons et partageons avec eux la planète. Cautionner les tortures qu’on leur inflige pour quelques secondes de plaisir sur nos papilles gustatives, c’est se déshumaniser. Détourner le regard, faire comme s’il était impossible de mettre fin au massacre parce que tout est fait pour le rendre invisible, c’est « accepter d’être contaminés par le mal ». *

Ne restez pas indifférents. Je vous invite à réfléchir à la responsabilité que vous portez en soutenant la tradition du foie gras. C’est un produit artificiel, issu d’un organe malade. Si une tumeur avait bon goût, vous en mangeriez ?

Prendre conscience du sort des animaux, de leur souffrance, c’est aussi penser à la planète et à notre santé. C’est une preuve de clairvoyance et de courage. C’est aussi un événement qui représentera un vrai tournant dans votre vie. C’est pourquoi je souhaite de tout cœur que cette réflexion vous conduise à l’abandon de pratiques alimentaires ancestrales.

C’est devenu, au XXIème siècle, une urgente nécessité.

Marie-Françoise Hamard

* Corine Pelluchon « Manifeste animaliste »

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