« Animaux en ville, Strasbourg s’engage » – interview avec Marie-Françoise Hamard

Mercredi 10 mai, un projet de délibération-cadre a été proposé au vote du conseil municipal. Il concernait le plan d’action 2022-2026 « Animaux en ville, Strasbourg s’engage » qui a été présenté et défendu par Marie-Françoise Hamard. Interview avec la conseillère municipale déléguée aux animaux à la mairie de Strasbourg.

Le plan de la ville de Strasbourg en faveur des animaux. Foto: ScS Emma Kuhn

(Emma Kuhn) – La cause animale prend de l’ampleur et devient un véritable sujet sociétal. Marie-Françoise Hamard est à l’origine du plan d’action 2022-2026, articulé en cinq axes. Chacun présente un certain nombre d’objectifs, 25 au total.

Quels sont les projets phares de votre plan d’action ?

Marie-Françoise Hamard : Il y a, tout d’abord, la fermeture du zoo de l’Orangerie qui a fait couler beaucoup d’encre. Le temps est passé et de tels zoos qui maintenaient enfermés plusieurs espèces sauvages, n’étaient plus acceptables. Les animaux ne sont pas des objets de divertissement. Ce zoo est donc officiellement fermé au public depuis le mois d’août 2022, mais il restait encore trois espèces : les six hiboux grand-duc, les douze macaques de Tonkean et les deux petits mouflons à manchettes. Le 17 avril, les hiboux sont partis et le lendemain les macaques sont partis à leur tour. Il reste donc uniquement les mouflons à manchette qui eux, sont devenus la propriété de la ville de Strasbourg qui continuera à s’en occuper jusqu’à leur mort naturelle dans un enclos qu’on a pu énormément agrandir grâce au départ des autres animaux. Ces mouflons sont en bonne santé, mais sont porteurs de la paratuberculose qui est une maladie très contagieuse et par conséquent, aucune structure ne veut prendre le risque qu’ils transmettent cette maladie.

L’autre gros volet de ma délégation est la gestion des chats errants, une situation qu’il faut prendre à bras-le-corps. J’ai mis en place un dispositif qui permet, en partenariat avec la fourrière animale et nos associations partenaires, de capturer et de stériliser ces chats à nos frais. L’association partenaire qui gère le site sur lequel on capture, garde les chats âgés, les chats malades, les bébés qu’on fait adopter ; et relâche sur site uniquement les matous épris de liberté. On aménage alors ce site avec des abris, environ 25 petits chalets en bois, de façon à ce que les nourrisseurs des associations puissent venir auprès de ces abris pour ne pas disperser la nourriture partout et pour donner aux chats des refuges l’hiver ou pendant les intempéries.

Y a-t-il quelque chose de prévu avant fin 2023 ?

MFH : D’ici la fin de l’année, deux autres projets vont voir le jour. Il y a l’installation des premiers pigeonniers contraceptifs pour réguler la population de pigeons de façon non létale. Deux pigeonniers seront installés à titre expérimental d’ici décembre et on verra les résultats sur une année. L’autre projet qui doit aboutir d’ici Noël, est la création d’une brigade municipale de protection animale, qui sera formée d’un noyau de cinq ou six brigadiers municipaux, qui seront aussi maîtres-chiens. Ils seront joignables dans les équipes tournantes 24h/24 pour intervenir sur tout ce qui concerne les animaux (cela peut être le signalement d’un animal blessé ou en danger par exemple, ou encore des interventions sur des cas de maltraitance d’animaux domestiques). En plus de ces deux projets, l’admission des chiens dans les tramways sera effective le 1er juillet.

Et concernant le problème des rats ?

MFH : Il faut chercher des solutions pour les rongeurs. Les rats sont des animaux mal-aimés mais qui ont, comme tout autre animal, toute leur place dans la chaîne de l’écosystème et dans la biodiversité. Nous sommes, et nous seuls, responsables du fait qu’ils remontent à la surface pour se nourrir parce qu’on se conduit de façon incivile : on jette dans la rue des tas de déchets alimentaires, donc on offre aux rats un buffet à ciel ouvert. Alors on punit les animaux en les faisant mourir dans des conditions atroces avec les rodenticides. Ce sont des méthodes curatives très radicales qui ne règlent malheureusement rien et c’est ça que les gens ont beaucoup de mal à comprendre. Ce qu’il faut, c’est attaquer le problème à l’origine, c’est-à-dire oublier ces méthodes curatives et travailler sur des méthodes préventives et inclusives en associant les habitants aux bailleurs sociaux pour entretenir les caves, les cages d’escalier, et changer les pratiques. La ville accompagne tout ça en sensibilisant, en distribuant des tracts et en remplaçant les anciens locaux-poubelles par des conteneurs enterrés. Alors, évidemment, la méthode préventive ne donne pas de résultat dès le lendemain matin : les habitants doivent être patients et comprendre que c’est une méthode qui fera ses preuves sur la durée.

Vous disiez d’ailleurs au début de votre mandat que les Strasbourgeois devaient s’habituer aux animaux liminaires, comme les rats. Est-ce toujours ce que vous pensez ?

MFH : La philosophie sur laquelle repose mon travail, c’est de dire : on est à l’écoute des habitants, on fait de notre mieux pour répondre à leurs attentes, mais jamais en pénalisant les animaux. Je n’ai jamais demandé aux Strasbourgeois de s’adapter aux rats. Je comprends très bien que les gens qui vivent avec des rats qui leur passent entre les jambes voire qui entrent dans les immeubles, ne l’acceptent pas. Moi je ne l’accepterais pas non plus. Ce que je demande aux Strasbourgeois, c’est de ne pas incriminer les animaux et de ne pas leur faire porter la responsabilité de ce dont eux sont responsables. C’est trop facile de tuer un animal alors que s’il commet des dégâts ou que sa présence est incommodante, c’est le résultat de notre comportement. Les rats sont des animaux extrêmement intelligents. A partir du moment où il y a à manger, eh bien ils seraient bien bêtes de s’en priver. Plus de buffets dans les rues, plus de rats.

Vous refusez d’employer le terme de « nuisibles » ?

MFH : Je rappelle que « nuisible » a été supprimé de la loi officiellement, c’est un terme qui n’existe plus. Dans l’Office français de la biodiversité, on utilise désormais « ESOD », c’est-à-dire les « Espèces Susceptibles d’Occasionner des Dégâts », comme les rats, les pigeons, les corbeaux… Ça donne au moins le bénéfice du doute alors que « nuisible » est égal à : on tue.

Avez-vous rencontré des oppositions lors du conseil municipal ?

MFH : Au moment du vote, il n’y a pas eu une seule voix contre, mais il y a eu quelques absentions. Le groupe Renaissance s’est abstenu ainsi que le Parti socialiste.

Quel budget avez-vous à disposition dans le cadre de votre plan d’action ?

MFH : Pour vous donner un chiffre rond, j’ai un tout petit peu plus de 450 000 euros de budget de fonctionnement pour cette année. C’est peu au regard de grandes délégations comme l’éducation ou la culture, mais c’est un début et pour le moment je m’en accommode.

Qu’est-ce qui vous tient particulièrement à cœur ?

MFH : Deux beaux projets dans ma feuille de route me tiennent énormément à cœur, mais je ne sais pas si je pourrai y arriver. Le premier est d’ériger une stèle dans Strasbourg à la mémoire des animaux qui sont morts à la guerre. Le second est la création d’un cimetière animalier. Il y a très peu de cimetières pour les animaux en France, alors qu’il y en a plein en Allemagne !

Merci Marie-Françoise Hamard pour vos réponses.

Nous rappelons qu’à l’occasion de la Journée mondiale des animaux le 4 octobre, une journée de commémoration annuelle a été mise en place à Strasbourg. Plusieurs événements seront organisés dans le cadre de cette journée à l’image des années précédentes, mais sans détails supplémentaires pour l’instant.

Vous pouvez également consulter le livret « Animaux en ville, Strasbourg s’engage » en cliquant ici !

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