L’Europe en route vers un nationalisme malsain

Le ministre des affaires étrangères luxembourgeois Jean Asselborn a raison de mettre l'Europe en garde : «L'Union peut se désintégrer plus vite qu'on ne le pense», dit-il et il a raison.

Qui a vraiment envie de vérifier par lui-même si c'est doux de mourir pour la patrie ? Foto: bodoklecksel / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – L’Europe est en train d’échouer sur ses différents chantiers, en toute première ligne la question des réfugiés. Faisant fi de la Convention de Genève sur la protection des réfugiés qui fuient les guerres et guerres civiles, les états européens ferment, un à un, leurs frontières, durcissent le ton vis-à-vis des réfugiés et ne sont d’accord que sur un seul point : il faut «dissuader» les réfugiés de se rendre en Europe. La solidarité européenne n’existe plus que sur le papier et dans de belles déclarations – dans les faits, les états européens se dirigent majoritairement vers un nouveau nationalisme qui est aussi malsain que tous les nationalismes ayant déjà poussé l’Europe vers des catastrophes dont celle dont on commémorait hier l’anniversaire de sa fin.

Les phrases prononcées hier à l’occasion du 11 novembre, jour de l’armistice en 1918 mettant fin à une guerre ayant coûté la vie à 20 millions de personnes, sonnent creuses. Comment peut-on déplorer les victimes d’un nationalisme violent, tout en se préparant à hisser au pouvoir, des partis aussi nationalistes et agressifs que ceux qui nous ont conduit dans des guerres meurtrières ?

L’Europe, et ses responsables ne se lassent pas de le répéter, se veut être le fief des Droits de l’Homme, de la démocratie, de la civilisation, du christianisme et de l’humanisme, mais elle n’arrive pas à agir à la hauteur de ses aspirations. Le nationalisme, l’angoisse de devoir partagé ses richesses avec des plus infortunés que nous, la peur artificiellement stimulée de «l’autre», tous ces éléments empêchent l’Europe à devenir ce qu’elle pourrait être.

A quoi sert la pose de gerbes un 11 novembre, si en parallèle, on s’apprête à commettre les mêmes erreurs qui ont donné du travail aux tailleurs de pierres qui avaient à réaliser ces monuments aux morts ? A tous les niveaux, les gouvernements nationaux tentent d’imposer leurs propres visions des choses, on triche, on agit dans la zone grise entre le «pas encore interdit» et le carrément illégal, toujours à la recherche de cet avantage qui pourrait favoriser sa propre conjoncture nationale, on n’agit pas comme une union de 28 membres qui cherchent à évoluer ensemble et pour le bien de cette entité qui est l’Europe géographique, mais on a créée une Europe qui n’est tenue que par des liens des marchés, en abandonnant un à un, tous les acquis qui avaient motivé les pères-fondateurs des institutions européennes à tenter cette unité européenne.

Les barbelés européens prennent des formes variées. Mais le grillage physique et le grillage législatif se ressemblent, tout comme l’indifférence et le discours haineux pratiqué autant par le monde politique que dans le bistrot du coin. «On veut bien», disent de plus en plus de gens, même parmi les mieux pensants, «mais là, ça suffit…». Qu’est-ce qui suffit alors ? A ce qu’on sauve la vie à des victimes de guerres que nous stimulons par la vente de nos armes ? Qu’est-ce qui suffit ? De secourir des gens dont on a bombardé la ville ou le village et qui ont vu des populations entières massacrées et qui quittent leur terres pour survivre ailleurs ? Vraiment, ça suffit ?

Dans plusieurs pays, surtout en Allemagne, la situation ressemble à un bras-de-fer entre les xénophobes dont le discours est intrinsèquement nationaliste et ceux qui, interpellés par un réflexe de solidarité, apportent, selon leurs moyens, une contribution à cet accueil de réfugiés considéré comme un devoir humanitaire et humain. Le discours politique, pourtant, ne fait que renforcer les groupes extrémistes où naissent les actions violentes que subissent les réfugiés et leurs structures qui, selon les pays, sont soit pas faciles à vivre, soit carrément en dessous de tout standard civilisé, comme certains campements de réfugiés qui deviennent des «sous-bidonvilles». Et ces campements, on les retrouve dans de nombreux pays.

Les responsables politiques nationaux et européens ne se trompent pas lorsqu’ils nous disent que ce problème doit être résolu au niveau européen. Mais il n’en est rien – et Jean Asselborn a raison. L’Europe peut se désintégrer sur cette question et ce, plus rapidement qu’on ne le pense.

Pourtant, les 500 millions d’hommes et de femmes qui constituent cette Europe, ne veulent majoritairement pas d’une évolution conduisant une nouvelle fois, vers ce gouffre qui est le nationalisme dont les plaies qu’il a occasionné à deux reprises, l’Europe vient tout juste de s’en remettre. La majorité des européens souhaite vivre en paix, dans une certaine prospérité, sans crainte de guerre, d’isolement social, de famine, Les 500 millions d’hommes et de femmes qui constituent cette Europe, ce sont des gens comme vous et moi, qui ne haïssent pas leurs voisins dans les autres pays européens, et pourtant, nous regardons des partis grimper doucement, mais sûrement vers le pouvoir dont on connaît les ambitions nationalistes ?

Dans la région du Rhin Supérieur, nous aurons le choix très prochainement – la nouvelle grande région de l’est de la France est autant invité à choisir ses futurs responsables que le Land Bade-Wurtemberg qui votera lui, en début de l’année 2016. Interpellons nos candidats à s’engager pour une autre politique, et votons pour ceux et celles qui proposent un vrai programme européen pour créer et faire respecter une Europe paisible et solidaire. La seule arme valable en démocratie, c’est le bulletin de vote, la possibilité de dire «non» à une évolution que nous savons nocive. Est-ce peut être là, le message que nous ont lancé les 20 millions de morts dont on a pensé hier ?

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