L’Europe tombe dans le piège d’Erdogan

Le président-dictateur Recep Tayyip Erdogan compte gagner son référendum sur « l'Ermächtigungsgesetz » en se victimisant. Sa stratégie risque d'être payante.

On ne peut pas éviter que cela se passe à Ankara. Mais on ne doit pas tolérer cela chez nous. Foto: Mstyslav Chernov / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) -On dirait que l’intégralité du gouvernement turc est actuellement sur les routes européennes. Malgré l’interdiction de faire campagne à l’étranger, interdiction inscrite dans la constitution turque, les membres du gouvernement turc se trouvent en Allemagne, en France, aux Pays-Bas pour multiplier les provocations en direction des gouvernements de ces pays – pendant qu’Erdogan tient discours sur discours en Turquie en traitant les gouvernements européens de « nazis » et de « fascistes ». Pour nous, c’est irritant, pour Erdogan, il s’agit de sa stratégie pour gagner son référendum. L’absence d’une position claire au niveau européen fait que cette stratégie pourrait être couronnée de succès.

Une fois de plus, l’absence d’une vraie cohésion européenne nous joue des tours. Chaque état européen gère à sa manière les visites des membres du gouvernement Erdogan qui permettent à Erdogan cette communication de « victime » à laquelle il s’exerce depuis quelques jours. Le message qu’il délivre à ses compatriotesm, est simple : « Les Européens sont des fascistes qui oppriment les millions de nos compatriotes qui vivent dans ces pays » – et du coup, dans la perception des Turcs (privés de médias libres qui pourrait remettre en question ces agissements), ce référendum fait partie d’une grande lutte turque pour la déocratie et contre le fascisme. Et l’Europe – tombe dans le piège.

Recep Tayyip Erdogan, comme tous les grands vilains dans l’Histoire, est tout sauf un imbécile. Fin tacticien, il sait que le référendum qui lui donnerait les pleins pouvoirs, n’est pas encore gagné. Donc, il lui faut une autre communication, et Erdogan a choisi la « victimisation » – en espérant que les conflits qu’il stimule avec l’Allemagne et les Pays-Bas puissent resserrer les rangs derrière lui.

L’Europe, face aux images de Rotterdam, doit réagir vite et de manière déterminée. Il ne suffit pas de rappeller au président-dictateur turc que nous ne souhaitons pas que ses ministres interviennent lors de ces meetings de propagande, il faut que l’Union Européenne agisse comme les Pays-Bas, en interdisant l’entrée sur le territoire aux émissaires d’Erdogan, du moins le temps de cette campagne qui vise à sceller la transformation de la Turquie en un état totalitaire.

Et l’Europe a, une nouvelle fois, échouée dans sa mission. - Pendant de longues années, l’UE a versé des milliards à Ankara, dans le cadre des aides à la préparation d’une adhésion turque dans l’UE. 4,795 milliards d’euros ont été versés entre 2007 et 2013 (Pre-Accession Assistance) pour permettre à la Turquie de se mettre aux standards européens, par exemple dans le domaine de « l’état de droit, la démocratie et l’assurance des Droits de l’Homme». Si l’UE a décidé ce week-end de gêler les 4,453 milliards d’euros prévus pour la période 2014 – 2020, la Turquie a légalement droit au payement de ces sommes, tant que les négociations sur une adhésion de la Turquie dans l’UE ne sont pas officiellement terminées. Lorsque l’on regarde le résultat, ces milliards n’ont pas été très bien investis… – ce serait peut être le bon moment pour clore le chapître « adhésion » pour de bon.

Avec ses provocations, Erdogan peut, une nouvelle fois, se présenter comme « l’homme fort » vis-à-vis de son électorat. Et si l’Europe n’a aucune incidence sur ce qu’Erdogan fait dans son pays, il est inconcevable que l’UE continue à permettre au régime turc de porter ses conflits intérieurs dans les rues de Rotterdam, Cologne, Hambourg et ailleurs.

Face à l’évolution en Turquie, qui ressemble de plus en plus à celle en Allemagne du début des années 30 du siècle dernier, il convient d’être ferme. Erdogan utilise les pays européens comme plate-forme pour sa propagande, il porte les conflits intérieurs de la Turquie dans les rues européennes. En arrêtant de dizaines de milliers de personnes, en effectuant une « purge » de l’administration turque pour évincer toute opposition, en abolissant la liberté de la presse, la liberté d’expression et la liberté tout court, Erdogan a isolé la Turquie.

L’Europe doit, bien entendu, continuer à soutenir les quelques groupes et initiatives en Turquie qui osent encore s’opposer à ce régime. Mais en parallèle, une politique « zéro tolérance » s’impose concernant ce gouvernement et ses représentants. Erdogan, qui dépend économiquement de l’Europe, veut engager un bras-de-fer avec l’Union Européenne ? Alors, il faudra lui montrer ses limites. Ni la Russie, ni la Chine ne le sauveront économiquement – sans les échanges avec les pays de l’UE, le régime d’Ankara rencontrera des problèmes majeurs.

Dans tous les cas, Erdogan a éloigné la Turquie de l’Europe et si tel est son choix, soutenu par son peuple, qu’il en soit ainsi. Mais l’Europe ne peut pas se permettre de se laisser désavouer une nouvelle fois par ce petit « Hitler du Bosphore » qui est en train de se moquer du monde entier. C’est le moment de stopper ce despote – en mettant un terme à tous ces échanges infructueux et en refusant qu’Erdogan ne transforme l’Europe en un champ de bataille pour ses plans sordide. Maintenant, ça suffit.

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