L’Europe vend son âme à Recep Tayyip Erdogan

Sous prétexte de mettre un terme aux affaires des passeurs d’homme, l’Europe viole le droit international et les Conventions de Genève. L’UE mène désormais une guerre – non pas contre les passeurs d’homme, mais contre les réfugiés. Lamentable.

Belle photo de groupe de ceux qui sont en train de pervertir l'idée européenne. Si vous avez voté pour ces gens là, vous en êtes aussi responsable. Foto: (c) European Council 2016

(KL) – Au départ, l’idée européenne était formidable. Créer un continent de solidarité, de paix, de prospérité commune, c’était ce que voulaient les «pères fondateurs» des institutions européennes, sous l’impression de deux guerres meurtrières qui avaient coûté la vie à 40 million de personnes. Aujourd’hui, les «pères fondateurs» se retourneraient dans leurs tombes s’ils voyaient ce que leurs successeurs ont fait de cette formidable idée de départ. Le «deal» avec la Turquie, présenté à la fin du sommet de Bruxelles comme un «succès», n’est autre que le dépôt de bilan d’une Europe en pleine désintégration.

Le but clairement prononcé à Bruxelles est de «dissuader» les réfugiés de chercher à venir en Europe. On n’en veut plus, les populistes en Europe auront eu raison des «responsables» politiques qui, sous prétexte de lutter contre les passeurs d’hommes, ont déclaré la guerre aux réfugiés. En ce qui concerne les passeurs d’hommes, l’ignorance béate de la part des «responsables» européens est extraordinaire. Les passeurs d’hommes fonctionnent comme les contrebandiers de drogue – dès lors qu’une route devient «chaude», on opte tout simplement pour une autre route, sans que cela n’affecte leur activité. Au contraire, dès qu’une route devient plus compliquée ou dangereuse, cela ne fait qu’augmenter les tarifs et favorise donc leurs affaires. Donc, si les chefs d’état européens se félicitent de ce «coup contre les passeurs d’hommes», ils ont déjà loupé leur but. Et le reste du «deal» avec la Turquie est une pure catastrophe humaine.

Aucune des questions concernant la solidarité européenne dans le dossier des réfugiés n’a été abordée ou résolue à Bruxelles. L’accueil d’un nombre ridicule de «bons» réfugiés syriens enregistrés en Turquie (18000 dans un premier temps, 54000 dans un deuxième temps) reposera exclusivement sur l’accueil volontaire dans les états-membres. Quid de la Hongrie, de la République Tchèque, de la Slovaquie, de la Pologne, de la Grande Bretagne, des pays baltes, des pays scandinaves ? Quid de la nouvelle limitation de demandes d’asile quotidiennes acceptées par l’Autriche ? Quid des centaines de milliers de réfugiés qui attendent dans des conditions atroces de rejoindre l’Europe pour fuir une zone de guerre ? Quid des réfugiés qui seront refoulés vers la Turquie qui elle, se moque ouvertement de l’Union Européenne ? Quid de la question si la Turquie est un «pays d’origine sûr» – après les déclarations d’Erdogan la semaine dernières («on se fiche de valeurs comme la démocratie, de Droits de l’Homme et la liberté de la presse»…) ?

Pour pouvoir violer le droit international concernant l’accueil de personnes ayant fui des zones de guerre, l’Union Européenne paie 6 milliards d’euros à la Turquie, fait avancer les négociations quant à une adhésion de la Turquie dans l’UE, permet aux ressortissants turcs de voyager sans visa dans l’Union Européenne dès le mois de juin. Tout cela pour que la Turquie reprenne des réfugiés qui arrivent en Grèce, sans que l’on s’intéresse à la question du devenir de ces réfugiés refoulés dans un pays qui lui-même, est la scène d’actes de guerre, de terrorisme, de répressions de toute sorte. Cela s’appelle un dépôt de bilan dans les règles de l’art. La vente des valeurs humanistes d’une Europe qui désormais, n’a plus le droit de s’auto-qualifier comme «fief des droits de l’homme». Cette UE, que ses citoyens et citoyennes voudraient vivre comme une zone de paix, de solidarité, d’un humanisme vécu au quotidien, se transforme ainsi en une sorte de lotissement pour riches comme on les connaît des Etats-Unis ou de l’Afrique du Sud, là où vivent les riches protégés par des vigiles armés.

Comble du cynisme – on conseille aux réfugiés refoulés en Turquie de porter plainte pour faire valoir leurs droits. Comme si un réfugié qui doit se battre sous des conditions inhumaines pour sa survie, aurait la possibilité de mener une procédure juridique pendant des années. Car avant de pouvoir porter plainte devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme à Strasbourg, il faut qu’une telle procédure soit passée à travers toutes les instances dans un pays-membre de l’Union. Dans la pratique, il est donc impossible pour un réfugié de mener une telle procédure.

Toutefois, cela ne change en rien la qualité de l’idée européenne du départ. Mais force est de constater que dans l’ensemble des pays européens, les peuples aient voté pour des «responsables» qui n’agissent pas de manière responsable, mais de manière cynique sous l’influence des lobbys du grand capital. Désormais, ce que l’on appelle «la crise des réfugiés» est une «crise européenne» – et la seule solution sera de remplacer ceux qui mènent cette politique froide et cynique. Dissoudre l’Europe ne servirait à rien, seule une Europe vraiment fédéraliste avec des compétences élargies du Parlement Européen pourrait sauver ce continent. Nous avons besoin d’un gouvernement européen élu par les peuples européens, avec un Parlement Européen fort à Strasbourg et donc loin des lobbys et de la corruption bruxelloise, voilà la voie royale. Surprise – pour obtenir une telle Europe, ce ne serait pas sorcier – il suffirait de voter pour ceux qui défendent une telle idée lors des prochaines élections européennes, au lieu de continuer à voter pour ceux qui conduisent notre continent vers de nouvelles catastrophes historiques.

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