L’Union Européenne a failli se ridiculiser à nouveau face à Erdogan

Le ministre des affaires étrangères autrichien Sebastian Kurz a sauvé l’honneur de l’Union Européenne en bloquant une déclaration de l’UE d’une mollesse honteuse.

Sebastian Kurz, le dernier ministre des affaires étrangères européen à savoir ce que sont les "valeurs européennes" ? Foto: Österreichisches Aussenministerium / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(KL) – Hier à Bruxelles, ils étaient (presque) tous d’accord sur une déclaration concernant les négociations sur l’adhésion de la Turquie à l’UE qui disait qu’on n’allait pas, en l’état, « ouvrir de nouveaux chapitres » des négociations. Comprendre : sur les autres chapitres, on peut continuer à négocier. Comme si la Turquie n’était pas en train de suivre sur les traces de l’Allemagne nazie des années 30 du siècle dernier, modèle cher à Recep Tayyip Erdogan qui lui, vient de profiter des derniers attentats pour incarcérer la quasi-totalité du parti HDP pro-kurde. Comme Hitler après la « Machtergreifung » le 30 janvier 1933, lorsqu’il avait envoyé les élus social-démocrates dans les camps. Heureusement qu’il y avait le plus jeune des ministres des affaires étrangères européens, l’Autrichien Sebastian Kurz (30 ans), qui bloquait cette déclaration honteuse.

Le cynisme de l’Union Européenne ne connaît pas de limite. Tous les jours, le président-dictateur Recep Tayyip Erdogan transforme la Turquie un peu plus selon le modèle allemand des années 30, la presse critique a été muselée, de nombreux journalistes, écrivains, politiques et artistes se trouvent en prison – et l’Union Européenne veut se limiter à « ne pas ouvrir de nouveaux chapitres des négociations » ? Vraiment ?

C’est surtout l’Allemagne qui voulait poursuivre ces négociations, en soulignant que le gel de ces négociations causerait des dommages plus importants que leur poursuite. Le message mou est donc clair : « nous ne voulons pas que la Turquie ouvre ses frontières pour laisser partir des réfugiés syriens vers l’Europe et pour cela, nous sommes prêts à fermer les yeux devant les agissements d’Erdogan ». Et on s’en fiche si la Turquie se transforme en un état fasciste, on veut surtout mener une « realpolitik » qui pourtant, est tout sauf réaliste. Car l’Europe ne gagnerait rien en s’enfermant comme dans ces lotissements-forteresses comme on les connaît des Etats-Unis ou de l’Afrique du Sud. Qu’on le veuille ou non, l’Europe ne peut pas faire semblant de ne pas être concernée par ce qu’il se passe dans le monde.

Il était courageux hier à Bruxelles, l’Autrichien Sebastian Kurz. Face aux agissements turcs vis-à-vis des politiques de l’opposition et des médias, il avait demandé tout simplement de stopper les négociations. Mais ses collègues ne voulaient pas prendre une position aussi claire par rapport à un état en pleine mutation qui se transforme en un état totalitaire qui viole quotidiennement les Droits de l’Homme.

Et Sebastian Kurz a parfaitement raison – coopérer avec des dictateurs, c’est accepter une part de responsabilité dans les crimes qu’ils commettent. Gagner de l’argent en commerçant avec des despotes, c’est accepter d’avoir du sang sur ses mains. Mais il faut croire que l’Europe ne dispose plus de responsables politiques qui adhèrent à ces « valeurs européennes ».

« Il ne s’agit pas de claquer la porte à la Turquie », disait Sebastian Kurz, « il s’agit d’émettre un signal politique et de cesser de miroiter à la Turquie qu’une adhésion serait possible. » Et l’argument avancé par ses homologues européens qui estiment que la poursuite des négociations pourrait avoir un impact positif sur l’évolution en Turquie, n’est pas valable pour Sebastian Kurz qui souligne que ces derniers mois ont clairement démontré que la Turquie se soit éloignée de plus en plus de l’Union Européenne. Mais est-ce possible qu’il soit le seul à voir ça ?

C’est donc Sebastian Kurz qui aura sauvé l’honneur de l’UE hier – les autres états-membres étaient prêts à continuer à négocier avec le président-dictateur Erdogan. Et après, on se demande pourquoi les citoyens et citoyennes européens n’adhèrent plus à leurs institutions ?

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