Martin Schulz contre Angela Merkel…

Le « dégagisme » gagnera-t-il aussi l’Allemagne ?

Pour l'instant, "l'effet Schulz" est impressionnant... Foto: EU2016SK / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Par Alain Howiller) – A quoi a bien pu penser Angela Merkel, ce Dimanche 12 Février, lorsqu’elle est venue, un bouquet à la main, féliciter Frank-Walter Steinmeier pour son élection au poste de Président de la République ? A la campagne électorale de 2009 où le nouveau président conduisait la liste du SPD, elle l’avait battu, infligeant aux sociaux-démocrates leur pire défaite depuis 1949 ! Au Ministre qui lui a été si souvent fidèle, au mari qui, en 2010, offrit un de ses reins à son épouse gravement malade ?

Sans doute pensait-elle, plus prosaïquement à la campagne électorale désormais engagée qui -pense-t-elle- devrait lui ouvrir les portes de la chancellerie pour son quatrième mandat.

Angela est-elle superstitieuse ?… – On peut espérer qu’Angela Merkel n’est pas superstitieuse et qu’elle ne considèrera pas que le chiffre « 24 » lui porter… malheur. Alors qu’elle semblait se diriger sans trop de difficultés vers un nouveau mandat de chancelière, le 24 Janvier est venu lui apporter une mauvaise nouvelle : son allié de la grande coalition le SPD Sigmar Gabriel, Vice-Chancelier et jusqu’ici Ministre de l’Economie, annonçait qu’il lui opposerait lors des élections du 24 Septembre un autre candidat que celui qui avait été prévu initialement et dont, finalement, elle n’avait pas grande chose à redouter ! Sigmar Gabriel renonçait à se présenter comme tête de liste SPD et candidat au poste de chancelier au profit de Martin Schulz qui conduira la liste sociale-démocrate et qui, du coup, prendra également la présidence du SPD.

Malmené dans les sondages, critiqué par la base de son parti qui depuis des années, se traînait autour de 20% d’intentions de vote, Sigmar Gabriel a eu la lucidité de passer la main, reconnaissant : « Le succès d’un parti, c’est comme au football : si le club est mal classé, il est difficile de ne pas incriminer la responsabilité de l’entraîneur ! » Le SPD avait désormais un nouvel… entraineur. Celui-ci vient de quitter la présidence du Parlement Européen dont il avait été, depuis janvier 2012, un grand président.

88% des Allemands pour une relance de l’Europe ! – Le SPD va donc mener campagne avec un homme qui a fait pratiquement toute sa carrière dans ce qu’on pourrait appeler une « filière européenne » : puisque à part un mandat de maire de la ville de Würselen (38.000 habitants en Rhénanie du Nord-Westphalie) exercé de 1987 à 1998, il n’a exercé aucune fonction d’élu en Allemagne étant élu député au Parlement Européen dès 1994. C’est donc un « homme neuf » sur le plan de la politique allemande, auréolé d’une renommée sur le plan international et notamment européen au moment où… 88% des Allemands sondés souhaitent que, face à Donald Trump, les pays de l’Union Européenne serrent les rangs : il est vrai que seuls… 51% d’entre eux pensent qu’ils le feront ! Il n’empêche qu’un effet « Schulz » s’est très rapidement manifesté dans les sondages : l’ancien président du Parlement de Strasbourg s’est immédiatement placé au deuxième rang des hommes politiques les plus appréciés d’Allemagne !

Au « Top Ten » des hommes politiques -dont il n’avait jusqu’ici jamais fait partie- il se place derrière Frank-Walter Steinmeier (SPD), mais devant Winfried Kretschmann (Les Verts, ministre-président du Land de Bade Wurtemberg), Angela Merkel et Wolfgang Schäüble (l’actuel Ministre CDU des Finances qui sollicitera en septembre un nouveau mandat de député dans la circonscription de Offenbourg-Gengenbach) !

Ce qu’espère la CDU en campagne ! – Au-delà du « Top Ten », le SPD fait état d’un « effet Schulz » sur le recrutement de militants qui s’est amplifiée alors que selon certains sondages, 70% des électeurs du SPD qui s’étaient abstenus lors des dernières élections générales, affirmaient qu’ils iraient voter en Septembre ! Les sondages sur les intentions de vote montrent également un « effet Schulz ». Si ces élections avaient lieu maintenant, la CDU bénéficierait entre 30 et 34% des intentions de vote tandis que le SPD capitaliserait entre 29 et 31% d’intentions de vote alors qu’il n’avait jusqu’ici jamais dépassé 23% !

Aux élections de 2013, la CDU avait ramassé 41,5% des voix et le SPD 25,7% des suffrages. Il reste de la marge à rattraper pour la CDU. Toujours selon les derniers sondages, les Verts qui avaient recueilli 8,4% des voix en 2013, réuniraient 8% d’intentions, le parti libéral FDP (4,8 % des voix en 2013 et de ce fait sorti du Bundestag) reviendrait au Parlement avec 6% d’intentions de vote, Die Linke (8,6% de voix) bénéficierait entre 8 et 10% d’intentions de vote tandis que l’AfD (-2% par rapport aux sondages précédents) bénéficierait d’entre 11 et 12% d’intentions de vote (ce parti n’avait recueilli que 4,7% aux élections de 2013 et était resté à la porte du Bundestag).

L’effet « Schulz » se maintiendra-t-il ? – L’effet Schulz s’amplifiera-t-il ou, comme l’espère la CDU, s’estompera-t-il avec la campagne désormais bien engagée ? Alors que les représentants de la CDU/CSU espéraient que le nouveau Président de la République respecterait la traditionnelle neutralité de sa fonction et comptaient sur la campagne pour reprendre la main, le SPD comptait tout de même sur l’effet d’image de l’élection de Frank-Walter Steinmeier que Angela Merkel n’avait pas pu éviter ! Pourtant, la chancelière, après avoir écarté (une fois de plus !) une candidature de Wolfgang Schäuble, avait essayé de provoquer l’émergence de plusieurs candidats dont un représentant des « Verts » (on parlait de Winfried Kretschmann). Faute de succès dans ses démarches, elle s’est finalement ralliée à Steinmeier.

L’élection de Frank-Walter Steinmeier, qui succède à Joachim Gauck, a provoqué un léger remaniement du gouvernement allemand : Sigmar Gabriel a remplacé Steinmeier au poste (prestigieux) de Ministre des Affaires Etrangères : il l’occupera jusqu’aux prochaines élections et au changement éventuel de majorité. Brigitte Zypries, qui avait été en 2002, Ministre de la Justice sous Gerhard Schroeder, le remplace au Ministère de l’Economie. Ce changement profitera-t-il également à la candidature de Schulz ? Ce dernier, font valoir les observateurs, pourra critiquer, sans grande retenue, les actions menées par une « grande coalition » dont il n ‘aura pas été partie prenante. Du reste, il ne s’en prive déjà pas : n’a-t-il pas annoncé qu’il souhaitait revenir sur certaines dispositions héritées de l’Agenda 2010 défini sous Gerhard Schroeder, qu’il souhaitait augmenter les bas revenus, amender la politique d’austérité, et faire payer davantage les riches !

« Gauchissement » de la campagne du SPD. – Ce « gauchissement » de la campagne du SPD n’est pas forcément pour déplaire à Angela Merkel dont le Ministre des Finances a vivement attaqué Schulz en le traitant de « populiste » et d’émule de « Trump » ! La chancelière va faire valoir son expérience, la bonne santé économique de l’Allemagne, la régression du chômage : le tout obtenu, insistera-t-elle, grâce à ses 12 années de chancellerie et à ses 16 années de direction de la CDU ! Le partenaire bavarois -la CSU- ne s’y est pas trompé : son patron Horst Seehofer s’est rallié à Angela Merkel. Soucieux de préserver sa majorité absolue en Bavière aux élections… régionales de 2018(!), il avait mené une véritable guérilla contre Angela Merkel dont il condamnait avec virulence la politique migratoire. Mais nécessité fait loi et les élections générales étant désormais proches, le président CSU de Bavière a rejoint le camp de la chancelière ! Cette dernière est pratiquement au coude à coude avec le camp Schulz qui voudrait éviter une nouvelle « grande coalition ».

Pour gagner un quatrième mandat de chancelière, Merkel devra faire alliance, à défaut du SPD, avec les « Verts » et le « FDP » : les Verts qui voudraient enfin participer au gouvernement, pourraient se laisser séduire. Schulz, pour gouverner devra, lui aussi, faire alliance avec les « Verts » et Die Linke. Si une alliance avec les « Verts » reste jouable pour les deux camps adversaires (les écologistes rejoindront de toute manière le camp susceptible de gouverner !), la coalition avec Die Linke est loin d’être gagnée.

Les probables coalitions pour gagner ou… perdre ! – Pour se rallier au SPD, le parti de Die Linke veut des garanties que Oskar Lafontaine, l’ancien patron du parti et ancien Ministre-Président de Sarre définit ainsi : « Je ne vois pas de collaboration possible avec le SPD et les « Verts » aussi longtemps que ces deux partis seront favorables aux interventions armées à l’extérieur, aux livraisons d’armes, à la dégradation de la situation sociale, à un système fiscal inéquitable et à une politique européenne qui fragilise la situation économique et sociale des pays du Sud !… » On le voit : ce n’est pas joué !… Et une « grande coalition » pourrait bien revenir au pouvoir !

Si le 24 Janvier a introduit un doute sur la victoire d’Angela Merkel, il n’est pas certain que le 24 Septembre mettra en œuvre le « dégagisme » dont la gauche rêve aujourd’hui. La campagne de la chancelière, la bonne situation économique de l’Allemagne, l’effet « gauchissement » du programme de Martin Schulz, mais aussi une certaine lassitude de l’électeur que 12 ans de chancellerie pourrait lasser, certaines injustices devenues insupportables mais héritées de l’Agenda 2010 joueront. Le souvenir de Helmut Kohl -qu’on appelait le « chancelier éternel »(!)- hante les nuits de la CDU/CSU : on s’y souvient de la défaite de du 27 Septembre 1998 où Gerhard Schroeder avait battu Helmut Kohl ! Dans les deux camps en compétition, on attend avec impatience le résultat des trois prochaines élections régionales ; on votera le 27 Mars en Sarre (dirigée par une coalition CDU/SPD), le 7 Mai au Schleswig-Holstein (coalition SPD/Verts/Parti régional) et le 14 Mai en Rhénanie du Nord-Westphalie (coalition SPD/Verts)… Cap sur le futur !

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