Mehr Licht ! ou Itinéraire d’un enfant bâté (8)

La série hebdomadaire de Jean-Marc Claus - une vue très personnelle sur notre belle région transrhénane du Rhin Supérieur et - l'Europe. Notre Europe. (8)

Apprendre à aimer l'Europe à Europapark ? Pourquoi pas ! Foto: Thomas Pusch / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Par Jean-Marc Claus) – Sur son lit de mort, Victor Hugo affirmait : « Je vois de la lumière noire. » alors que dans la même situation, un demi-siècle plus tôt, Johann Wolfgang von Goethe s’exclamait : « Mehr Licht ! Mehr Licht ! ». Je me suis trop longtemps réclamé du premier tout en méprisant le second. Trop longtemps, c’est mon enfance, mon adolescence et une partie de mon âge adulte, période rapportée ici par l’ex-enfant bâté que je suis.

Épisode Huit : Europe à parc

Je suis d’une génération dont nombre d’entre nous n’ont pas eu la chance de beaucoup voyager dès l’enfance. A onze ans, je connaissais de l’Europe : la Suisse, exclusivement alémanique, et l’Italie, juste par un séjour de vacances en Vénitie. Comparé à d’autres, qui n’avaient jamais quitté les frontières du pays et pour certains du canton, je pouvais m’estimer chanceux… Ainsi, le parc d’attraction Europa-Park, inauguré l’année de mon entrée en classe de sixième, fut pour moi source d’une phénoménale ambiguïté, alimentant de facto la culture du paradoxe à laquelle je me livrais assidûment, à mon insu.

Nous prenions « lebakarino » - entendez « le bac à Rhinau » – , cheminions quelques kilomètres en Allemagne puis, après avoir traversé le village « so typisch » et si étrangement nommé Kappel-Grafenhausen, nous arrivions à Rust, dans cette zone d’une extraordinaire et symbolique extraterritorialité baptisée Europa-Park ! Cette expérience, malgré la traversée de la Ligne Maginot, le franchissement du Rhin, le cheminement en territoire allemand, n’avait rien d’une incursion dans les lignes ennemies. Europa-Park, ce n’était pas seulement l’Allemagne, car c’était aussi un peu la France et surtout, c’était bien plus que l’Allemagne et la France. Aussi un peu la France, car il n’était pas nécessaire de s’exprimer en allemand pour s’y faire servir une gaufre; bien plus que l’Allemagne et la France, car la dimension européenne du parc m’intéressait infiniment plus que ses multiples attractions.

Aujourd’hui encore, même si je m’y rends très rarement, cette connotation demeure prévalente dans la perception que j’en ai, car c’est là, dans ces décors de cinéma et cet univers artificiel, que j’ai commencé à me sentir européen et donc, à aimer l’Europe. A défaut de pouvoir y voyager réellement, ce que j’ai fait par la suite, je découvrais l’Europe juste en traversant le Rhin. Heureusement que la guerre était finie, depuis une trentaine d’années, sans quoi j’aurais manqué un important rendez-vous avec l’Histoire ! Je sais que ce récit prête à sourire et même à rire ; ne vous en privez surtout pas, car celui qui ne sait pas rire et faire rire de lui-même, se condamne à vivre avec son pire ennemi, c’est à dire sa propre personne.

Ainsi Europa-Park, cette petite Europe à parc, m’a vraiment donné le goût de l’Europe. Même s’il restait encore du chemin à parcourir, notamment pour me défaire d’une certaine germanophobie, un processus s’était enclenché en moi. Ce qui me conduit à penser qu’en dépit de toute nos représentations, de nos convictions plus ou moins fondées, voire même carrément infondées, tôt ou tard l’Europe s’impose à nous comme une évidence. Elle est notre terre-nourricière, le berceau de notre culture alimentée aussi par des sources extra-européennes, notre biotope mis en péril par les puissances d’argent de tous crins et les populismes décomplexés. D’où l’absolue nécessité, de ne pas se tromper de cible, lorsque nous mettons en cause les orientations et décisions des instances européennes. Le Parlement Européen, le Conseil Européen, le Conseil de l’Union Européenne, la Commission Européenne, la Cour de Justice de l’Union Européenne, la Banque Centrale Européenne, et la Cour des Comptes Européenne, ne sont pas plus l’Europe qu’ils ne font l’Europe, car l’Europe c’est nous, les citoyens européens dont il serait grand temps qu’ils prennent enfin le pouvoir sur les puissances d’argent et leurs lobbies à l’œuvre au sein des institutions européennes…

A suivre…

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