Pourquoi le Portugal brûle-t-il ?

Les incendies de forêts au Portugal ne sont pas une fatalité.

Incendie de forêt en Serra da Nogueira, au Nord-Est du Portugal. Foto: Garsd / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – Les causes des incendies ravageant chaque été depuis plus d’une quinzaine d’années les forêts portugaises sont multiples, mais il demeure néanmoins possible d’en identifier précisément quelques unes. Si le réchauffement général du climat n’y est pas étranger, il existe d’autres causes dont l’être humain est aussi totalement responsable. Le non-respect de la biodiversité, au profit de l’introduction d’essences forestières inadaptées à l’environnement, constitue un facteur majeur de risque, tant de déséquilibre des écosystèmes que d’incendie.

Dans le grand public, l’idée fausse que les feux de forêts signifient au Portugal la destruction des chênes-liège, et donc le passage aux bouchons en silicone sur une majeure partie des productions viticoles européennes, a décidément la vie dure. Il est vrai que ces sinistres ne sont pas sans incidence sur la production de liège, du pays abritant 33% des surfaces mondiales destinées à cette culture extensive. En revanche, le chêne-liège, arbre parfaitement adapté à la Péninsule Ibérique, résiste bien aux incendies de forêt grâce justement à son écorce isolante et peu inflammable contribuant à ralentir la progression du sinistre. Ainsi, même si un chêne-liège semble complètement calciné après le passage des flammes, les tissus conducteurs de sève demeurés intacts sous l’écorce lui permettent d’irriguer des bourgeons dits dormants, et donc de reconstruire en deux ans la couronne végétale de l’arbre.

Évidemment, la première levée d’écorce se faisant au vingt-cinquième anniversaire de l’arbre et ensuite tous les neuf ans, les incendies de forêt induisent un ralentissement de la production de cette matière première, mais pas son arrêt total et définitif. Il en va tout autrement d’une essence introduite dans le pays à des fins purement commerciales et spéculatives. A savoir, l’eucalyptus, espèce non autochtone totalement inadaptée au climat de la Péninsule Ibérique, notamment du Portugal au climat méditerranéen avec influence atlantique. Devenu cinquième pays au monde en nombre d’hectares exploités et premier en termes de rapport des plantations à la superficie du pays, le Portugal a quasiment multiplié par dix sa surface de production depuis les années soixante, avec une croissance exponentielle à partir des années quatre-vingt. Aujourd’hui, les 10% du territoire national couverts d’eucalyptus à la fois très gourmands en eau et très inflammables, sont bel et bien impliqués dans la propagation des feux de forêts.

Contrairement au chêne-liège, qui fait le gros dos et se régénère en deux ans à l’issue de l’incendie, l’eucalyptus capable selon certains spécialistes de s’embraser spontanément par très fortes chaleurs, profite des incendies pour se disséminer sur les territoires voisins. Sa grande capacité de régénération se combine toujours, après un sinistre, à une phase de forte diffusion. Or, grand destructeur de la biodiversité, l’eucalyptus conquiert ainsi des espaces qu’il ne partage pas et rend ainsi encore plus vulnérables. Exploitées pour la fabrication de cellulose, et soutenues par un puissant lobby, les plantations d’eucalyptus ont encore de beaux jours devant elles, même si le gouvernement commence à évoquer une nécessaire  « déseucalyptusation » des terres au profit de cultures plus traditionnelles.

L’un des problèmes auxquels se heurte la puissance publique est le faible pourcentage de l’espace forestier lui appartenant. A savoir 15%, réparties en 3% pour l’État et 12% pour les collectivités locales, contre en France 25%, réparties en 9% pour l’État et 16% pour les collectivités locales. S’ajoute à cela l’influence du lobby de l’industrie de la cellulose : les réformes à mener s’avèrent particulièrement ardues eu égard au rapport de force en défaveur de la puissance publique. Cependant, des leviers existent bien pour faire évoluer la situation, notamment celui du « pollueur = payeur » pouvant se décliner en « incendiaire = payeur »…

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