Menaces de guerre sur la Mer Noire

Roumanie, Bulgarie, Ukraine, Moldavie, Russie, Turquie

La Mer Noire, rive orientale Foto: Joost J. Bakker Ijmuiden / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 2.0Gen

  (MC) – La peur d’une nouvelle escalade hante les Etats et les populations au pourtour de la Mer Noire. L’anxiété a encore augmenté depuis que CNN a annoncé, le 5 décembre dernier, que les Etats-Unis allaient envoyer une flottille de guerre sur la Mer Noire… Les gouvernements et l’opinion publique de  Roumanie, Bulgarie, Moldavie et Turquie s’inquiètent, certes à des degrés divers.

Même si la Roumanie, la Moldavie et la Bulgarie, pays riverains de la Mer Noire, sont actuellement observés attentivement par les Russes, aucun de ces pays ne désire s’engager dans cette affaire. La Roumanie n’a pas bougé d’un pouce pour préparer sa flottille de la Mer Noire ; les Moldaves utilisent incontestablement les tensions actuelles à des fins électorale internes. Les Bulgares, eux, moins univoques, sont soucieux d’entretenir une relation paisible avec Moscou, tout en se tenant confortablement à l’intérieur de l’ UE et de l’OTAN et en en partageant les vues quant à la crise ukrainienne.

N’oublions surtout pas que la Convention de Montreux, signée en 1936, donne le plein contrôle des détroits de la Mer Noire qui donnent sur la Mer méditerranée à la Turquie. La Convention garantit le libre passage des navires civils en temps de paix, et règle aussi le transit des flottes militaires. Personne ne croit que la Turquie permettrait le passage des navires US à travers les détroits, en violation de ce texte qui fait autorité, en cas de conflit ; et pas davantage aux bâtiments russes. Le cas s’est déjà présenté lors de la guerre de Géorgie, en 2008.

Mais la Convention pose que la Turquie ne peut interdire le passage à des navires qui obéissent aux conditions de tonnage, de délais et de nombre que stipule le texte de 1936 ; Ankara n’a que le droit de refuser les bâtiments qui n’ont pas faire la demande 15 jours auparavant. Mais en même temps, la Turquie vit actuellement les problèmes que l’on sait avec les pays occidentaux, et amorce un net rapprochement, tout récent, avec le pays du Tsar Poutine…

Moscou semble en réalité préoccupé davantage par les déploiements de l’OTAN en Roumanie qu’en Mer Noire. Mais en même temps, les Russes n’ont pas de mal à constater la pauvreté et les déficiences de l’armée roumaine : il suffit de regarder le défilé au jour de la fête nationale et de voir comment les avions ne décollent pas et comment les diverses espèces de véhicules militaires se mettent à tousser et à tomber malades sur les avenues de Bucarest… Et puis, de toute manière, la Roumanie n’a jamais collaboré réellement avec l’Ukraine ; en grande partie par suite des problèmes que rencontre la minorité roumaine en Transcarpatie ( nous l’avons relaté dans nos articles précédents). La Roumanie n’ offre jamais son aide à Kiev quand Moscou tente de faire pression sur son économie et sur les résultats de ses élections. Enfin, la Roumanie, ce n’est pas les pays baltes, qui ont appartenu à l’Empire russo-soviétique et où de fortes minorités russes habitent…

Et pourtant, les autorités de Bucarest devraient comprendre qu’ aider Kiev, c’est s’aider soi même : la mer d’Azov n’est pas si éloignée, et les deux pays partagent tout de même 750 kms de frontières…

En Moldavie, on joue à l’aveugle, malgré l’antagonisme interminable à propos de la Transnistrie, cette région pseudo-irrédentiste, en réalité « récupérée » par les Russes comme l’ont été certaines régions de Géorgie, notamment l’Abkhazie… Le conflit de Crimée est exploitable par les futurs partis candidats aux élections législatives, prévues le 24 février 2019 : ils rivaliseront dans la surenchère pro-occidentale, pour plaire et rassurer…

L’impact est évident aussi à Chişinău et à Tiraspol sur l’attitude qu’adopte Poutine envers les 4 bataillons qu’il stationne dans la région sécessionniste… Il s’agit de 1500 soldats et de 2 missions : le « maintien de la paix » et la surveillance du dépôt de munition de Cobasna, originellement gardé par la 14° Armée soviétique. Rôle exact : maintenir une présence avant que n’arrivent des renforts, et agir le cas échéant comme une force d’assaut.

La Moldavie consacre une somme minime à sa défense : 0, 39 % du budget ; en 2019, il est prévu encore moins que cette année, malgré une annonce qui relève surtout de la démagogie populiste. D’un autre côté, Russie et Transnistrie ont mené ensemble 200 opérations militaires dans la seule année 2017… En réalité, les visites répétées des dirigeants moldaves à Washington et la présence militaire américaine, c’est-à-dire l’annonce de l’arrivée d’un navire US en Mer Noire jouent surtout un rôle électoral. Visiblement, le gouvernement moldave désire adopter une attitude plus pro- américaine, alors même que ses relations avec l’UE sont pour ainsi dire inexistantes…

Cela pose un risque parallèle : celui d’entraîner une présence militaire russe accrue. Et les exercices militaires communs entre Tiraspol (Transnistrie) et Moscou vont continuer de plus belle, voire se multiplier, malgré les protestations de Chişinău. Mais le Parti Démocratique au pouvoir en Moldavie jouera au maximum, croit-on, la carte pro-occidentale contre Poutine. D’une pierre deux coups, donc : le nationalisme moldave adoptera un visage – ou un masque – occidental… Européen, mais plus encore, américain.

Quant à la Bulgarie, elle est assise entre deux chaises. Sofia tient à conserver de bonnes relations avec Moscou, malgré sa situation favorable à l’Ukraine en tant que membre de l’UE et de l’OTAN. Le lendemain de l’agression russe en mer d’Azov, le président, Rumen Radov, a appelé les 2 parties au calme. Mais dès le 30 novembre, il a adopté un ton bien plus pro-russe, disant que « l’Europe ne devait pas devenir l’otage de la politique interne ukrainienne et de ses ambitions » ; ce qui est pour le moins étonnant !

Le premier ministre, le fameux Boyko Borissov, impliqué d’ailleurs dans de nombreuses affaires lourdement suspectes, a renchéri, en estimant que « même si les élections auront lieu bientôt en Ukraine, le président russe n’est pas un homme avec lequel on peut plaisanter, surtout pas en cette matière »… Et il y a le problème du tant attendu terminal de gaz « Balkan », qui doit être remplacé par du fuel liquide coulant dans le pipeline Turkish Stream qui doit relier Ankara et Moscou.

« Il sera très difficile, dans de telles circonstances, de signer les contrats pour l’obtention de ce gaz », a ajouté Borissov. Le premier ministre a précisé qu’il était opposé à l’attitude de Kiev et de Washington, qui se prononcent contre le projet North Stream, puisque cela signifierait que le gaz russe qui devait passer par le Turkish Stream ne bénéficierait pas à la Bulgarie : cette attitude est une menace contre la Bulgarie, a-t-il estimé.

Par ailleurs, le gouvernement bulgare, par la voix du ministre de la Défense Krasimir Karakachanov, a affirmé cette semaine sur la radio RNB n’avoir pas été informé du déploiement possible de navires américains en Mer Noire.

Beaucoup d’observateurs restent perplexes à l’écoute de ces réactions. Les analystes bulgares insistent sur la nécessité brûlante de parvenir à une position, à un message univoques. Après discussions avec la Roumanie, membre de l’UE, et avec la Turquie, membre de l’OTAN.

Des réactions contrastées, donc, du moins équivoques ; et bien des constats fort inquiétants… L’élément le plus rassurant reste sans doute la volonté prévisible de la Turquie de maintenir son autorité su la Mer Noire et sur toute la région et parallèlement, les relations assez bonnes qu’entretiennent Moscou et Ankara.

1 Kommentar zu Menaces de guerre sur la Mer Noire

  1. HEMMERLÉ Pierre // 24. Dezember 2018 um 22:06 // Antworten

    C’est quoi la Transnitrie ?
    Le Dniepr restera toujours le Dniepr, et la République Transdniepr la République Transdniepr. C’est du moins ce que nous avons vu écrit en cyrillique aux frontières barbelées derrière les automitrailleuses. Les ashkénazes ne plaisantant pas avec la sémantique ni la sémitique.

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