Meurtre de Lola, de la récupération-amalgame

Esther Heboyan sur un phénomène abjecte...

Il y a des jours où on a seulement envie de pleurer... Foto: Tellmelmok / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Esther Heboyan) – Autrefois, le chiffonnier récupérait tout ce qu’il trouvait sur son parcours de chiffonnier pour faire son petit commerce et en vivre – littéralement, quotidiennement. La survie du chiffonnier : une paire de ciseaux rouillés, un pantalon troué, un vase ébréché. Aujourd’hui, le politique de droite et d’extrême-droite en France (ah, le beau et fier pays des droits humains !), à court d’idées à force de brasser les mêmes idées racistes et xénophobes, récupère tout ce qu’il trouve dans la réalité sordide pour monopoliser la sphère politique et vampiriser la scène médiatique.

La survie des politiques d’inspiration fasciste ou de fascisme bon ton à la mode française caractérisée par l’aptitude à manier le subjonctif imparfait (le top du top, vous en conviendrez !) : le non-français, bordel !

Français = vertu, altruisme, solidarité, respect, bienveillance, bonne moralité, etc. Non-Français = vice, égoïsme, individualisme, irrespect, malveillance, mauvaise conduite, etc. Première conclusion administrative, politique, logique : le Français qui assassine sa compagne et le Français qui viole petits garçons et petites filles peuvent rester sur le territoire français. Deuxième conclusion administrative, politique et illogique : a) le Non-Français (ou la Non-Française, on l’aura compris) qui va commettre des crimes atroces aurait dû quitter le territoire français au lieu d’entrer dans la clandestinité ; b) le Non-Français criminel, ou supposé criminel selon la loi, attise la haine de tous les haineux envers l’étranger avec ou sans papiers. Le barbare, c’est l’autre, ce n’est pas moi. Vite une manif ou deux pour Lola !

Pauvre, pauvre Lola.

Dans cette tragédie, que fait-on de la nature humaine ? Rien. On récupère le meurtre de Lola du côté des documents administratifs, on désigne la source du mal comme endémique à l’absence de légitimité sur le territoire français. Les garants du bien et du mal se portent sur le devant de la scène pour accuser l’Algérienne parce qu’elle est algérienne. Le mal n’est jamais français, comme il n’est jamais italien, norvégien, grec ou allemand. Non, le mal n’est jamais européen. Le mal est étranger. Les comportements nuisibles s’arrêtent aux frontières, un peu comme le nuage de Tchernobyl. Heureusement que les garants du bien et du mal à l’œuvre ou aux manettes de l’indécence en République Française ne sont pas seuls au monde. Le monde étant ce qu’il est en 2022, le schéma de la haine de l’Autre, archivé ou non archivé dans les préfectures du monde, se porte bien, ne date pas d’hier et sera sans doute réactivé à la surface du globe pour des siècles à venir. Tant que l’Histoire du monde sera oubliée, occultée, ignorée, déformée, non enseignée intelligemment.

Mais qui a besoin d’intelligence pour récolter des votes ?

Méandres de la digression.

Revenons à la nature humaine.

Il faut beaucoup, beaucoup de mauvaise foi pour nier l’existence de la mauvaise conduite chez les êtres humains en général. Moralement, socialement, philosophiquement, il y a des gestes et des actes qu’on ne doit pas faire. Afin de ne pas nuire à autrui. L’évidence de la vie en société, une avancée de la civilisation humaine. Or, nous le savons, il n’y a pas de société parfaite où les individus seraient tous parfaits. Il suffit de regarder autour de soi, de parcourir les pages de faits divers, de se documenter sur l’Histoire des continents. Qu’elle soit individuelle ou collective, lorsque la folie meurtrière se manifeste, elle nous est insupportable. Normalement et humainement insupportable. Le choc et l’indignation s’imposent. Mais de là à relier la démonstration de la barbarie à une nationalité, à un passeport étranger, et édifier un cirque politique…

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