Orbán suspendu : profil bas

Le Fidesz plus furet furtif que kangourou gourou de la droite

Allégorie du Repentir (détail) Cornelis van Haarlem Foto: Musées de Strasbourg, own work / Wikimédia Commons / CC-BY-SA PD

(Marc Chaudeur) – Le groupe parlementaire de la droite conservatrice et majoritairement, euh, démocrate-chrétienne (le PPE) a donc décidé, non pas de l’expulsion, mais de la suspension du parti national-conservateur hongrois et de son dirigeant, Viktor Orbán, génial théoricien du libéralisme illibéral, enfin quelque chose dans le genre, et soumis dans son pays à une contestation de plus en plus virulente et efficace. La décision a été votée à 190 voix contre 3 hier soir.

On se souvient que le groupe PPE réagissait ainsi à quelques-unes de ce qu’il faut bien appeler les provocations d’Orbán. Les dernières en date, les plus spectaculaires, c’étaient les fameuses affiches géantes sur lesquelles George Soros et… Jean-Claude Juncker ressemblaient au Concombre masqué et à Hulk, avec une légende du style : « A Bruxelles, on vous cache tout, on vous dit rien ». Un procédé électoral pour le moins percutant, et très mal perçu par le principal concerné, Jean-Claude Juncker, président de la Commission Européenne et… membre du même groupe que le Fidesz !

Peu après, début mars, 13 partis membres du groupe avaient demandé la tenue d’un vote sur l’exclusion du parti national-populiste hongrois. La présence du Fidesz avait cependant posé problème dès son arrivée, et la situation s’était aggravée sans cesse. Beaucoup de députés avisés observaient les conséquences qu’ils avaient prévues : notamment un nivellement des débats, par suite de l’extrémisme du Fidesz, chacun aspirant à calmer le jeu et à trouver un consensus sur les grandes questions du jour. Résultat : un consensus , certes, mais mou et médiocre.

Dans ce sens, les provocations stupides d’Orbán ont été une bonne aubaine, surtout pour la fraction la plus strictement démocrate-chrétienne. Les trois seuls arguments de ceux qui défendaient encore Orbán, par exemple Joseph Daul, c’était qu’il jouait le rôle du fou du roi, celui qui réveille un peu la routine. Et que le Fidesz sorti du PPE ne tarderait pas à rejoindre l’un des groupes de l’extrême-droite, renforçant ainsi cette dernière assez considérablement. Restait aussi le fait un peu embarrassant que les députés Fidesz suivaient scrupuleusement les votes et l’activité parlementaire, sans s’en écarter jamais : c’est là l’une des raisons du caractère un peu traînant de ce débat durant de longs mois.

Le parti hongrois a donc été « gelé », et non expulsé. Concrètement, cela signifie qu’Attila et ses Huns du Fidesz ne pourront plus participer aux rencontres du PPE, ne disposeront plus du droit de vote, ni de celui de présenter des candidats. La réaction de Viktor Orbán hier soir était assez surprenante par sa modération : si dans l’après-midi, il avait menacé de quitter le groupe si on le suspendait, un peu plus tard, celui qui est aussi le Premier ministre de son pays s’est déclaré « satisfait » de la décision. En effet, il a estimé que la décision prise était bonne, parce qu’elle « sauvegardait l’unité » du PPE !

Ce qui ne correspond pas nécessairement à la réalité qu’on pourra constater dans quelques mois ; ces quelques mois que le groupe pense nécessaire à une (éventuelle, incertaine de fait) restauration de la confiance. Trois conditions posées par le PPE y sont liées : le retrait des fameuses affiches en Hongrie, les excuses d’Orbán – dans une langue diplomatique qui lui permettrait de sauver la face, sa face – et la possibilité pour l’Université européenne financée par Soros de se réinstaller à Budapest, elle qui avait été bannie de fait par l’imposition de conditions aberrantes. Deux de ces conditions ont été remplies, sans qu’on y trouve satisfaction tant la défiance est grande aujourd’hui.

Une commission d’experts va donc examiner l’évolution de la situation et la compatibilité du Fidesz avec les « valeurs » censées être défendues par le PPE. On ne sait dans combien de temps le parti hongrois pourra réintégrer le groupe. En tout cas, Orbán a aussi déclaré hier soir que son parti continuerait à soutenir la CSU, Manfred Weber et sa candidature aux Elections européennes du 26 Mai. Pourtant, voyez comment on est remercié : hier soir, Manfred Weber n’était même pas gentil avec Orbán, puisqu’il a insisté sur ce que l’expulsion du Fidesz reste parfaitement possible, et que de toute manière, il faudra du temps à Orbán pour réinstaurer une ambiance vivable. Beaucoup de temps…

 

 

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