« Parole de Préfet, Sarkozy, Frèche et les autres… »

Alain Howiller sur le nouveau livre de Cyrille Schott – « Parole de Préfet, Sarkozy, Frêche et les autres… » - une livre sur les coulisses du pouvoir.

Se trouver à la tête d'une institution comme une préfecture (ici à Strasbourg), n'est pas toujours évident... Foto: Ji-Elle / Wikimedia Commons / GNU 1.2

(Par Alain Howiller) – Il nous avait raconté, avec une impressionnante minutie, son action de Préfet en Alsace(1) où il avait exercé ses fonctions d’août 1994 à janvier 1998. Il retrace cette fois son vécu, à Montpellier, alors qu’il était de Juillet 2007 à Décembre 2008 Préfet de la Région Languedoc-Roussillon, « une de nos grandes régions, plus importante, par sa population et le nombre de ses départements, que la Basse-Normandie… que je vais quitter après deux années et demie passionnantes », écrit-il d’emblée dans son livre « Parole de Préfet, Sarkozy, Frêche et les autres… »(2).

Voici donc l’auteur, quittant Caen, pour gagner son nouveau poste à Montpellier « …dans ce Midi réputé rétif à l’autorité de l’Etat », dans une ville où siège l’un des monstres sacrés de la République, une sorte de « grand féodal », Georges Frêche. C’est un de ces professeurs de Droit qui déroule une prestigieuse carrière d’élu de terrain – député, maire, président de Montpellier Agglomération, président de la Région Languedoc-Roussillon et qui ne réussira jamais à être… ministre !

Un Préfet alsacien à Montpellier. – Après Belfort, Nevers, Tours, Colmar, Melun, Arras, Caen, Cyrillle Schott, qui fut collaborateur du Président François Mitterrand après avoir été secrétaire général de la Préfecture de la Nièvre, se retrouve le lundi 9 Juillet 2007, « à 8 heures précises », devant le Monument aux Morts montpelliérain, pour le traditionnel dépôt de gerbe qui ouvre officiellement les fonctions de préfet ! « Il a une bonne tête et une bonne poignée de mains », souligne Midi Libre, le quotidien régional. Et l’un des premiers signes de la volonté et du dynamisme du nouveau préfet se retrouvera dans cet échange que rapporte Cyrille Schott. Evoquant avec son chauffeur un aménagement du bâtiment de la Préfecture qui tardait à être concrétisé, son interlocuteur lui signale que « ici c’est cassé, pas réparé » : le Préfet mettra les choses au clair : « …Maintenant vous avez un préfet alsacien et, avec lui, c’est ‘cassé, réparé » ! Vous pouvez le répéter ! »

La rigueur selon Fillon ! – Et de fait, Cyrille Schott mettra, jusqu’en Décembre 2008, son dynamisme et ses convictions de haut fonctionnaire au service de l’Etat et des citoyens, dans une région difficile marquée par un incessant dialogue-confrontation avec un George Frêche, socialiste en rupture de ban, classé désormais dans une rubrique « sans étiquette »(!) face à un haut fonctionnaire réputé de gauche nommé par Nicolas Sarkozy qui, lorsqu’il avait été Ministre de l’Intérieur, avait apprécié son action. Le même Nicolas Sarkozy, une fois élu Président de la République, le nommera à Montpellier pour finalement le « virer »… 15 mois plus tard. Grandeur et servitude des préfets nommés et dégommés, selon le bon vouloir du pouvoir !

L’un des intérêts de l’ouvrage de Cyrille Schott, au-delà de la relation fidèle de cette forme d’apostolat contemporain qu’est la fonction de préfet, est de faire pénétrer le lecteur dans le « vécu » d’un représentant de la haute fonction préfectorale, une spécificité française en quelque sorte. « Délégué du gouvernement », selon Michèle Alliot-Marie, Ministre de l’Intérieur réunissant les Préfets, incité à faire preuve non pas seulement de « rigueur, mais aussi de vigueur » par le Premier Ministre… François Fillon, le Préfet s’engagera avec détermination et responsabilité dans sa mission.

Un « vécu » et l’ingratitude en prime ! – Le « vécu », c’est la manière dont on peut vivre sa foi de catholique croyant, tout en appliquant les principes de « laïcité républicaine » qui, aujourd’hui, fait la une des médias ! C’est pouvoir assumer une vie de famille, malgré des ordres du jour sans cesse bouleversés et des changements d’affectation parfois… impromptus ! C’est accepter de servir, parfois contre ses convictions personnelles. C’est porter le centralisme parisien face à des élus régionaux qui veulent, eux, de la décentralisation. C’est accepter l’ingratitude du pouvoir, lorsque les majorités changent et que les alternances politiques s’installent. Alors que son efficacité est reconnue sur le terrain, c’est d’ailleurs à la suite d’une sorte de complot d’élus de droite qui lui reprochent ses… liens avec Frêche, qu’il devra quitter son poste !

Un simple coup de fil l’informera de ce qu’il appellera « un acte d’autorité de Sarkozy ». Non sans amertume, jetée depuis à la rivière, il constate : « Je suis viré » et il finira donc sa carrière comme conseiller maître en service extraordinaire à la Cour des Comptes, car, souligne l’auteur du coup de fil : « …On n’a pas voulu que tu sois sans rien ! » Tout au long de ces presque 280 pages, apparaît la grandeur et les servitudes d’une fonction de préfet, exaltante, mais souvent porteuse d’ingratitude de cet employeur particulier qui s’appelle… l’Etat !

(1) « Un Alsacien Préfet en Alsace », Editions du Signe – 2018.

(2) « Parole de Préfet, Sarkozy, Frêche et les autres… » – Editions La Valette-Le Noyer, 280 pages – 20 euros.

 

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