Passerelle Helmut Kohl ? Non, merci…

Suite au décès de l’ancien chancelier allemand Helmut Kohl, le Conseil Municipal de la Ville de Strasbourg avait voté pour rebaptiser la Passerelle des Deux Rives en « Passerelle Helmut Kohl ».

Passerelle Helmut Kohl ? A Kehl, on n'en veut pas... Foto: Tangopaso / Wikimedia Commons / PD

(KL) – L’histoire est une illustration parfaite de ce qu’il peut arriver lorsque la bonne volonté ne peut pas faire oublier les incompétences interculturelles. Après le décès de l’ancien chancelier Helmut Kohl l’année dernière, les édiles de la ville de Strasbourg voulaient envoyer un message de sympathie aux voisins allemands, en particulier à ceux de la ville de Kehl. Pour faire passer ce message, le Conseil Municipal avait donc spontanément voté une motion qui prévoyait que la « Passerelle des deux Rives » soit rebaptisée  « Passerelle des Deux Rives – Helmut Kohl ». Seul problème – les voisins allemands ne tiennent pas du tout à ce que le nom de l’ancien chancelier soit attaché à cette passerelle. Interpellés par les collègues de la « Kehler Zeitung », les groupes politiques du Conseil Municipal de Kehl ont pris position sur la question.

Pour faire court, les quatre groupes représentés au Conseil Municipal de la ville de Kehl ne souhaitent pas que l’on touche au nom de cette passerelle qui constitue l’une des plus belles expressions matérielles de la réconciliation franco-allemande. Très poliment, les quatre groupes évoquent le fait que la population de part et d’autre du Rhin s’est habituée à ce nom « Passerelle des Deux Rives » et qu’il vaudrait mieux ne pas changer cet état des choses. Ce que les quatre groupes ne disent pas, c’est que personne n’a envie d’immortaliser la personne de Helmut Kohl de la sorte. Car Helmut Kohl, vu par les Français, n’est pas Helmut Kohl vu par les Allemands.

Pour les Français, Helmut Kohl, c’est cette belle image main dans la main avec François Mitterrand sur les tombes de Verdun, c’est l’image du chancelier de l’unification allemande, c’est l’image du chancelier qui a abandonné le Deutsche Mark pour ouvrir la voie vers l’Euro. Mais en réalité, le quart de siècle au cours duquel l’ancien chancelier a marqué la politique allemande ne se résume pas en ces trois images. Helmut Kohl, c’était aussi le chancelier de tous les scandales, c’était aussi l’homme à l’instinct politique froid qui éliminait sans pitié ses adversaires politiques, c’était aussi l’homme qui faisait subir à l’Allemagne, la « geistig-moralische Wende », le « changement spirituel-moral », une sorte de revirement vers un conservatisme poussiéreux.

Si les Allemands ont fini par respecter Helmut Kohl (ce qui n’avait pas toujours été le cas : pendant les années 80, Helmut Kohl fut surnommé « Birne » (« poire »)), ce n’était pourtant pas une histoire d’amour entre Kohl et son peuple. Ceci explique pourquoi même les représentants de la CDU, donc du parti de Helmut Kohl, s’opposent à ce que l’on touche au nom de la Passerelle des Deux Rives…

A un moment où tous les voyants du franco-allemand sont au vert, il serait peut-être temps de soigner les compétences interculturelles au niveau des responsables des villes frontalières dans la région et d’établir un véritable dialogue qui dépasserait les échanges de politesses. Si le vote du Conseil Municipal de Strasbourg n’a pas eu de conséquences fâcheuses, il montre tout de même qu’il y a du flottement dans les relations franco-allemandes…

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