Pologne : Le Bon Changement (Dobra Zmiana)

Un film-bilan de Konrad Szołajski

Le réalisateur Konrad Szolajski Foto: Slawek/Wikimédia Commons/ CC-BY-SA 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Le film documentaire Dobra Zmiana expose de manière admirable un état des lieux de la Pologne contemporaine : celle du PiS national-populiste et du cléricalisme fortuné, mais aussi, et de plus en plus, celle de l’aspiration à la démocratie réelle, à la laïcité et à la transparence.Certains des aspects de ces contradictions fondamentales marquent l’excellent film Kler, sorti en salle l’automne dernier en Pologne et qui a remporté un immense succès. Dobra Zmiana, lui, complète le tableau et nous montre avec beaucoup de pertinence de quoi est faite la société polonaise d’aujourd’hui – et sans doute, de demain.

Le titre de son film, Le Bon Changement, renvoie au projet du PiS. Konrad Szołajski a répondu aux questions d’un interviewer dans le média Kafkadesk (https://kafkadesk.org/). Il est difficile de faire un film dans la Pologne régie par le PiS, estime d’entrée le cinéaste : il règne en Pologne une censure par l’argent, grandement favorisée par l’organisation, les pressions, les ententes tacites. Nous connaissons cela ailleurs, certes ; mais sans doute pas à ce degré. Il y a monopole de fait du PiS dans le domaine culturel…

La motivation initiale du réalisateur, c’est la constatation qu’on se trouve, selon lui, depuis les années 1980, devant le 4ème virage de l’Histoire polonaise : Solidarność, la chute du stalinisme, l’entrée dans l’Union européenne puis, ces toutes dernières années, une division profonde, une polarisation de la société entre ceux qui croient à Kaczyński et ceux qui n’y croient pas (illustrés de manière impressionnante dans le film par un jeune couple qui se lève et pleure devant sa télé lors des commémorations du crash de Smolensk), ceux qui se plient et se ploient devant le Vatican et ceux qui ont besoin de liberté de conscience et de laïcité.

Pour Szołajski, et cette constatation est générale, la société polonaise a rarement été aussi polarisée. A tel point qu’il parle de « guerre civile froide », à un degré très préoccupant. Il va jusqu’à affirmer que… le bain de sang n’est pas loin ! Peut-être est-ce un peu exagéré, mais il y a cette violence verbale, ce climat de haine sous-jacent à l’escalade dans l’insulte, cette surenchère dans l’imprécation qu’entretient la télé dominée par le PiS…(voir nos articles dans Eurojournalist(e) à ce sujet) l’un des signes les plus cauchemardesques a été, l’hiver dernier, l’assassinat du maire de Gdańsk, Paweł Adamowicz, qui a représenté un véritable traumatisme pour nombre de Polonais. Pour la moitié d’entre eux ?

Le PiS, Szołajski le rappelle de manière très pertinente, a joué comme tous les partis populistes sur la frustration des laissés pour compte du libéralisme – celui de la Plateforme civique, essentiellement… Et cela, pour leur faire croire à la possibilité d’une Pologne qui se suffirait entièrement à elle-même, qui serait LE pont entre l’Ouest et l’Est et qui se suffirait à elle-même, comme dans les années Piłsudski. Mais c’est là une illusion.

Reste le rôle pesant de l’Église catholique et du clergé. Lui-même, selon le cinéaste, est très divisé : certains clercs vivent dans des appartement somptueux, comme des princes, et dans de vastes Mercedes, tandis que d’autres voient bine que, prise dans son égocentrisme d’institution séculaire, l’Eglise polonaise se détruit elle-même par son inertie, voire par son agressivité réactionnaire (qu’on pense à, cet autodafé de Harry Potter, voici tout juste quelques jours!). Et (comme ailleurs) par son refus fondamental d’aborder frontalement le problème de la destruction des âmes de milliers d’enfants, ce qu’on appelle pédophilie.

Ces deux raisons principales, ainsi que la hausse du niveau de vie, font que les Polonais quittent massivement, selon Szołajski, l’Église catholique. Le succès extraordinaire du film Kler, en 2018, témoigne de cette véritable lame de fond. Un film excellent, selon Szołajski, parce qu’il ne procède pas à une condamnation, mais indique, expose les problèmes.

Konrad Szołajski prépare un roman sur le sujet de l’exorcisme, qui reprendra son docu intitulé Walka z szatanem (Le Combat avec Satan). Et surtout, il travaille actuellement sur un documentaire consacré au hate speech killing, les discours de haine dans le pays, qui aura des rapports directs avec Dobra Zmiana. Pour ce faire, lui et ses complices organisent un crowdfunding pour financer ce film, qui s‘annonce passionnant ! Avis à ceux qui ne savent que faire de leur fortune, grande ou petite !

 

 

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