Pologne : les trains ont des oreilles

Répression policière, alcool et incompétence

Attention, risque d'espionnage ! Foto: Archives NZ/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Depuis le début du mois de mai 2020, les petits entrepreneurs ont décidé de manifester tous les samedis, parce qu’ils font largement les frais du clientélisme et de la démagogie du PiS au pouvoir. Inquiétude et colère renforcées de ce qu’ils savent bien qu’ils paieront pour d’autres, pour ceux qui sont déjà nantis, les graves insuffisances du PiS pendant et après la pandémie. Mais les manifestants sont suivis de très près par les plus hautes instances de la police dite « nationale »…

A la fin de la semaine dernière, le chef de la Sécurité de la Société des Chemins de Fer polonais, Waldemar Płoński, a envoyé un courriel aux conducteurs de train, partout dans le pays. Ce courriel contient le message suivant :

«  Mesdames et Messieurs, nous vous demandons de fournir des informations au Bureau de Sécurité sur les trajets des personnes qui se rendent à la manifestation des entrepreneurs à Varsovie, qui doit avoir lieu samedi le 23 mai. Les conducteurs sont priés de nous contacter au numéro de téléphone 697 044 249 (le numéro où nous collectons les informations sur la sécurité des enregistrements de caméra de surveillance. »

Bigre ! Un appel explicite à la délation venant du grand patron des Chemins de Fer ! Le courriel, d’ailleurs, ne cesse de circuler sur le réseaux sociaux et sur internet plus largement. Et fait scandale dans toute la Pologne chez les non-aficionados du parti national-populiste au pouvoir. Dénoncer des gens qui font usage d’un droit parfaitement reconnu par la Constitution : celui de manifester son opposition au gouvernement en place et d’énoncer des revendications qui, d’ailleurs, concernent la subsistance la plus élémentaire ?

Des journalistes de la Gazeta ont donc appelé ce numéro. Chance : le dirigeant de la Police, Waldemar Płoński, a répondu en personne. Il a répondu : « Allez demander à la presse ! », puis, sur leur insistance : «  Veuillez raccrocher.Vous gênez la ligne téléphonique. »

Płoński est une figure éminente et très représentative de la Police en temps de PiS. Il est très connu, et pour de très mauvaises raisons. Entre 2005 et 2007, en tant que chef du Commissariat des Chemins de Fer à Varsovie, il était adepte d’une pratique alors courante, celle dite du « taxi bleu » : c’est-à-dire d’utiliser les voitures de fonction de la Police (et des agents de police) pour ramener des amis haut placés après des soirées festives très alcoolisées. Mais une nuit, cela a mal tourné : le 2 décembre 2006, alors que deux policiers ramenaient le directeur de la Sécurité publique du ministère e l’Intérieur de Varsovie vers la ville de Siedlce, la Polski a dérapé et s’ est engloutie dans un marécage… On a organisé une battue à laquelle presque 2000 personnes ont participé pour retrouver les deux jeunes policiers disparus – une femme sergent et un aspirant – , en l’absence d’explications claires de Płoński et de ses subordonnés…

En 2008, le directeur de la Sécurité publique, Tomasz Serafin, et Waldemar Płoński ont été condamnés à un an de prison avec sursis. Quand après un intervalle de transition, le PiS est revenu au pouvoir, Serafin est devenu conseiller dans les renseignements militaires, et son petit camarade a intégré la PKP, la Société publique des Chemins de Fer.

Quoi qu’il en soit, cette demande d’informations sur les manifestants des samedis de Varsovie en dit long sur la nature du PiS et sur l’efficacité imminente des mesures qu’il compte mettre en œuvre pour réorganiser l’économie du pays en temps de pandémie et de post-pandémie. L’Etat polonais sur s la férule du PiS est un Etat de plus en plus policier (voir les atteintes à la liberté des médias et à la liberté judiciaire…), oligarchique et démagogique.

A voir pour plus d’informations factuelles, la Gazeta Wyborcza : https://wyborcza.pl/

 

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