Pologne : Robert Biedroń le Perce-neige

Un espoir pour 2019 et 2020

Le Printemps, Paris, la Coupole Foto: Selbymay / Wikimédia Commons / CC-BY-SA / 3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Le printemps pointe le bout de son pistil en Europe centrale. Tandis qu’à Budapest, le candidat écologiste représentera la gauche aux primaires de l’opposition, à Varsovie, 6000 personnes se sont assemblées dans la grande salle Torwar pour acclamer la star montante de la gauche, Robert Biedroń. L’ancien maire de Słupsk proclamait la naissance de son parti, Wiosna (Printemps).

Robert Biedroń est une figure assez étonnante et relativement rare en Pologne. Maire très apprécié de sa ville des bords de la Baltique, gay revendiqué, il milite pour la séparation de l’Eglise et de l’État dans ce pays où le passe-temps favori d’une bonne partie de la population est de se prosterner devant la Vierge noire de Jasna Góra, pour la liberté de l’IVG, pour l’arrêt de l’exploitation du charbon à partir de 2035 – dans un pays où ce matériau poussiéreux a une forte valeur symbolique et presque identitaire.

L’une des intentions politiques fondamentales de Biedroń est de renvoyer dos à dos le PiS au pouvoir et la Plateforme civique, le principal parti d’opposition, qu’on peut situer au centre-droit. La sensibilité de Biedroń est autre : elle le pousse à surplomber comme Dieu le maire un affrontement qui se traîne depuis 2007 et qui, selon lui, plonge la Pologne dans des combats très dépassés. « Nous somme en 2019 ! », s’est-il exclamé dimanche. De gauche, Biedroń ? Oui, assurément ; mais il veut surtout « moderniser » la société polonaise – un peu comme, en 1968, les porteurs les plus enthousiastes du virus de l’American way of life scandaient des slogans trotzko-maoïstes…

Le charisme du slupskien opère, et Biedroń en joue habilement.Avec cet inconvénient qu’il semble que le parti se structure entièrement autour de la personnalité de son fondateur. Beaucoup d’observateurs ont remarqué qu’il n’a fait nulle mention de problèmes aigus et importants qu’a introduit le gouvernement national-populiste : en matière de droit fiscal (impôts), de droit du travail et de dialogue social, les contrats-torchons à DI, et même… l’Europe ! Un petit côté Ségolène Royal sous prozac, en somme… Mais cette stratégie de rassemblement charismatique peut être payante, parce que la plupart des figures connues de la gauche sont malheureusement un peu discréditées par les maladresses électorales commises autour de 2015.

Printemps, qu’il s’appelle, ce nouveau parti. Les perce-neige pointent leurs clochettes. Printemps, beaucoup de partis et de mouvements portent ce nom. Le Printemps de Prague, en 1968 ; la Marche du Printemps de Boris Nemtsov, avant que les sbires de Poutine ne l’assassinent ; et… et le Printemps européen : la liste de cet autre parti de gauche, Razem (Ensemble). Au fait, qu’est-ce qui distingue Wiosna de Razem et des autres formations de la gauche polonaise ?

Razem a été fondé en mai 2015, en vue des législatives du mois d’octobre, en réaction à l’Alliance de la Gauche Démocratique (SLD) et de son caractère de parti de la gauche d’appareil, « établie »… Un parti de rupture, donc. Son programme est très analogue à celui de Podemos, qui est peu ou prou son modèle. Le parti rassemble notamment des militants issus des Verts et des Jeunes Socialistes. On ne comprend guère, c’est vrai, la déconfiture de la gauche polonaise si ce n’est à partir de l’embourgeoisement de la SLD : cette dernière, née dans les décombres du communisme en 1991, a occupé le pouvoir en 2001 ; et de 1991 à 2004, elle était très importante à tous égards. Sans doute est-ce surtout le malaise des Polonais face à l’Europe des institutions qui explique la défaite de la SLD et sa chute, après les européennes de 2005.

Pour ce qui concerne Robert Biedroń, il est issu d’un parti de scission fondé en 2010, dissous depuis, le Mouvement Palikot, qui répandait une idéologie qu’on pourrait qualifier de radicale de gauche, au sens français : laïcisme, libertés civiques,…

Les partis de gauche évoqués ici sont numériquement très faibles, et cela depuis 2006 : ensemble, ils représentent à peine 15 % des suffrages ; en 2015, divisés, ils n’ont pas même pu dépasser le seuil fatidique des 8 % qui permet l’accès au Sejm (Parlement). Il n’est donc pas mauvais de miser, comme le fait Wiosna, sur une personnalité attachante et fédératrice. D’où sans doute la « légèreté » du discours inaugural de Biedroń. D’où son insistance aussi pour souffler un majestueux vent frais sur l’ennuyeuse bagarre entre 2 partis présentés tous deux comme conservateurs. Ce qu’est bien la Plateforme civique… mais d’une certaine manière seulement.

Bonne chance, Printemps ! Adieu, hiver, adieu !

 

 

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