Pologne : un JT haineux et mensonger

L’information en Populisteland

Pinocchio : une hypertrophie nasale qui exige le scalpel Foto : Grand Parc, Bordeaux, France / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 2.0Gen

(Marc Chaudeur) – Tandis qu’à Gdańsk, on déboulonne la statue d’Henryk Jankowski, un prêtre mort en 2010, antisémite, anti-Europe, accusé de nombreux abus sexuels sur de jeunes garçons, un journaliste polonais dézingue le média du gouvernement TVP1, et surtout son bulletin d’infos. Une info pire encore que celle des années 1960 en France, assurément.

Krzysztof Leski a suivi pendant un an, de la fin 2017 à la fin 2018, le journal d’informations Wiadomości (Informations). Leski, ce n’est pas n’importe qui : journaliste réputé et très expérimenté, il a participé au journal clandestin de l’époque communiste, Tygodnik Mazowsze, puis a collaboré à Gazeta Wyborcza (excellent journal…), à la télévision publique TVP et pour le Daily Telegraph et la BBC. Il a ensuite pu assister à la dérive autoritaire des médias polonais, dont il estime que sur certains points, ils sont pires que ceux de l’époque socialiste… C’est ainsi qu’il a tenu, durant tout une année, une « chronique de la propagande », où il a fait part de ses observations et de ses réflexions sur twitter.

Il en conclut que le journal télévisé de TVP1 ne comprend que 3 espèces d’informations. D’abord, le gouvernement ressasse infiniment les mesures sociales qu‘il a prises : en particulier le supplément d’allocations familiales et l’abaissement de l’âge de la retraite. Il se sert de ces acquis pour répéter sans cesse qu’il travaille avec acharnement à rendre le peuple polonais heureux, et que pour cela, ledit peuple éprouve de la reconnaissance à son égard. Si si. Ensuite, le bulletin d’infos répète inlassablement que sous l’administration de la Plateforme civique, katastrooof, le pays était ruiné, en particulier le secteur public, et qu’au contraire, ce secteur était florissant sous le PiS ; mille bégonias fleurissent aujourd’hui dans tous les domaines de l’économie polonaise. Eh bien, chers amis, c’est faux. Complètement faux.

Ces « infos » sont liées, très souvent, au reproche de graves lacunes démocratiques et au rappel de faits, au nombre de deux, qui sont censés s’y rapporter : la répression des grèves de mineurs en 2011 (rappelée 50 fois en un an dans les infos) et les descentes vigoureuses de la Sécurité intérieure dans les bureaux de l’hebdo Wprost en juin 2014 (répétées 50 fois aussi en une seule année), lorsque cette revue controversée (dirigée par un ancien malfrat, Sylwester  Latkowski) a révélé le contenu d’écoutes qui lui avaient été remises par un affaireux véreux.

Coup double, croient les journalistes à la solde du PiS, puisque le contenu de ces enregistrements, s’il ne révèle en apparence aucun secret fracassant, met en évidence le caractère assez vulgaire et plutôt cynique des propos tenus, oui, tout de même, par le ministre de l’Intérieur, Sienkiewicz, la vice-Première ministre Elżbieta Bienkowska (en conversation avec un boss des Services de renseignement), Marek Belka, le gouverneur de la Banque centrale, Rostowski l’ancien ministre des Finances etc ! Quelle aubaine pour le PiS ! Et Wiadomosci, en un an, en a parlé au moins cent fois…

Enfin, troisième espèce d’ “infos” : les partis qui s’opposent au PiS, vides de tout programme, se servent des médias allemands et des caciques de l’Union européenne pour comploter et mettre à bas le gouvernement – et avec lui, la Pologne, puisque la narration du PiS, un mythe typiquement populiste, confond parti et nation.

Quelles différences au juste entre l’information de la radieuse ère communiste, que Leski a connu en profondeur, et celle de la glorieuse ère PiS ? Le journaliste observe que la propagande de glorification des succès atteints est en somme semblable à celle des années 1947-1990 ! Une différence essentielle, cependant : alors que le Parti ouvrier unifié polonais glissait sans cesse le fait d’une contestation clandestine sous la nappe, la TVP du PiS, elle, ne cesse de semer la haine contre les partis d’opposition : ses bulletins d’infos y consacrent la moitié de leur temps… Ainsi, Solidarność était plutôt occultée qu’agressée – mais aujourd’hui, le mouvement est inverse.

C’est dans cette ambiance de haine que le maire de Gdansk, Pawel Adamowicz, a été assassiné. La veuve attribue à TVP1 une grande part de responsabilité dans cette mort, par-delà le fait que l’assassin est un ancien malfrat souffrant de graves troubles psychiques. Il est vrai que comme le rappelle Leski, Adamowicz a été attaqué plus de 100 fois dans les Wiadomości, dans la seule année 2017 !

Etrange émission d’actualités, qui consacre une part démesurée de son temps (Leski parle de 95 %!) a répéter les mêmes clichés, à ressasser ad perpetuum les événements très méchants de l’époque PO (2007-2015) et les événements merveilleux de l’époque 2016-2019… La plupart des journalistes viennent de journaux proches de PiS. Ils en propagent les mythes l’idéologie et les mensonges éhontés.

Un exemple bien connu, obsédant, névrotique : la « légende urbaine » selon laquelle les négociations dites « de la Table ronde » par lesquelles la Pologne est sortie du communisme. Le 4 juin dernier, on fêtait le 29e anniversaire des ces conciliabules entre les membres éminents du POUP et certains dissidents de Solidarność (et autres). Les dirigeants et les militants de PiS, bien qu’on dispose de documents très précis qui indiquent le contraire, s’obstinent à affirmer que les deux partis se sont entendus pour, en somme, se partager la Pologne : liberté d’expression d‘un côté, propriété des grandes entreprises et des terres agricoles, etc, de l’autre.

Les mensonges de PiS atteignent un niveau grotesque. Ainsi, Jan Korab, l’un de ses journalistes, a qualifié les négociations de 1989 de « résultat du complot de certains dirigeants de Solidarność avec les communistes, par l’abandon de deux tiers du Parlement ». Or, en 1989, le Parlement était bien évidemment entièrement contrôlé par les communistes ! Mais non : pour Korab, les opposants de la Table ronde, c’était « ceux qui étaient prêts à maintenir les troupes soviétiques en Pologne, à tenir le pays à l’écart de la Pologne, à défendre les agents communistes «  etc etc !

E somme, TVP1 est devenue un média croupion, un instrument visant à refléter la « vérité » selon le PiS. Voilà ce qui nous attend en France quand le RN aura été élu – si certains partis démocratiques continuent à s’enfoncer dans leur masochisme…

Cet article s’appuie en grande partie sur des infos produites ou compilées par le courrier d’Europe Centrale. Pour en savoir plus : https://courrierdeuropecentrale.fr

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