Tchéquie : Babiš bientôt balayé ?

Le peuple tchèque n’est pas une entreprise

Andrej BABIS Foto: Martin Strachon/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Voici un peu plus d’un mois, en changeant de ministre de la Justice, le Premier ministre tchèque, Andrej Babiš, dont la gestion politique s’apparente de plus en plus à celle de Viktor Orbán, a jeté des centaines de milliers de personnes dans les rues de 200 communes tchèques. C’est qu’en effet, cet ancien agent secret stalinien devenu chef d’entreprises milliardaire a beaucoup à se reprocher…

C’est une course contre la montre qu’a entrepris Babiš. Fin avril, le premier ministre a nommé Maria Benešová au poste de ministre de la Justice pour remplacer le précédent qui très opportunément, avait remis sa démission au moment même où l’homme d’affaires milliardaire commençait à voir la balance osciller dangereusement. Maria Benešová a immédiatement mis en œuvre une réforme de la justice : il s’agit de modifier le mode de sélection des procureurs supérieurs pour une durée fixe, et de les rendre inamovibles par le gouvernement.

Les manifestants réclament la démission d’Andrej Babiš. Le deuxième homme le plus riche de la République tchèque est principalement accusé d’avoir détourné des fonds européens (on parle de 2 millions d’euros) pour parfaire sa fortune personnelle.

Né en 1954 à Bratislava, Babiš travaille en 1978 au Maroc pour une compagnie slovaque. Il travaille en même temps pour la StB (Sécurité d’État tchécoslovaque) et par conséquent aussi, pour le KGB soviétique. Après 1989, comme tant d’autres, il rachète pour quelques miettes des ex-entreprises d’État, et prend possession de la compagnie slovaque d’agrochimie Agromex. Puis il créera Agrofert, qui sera sa grande pompe à subventions européennes.

Babiš, par la suite, n’a cessé de pratiquer des conflits d’intérêt – ce qui lui a été rendu possible par son accession au poste de président du gouvernement (c’est-à-dire Premier ministre) en 2013. Il n’a cessé d‘être inquiété par la justice depuis lors, mais a bénéficié du soutien du Président, Miloš Zeman, guère plus recommandable. Une affaire parmi d’autres a fait grand bruit : celle dite « du Nid de Cigognes », qui a mis en lumière le détournement de fonds européen par Babiš pour la création d ‘une zone de loisirs (jamais tout à fait achevée), qui devait manifestement profiter à sa famille.

Mais c’est la réforme de la justice toute récente qui a mis le feu aux poudres . Et depuis le début du mois de mai, les Tchèques manifestent en masse. 120 personnes le mardi 4 juin dernier sur la fameuse Place Venceslas de Prague, et davantage encore sans aucun doute ces prochaines semaines. Jusqu’à la démission du créateur de l’ANO (Citoyens Mécontents), de celui qui proclamait qu’il fallait « gérer le pays comme un entreprise » ? Cette formule même eût dû mettre la puce aux oreilles des Tchèques dès le début, d’ailleurs… En tout cas, le mouvement qui a initié la protestation, Milion chvilek pro demokraci (Un million de moments pour la démocratie, https://www.milionchvilek.cz/) entend bien aller très loin, jusqu’à la démission du Premier ministre. Et la Justice, après plusieurs audits, va lui réclamer le remboursement de plusieurs millions d’euros.

Des manifestants pour la justice versus un bon tiers des citoyens tchèques qui continue à faire des papouilles et les yeux doux à celui qui les prive d’un montant difficilement calculable de millions d’euros de subventions ! Il est vrai que Babiš possède (depuis 2013) le groupe médiatique MAFA, éditeur de 2 « grands » journaux populaires et d’un gratuit…

Et cependant, le groupe social-démocrate qui fait partie du gouvernement minoritaire tchèque de coalition risque forte de lâcher le dirigeant de l’ANO. Il est vrai qu’il ne représente plus, faute de crédibilité et même, d’une quelconque substance, que 4 % de l’ électorat tchèque… Déconfiture de la social-démocratie européenne, à laquelle il faudra d’urgence remédier partout, dans à peu près tous les pays de l’UE !

En tout cas, le pouvoir d’Andrej Babiš est plus menacé que jamais. On peut se remettre à espérer en la démocratie réelle pour la République tchèque.

A lire : https://courrierdeuropecentrale.fr/

 

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